jeudi 21 août 2025

De la perspective ordinaire du Témoin à la perspective évolutive Intégrale.

Œuvre de Priti Ghosh


PARLER DE REALISATION DE LA CONSCIENCE TEMOIN EST PLUS SÛR QUE DE PARLER DE CELLE DU SOI, SI POUR LA NON DUALITE LA PLUS AUTHENTIQUE, TOUT EST DIVIN.

Dans la spiritualité de la non dualité mainstream, la conscience Témoin est vue comme un succédané, un errement du chercheur avant que le Soi ne se réalise pleinement. 

Premièrement, cependant, la conscience Témoin ne doit pas être confondue avec une dissociation entre un ego agissant et un ego qui s'observe. Le Témoin, dont nous allons parler ici est un déjà-là, une dimension préexistante qu'il s'agit à un moment de voir se réaliser au sein d'une évolution spirituelle.




Deuxièmement, en amenant en avant la notion de conscience Témoin, nous souhaitons nous tenir à distance d'interprétations courantes du Soi.

La notion du Soi suppose bien souvent une unicité et une absolutisation de la conscience immuable, d'une part, et, d'autre part, une dévalorisation discutable des phénomènes relatifs muables. Plus généralement, elle conduit à séparer un absolu et un relatif. Dans certaines interprétations le Soi est lui-même le premier phénomène relatif, déjà du côté des phénomènes temporels. Car l'absolu est affirmé comme un Non soi. A ce sujet, il y a le risque d'absolutiser les ténèbres lumineuses de l'expérience du Soi alors qu'elles sont dues à des dimensions inexplorées, à des aveuglements relatifs, etc.

Notre vision spirituelle du Témoin veut éviter d'affirmer trop vite une conception qui nierait que tout jusqu'au moindre détail est réellement divin. 

Les conceptions courantes du Soi impliquent trop souvent une survalorisation discutable de l'immuabilité atemporelle sur la muabilité temporelle. Elles impliquent alors la survalorisation de l'Etre par rapport au Devenir.  

Il nous semble que, bien que revendiquant une non dualité, beaucoup des interprétations courantes du Soi ne sont pas radicalement et intégralement non duelles.

Les visions non duelles attachées au Soi sont, d'après nous, loin d'être intégrales : elles aboutissent à des dualités entre être et devenir, éternel et temporel, vacuité et formes, espace de conscience et phénomènes, entre non manifesté et manifestations, entre personnel et impersonnel, etc.


LA PLACE DU TEMOIN SUR LE CHEMIN DE LA NON DUALITÉ INTÉGRALE DU TOUT EST DIVIN.

Nous allons ici évoquer une approche du Témoin dont le vécu interdit d'absolutiser une quelconque dualité qui nous ferait conclure hâtivement que tout n'est pas divin.

La dimension de conscience Témoin peut être réalisée au niveau du plan de conscience où nous en sommes de l'évolution consciente de la conscience. Certains animaux qui n'ont pas un mental développé manifeste à l'évidence cette réalisation.

La conscience Témoin, y compris au plan de conscience ordinaire humain, est alors comme un "œil" sans bord, in-fini. Cet œil se tient là en arrière-plan de toute chose et simultanément en toute chose, qui paraît dans notre présence consciente. C'est un vide inhérent aux choses, une non-chose en laquelle se tient toute chose. Et sans chose, ce Témoin n'est rien, il est conscience de rien, devenant pratiquement inconscient. Sans mémoire ou autre façon de retenir quelque chose du passé, il y a traces de discontinuité de la conscience y compris dans sa dimension Témoin. Un inconscient l'affecte, il est Témoin de son rien de conscience ou du moins de son manque de conscience.

Cependant cette inconscient est-il absolu ? On observe que la conscience et son Témoin peut s'étendre sur un plan subtil. Dès lors la conscience Témoin réalisée sur un niveau de conscience ordinaire ne peut-elle pas s'étendre vers la supraconscience et le subconscient ? 

Par exemple, on peut sentir une force active intérieurement au niveau des sourcils, il y a présence d'une lumière, d'une forme, d'une énergie, qui n'est ni une pensée, ni une émotion, ni une sensation physique. Ce centre subtil par lequel une force de conscience jusque-là inaperçue génère des réactions et des actions sur le plan de conscience qui nous était jusqu'à présent familier s'avère une extension de conscience. Elle peut s'inviter d'ailleurs sans que le Témoin dont nous parlions soit réalisé.

Prenons le cas où le Témoin se tient réalisé en arrière-plan et au sein du mode de conscience humain usuel. Celui-ci  s'observera immédiatement Témoin de cette dimension subtile, qui se révèle soudain à l'œuvre alors qu'elle était ignorée précédemment.


Si je suis dans ma chambre, le Témoin englobe cette chambre selon ma perspective. 



Si je suis dehors à l'extérieur de mon logement, il englobe ma vision du ciel.



 Il s'étend et se contracte selon les dimensions spatiales que les sens humains captent. Mettre des bouchons d'oreille réduit la sphère auditive, la conscience Témoin est le Témoin d'un espace auditif réduit. J'enlève mes bouchons d'oreille, le Témoin demeure, il est le Témoin étendu à un espace auditif plus étendu dans la réception des sons. 

De la même façon, si la dimension d'un monde subtil paraît, il est Témoin du monde subtil. Si notre capacité subtile se voile, c'est le Témoin de ce voilement.

S'il y a un monde au-dessus du mental ordinaire, s'il y a un monde des idées, de vagues intuitives, etc., le Témoin réalisé sur le plan ordinaire du mental analytique sera ouvert automatiquement à ces expériences nouvelles. Si elles sont momentanées, l'extension automatique du Témoin n'aura été que momentanée.

Le Témoin est alors témoin d'un jeu propre à une automanifestation supra-individuelle de la perspective de conscience propre à notre individualité. Le Témoin, que le sanskrit nomme le purusha, est donc révélé dans ses divers plans par des flux d'automanifestation du Devenir. Ce type de flux est désigné en sanskrit comme prakriti.

Mais le Témoin Purusha, s'il accueille toute chose sans refus, sans jugement sur les prakritis, peut commencer à voir s'exprimer son aspiration silencieuse à des qualités de flux plus évoluées. Le Témoin Purusha ne consent plus à s'étendre et se réduire selon les caprices des flux de conscience, des prakritis. Les désirs sont l'œuvre d'une prakriti inférieure, mais l'aspiration émane d'un purusha aussi bien que d'un flux de prakriti supérieur. Le purusha Témoin ne consent plus passivement à voir ses dimensions de perception de plans de conscience paraître et disparaître. 

Il aspire à percevoir la source de tous ces flux, la Mahashakti, le flux de tous les flux de conscience, l'intelligence du Devenir, le flux supérieur du devenir de conscience par excellence. 

Cette aspiration révèle une personnalisation de ce Témoin anonyme, il se découvre une dimension Témoin individuel s'individuant, enfant aimant de la Mahashakti, enfant formé par la Mahashakti. Sri Aurobindo le nomme Chaïtya purusha. Cette dimension du Témoin se rencontre en arrière-plan du centre subtil du cœur.

Ce Témoin est un reflet d'un Témoin amoureusement soumis à la dynamique créatrice première, à la Mahashakti. Il est témoin d'une aspiration à contempler son Aimée dans sa nudité glorieuse, sans ses voiles d'ignorance, sans incapacité. 

Entrevoyant sa Mère, la shakti-prakriti qui soutient son aspiration et y répond, ce Témoin se pressent à fois témoin et miroitement du purusha témoin Suprême uni à la Mahashakti. 

Le Témoin du plan humain ordinaire est purusha du mental-vital, miroitement-rayonnement du Suprême purusha, Ishwara, uni à la Mahashakti, Mère du Devenir. 

Mais initialement ce Témoin est aussi bien ignorant de son essence ultime, union d'Iswahra et de Mahashakti que de sa dimension proprement individuelle. C'est par affinement de ce qui s'observe en lui qu'il commence à se réaliser dans un voilement moins prononcé de sa propre source. C'est par purification de ce qui vient troubler son observation qu'il commence aussi à voir l'insensibilité attachée à son propre cœur, à s'approcher ainsi de sa dimension individuelle, notre vraie personne. 

Ainsi le plus souvent, lorsque le purusha témoin mental-vital se réalise, au début, sa vision reste très  enténébrée. Entre autres, ses ténèbres masquent alors le secret de cette aspiration qui se reflète en lui de se relier à sa source et à sa véritable individuation en croissance. Son observation imprécise confond alors encore aspiration et désir. Il est le témoin mental, il n'est pas pleinement le témoin du vital.

Cette aspiration en lui à son authentique individuation, distincte du désir, c'est Chaïtya Purusha qui la produit. Cette aspiration est un fil qui, suivi, dévoile Chaïtya Purusha. Celui-ci est l'enfant de l'amour de l'Amant, l'Ishwara Purusha, le Purusha de tous les purushas, et de l'Aimée, Mahashakti, la Mère divine. Cet enfant est amour de la beauté-perfection, Eros, l'enfant d'Aphrodite, la Beauté Mère de toutes les beautés. Cet enfant est un feu 🔥 individué, fils du feu Suprême qui éclaire et engendre en son sein primordialement toute chose. 

Cette aspiration en lui à sa source divine au-dessus vient de son individualité éternelle, le purusha propre au jivatman au-dessus de la tête.

Son Père divin, la source des purushas, ouvre par sa lumière, l'espace rendant possible l'œuvre de notre Mère, Mahashakti, Mère de toutes choses. Son Père, Ishwara Prusha, se manifeste par des vagues de Paix,  des ondes de Silence qui débordent et amplifient la Paix et le silence inhérents au Témoin, d'abord découvert sur le seul plan ordinaire. Son Père prépare ou accompagne ainsi sa prise de conscience. Son individuation croissante deviendra par la grâce de Mahashakti, suffisante pour ne plus rester indiscernable dans les ténèbres lumineuses du Témoin jusque-là  seulement réalisé sur certains plans mentaux, vitaux et physiques, les plans ordinairement propres à la conscience humaine. 

Par les soins de Mahashakti, sa Mère, et par les attentions d'Iswahra Purusha,  son Père, cet enfant divin se révèlera au cœur d'une vie individuelle humaine. Il se révèlera, à son heure, au cœur du cœur de la perspective individuelle du Purusha Témoin. Le dégagement et l'aspiration du jivatman au-dessus, l'individu éternel uni au divin universel et transcendant et le dégagement de et l'aspiration du Chaïtya purusha au niveau du cœur sont étroitement liés.

Autrement dit, la pleine réalisation du Témoin au niveau de conscience la plus ordinaire, une perspective humaine sur le monde, est concomitante à l'effort de la Mahashakti pour faire émerger son enfant divin enfoui en arrière-plan et au-dessus de chaque perspective individuelle.


Œuvre de Priti Ghosh

Il est évident que l'influence psychique de l'enfant Divin aura eu lieu en nous sans que nous soyons alors conscient du Témoin. Cette aspiration peut certainement établir un lien de pressentiment avec Mère, notre Mahashakti. On pressent ainsi une providence qui prend soin d'une partie de nous-même, on s'étonne de synchronicités, on a le sentiment d'une protection absolue. Un jour au lieu d'interpréter cela faussement comme concernant notre ego, nous réaliserons que cela concerne d'abord et prioritairement l'individuation vraie en nous. Cela semblera concerner notre ego dans la mesure où notre individuation divine vraie en tire profit. Si des forces coupaient notre vie égoïque de tout lien avec notre filiation divine, les synchronicités seraient celles de forces "antidivines" (une prakriti éloignée du flux principal du Devenir, peut plus ou moins longtemps s'opposer en apparence à l'impulsion de la Mahashakti) qui, au final, nous couperaient de la protection de notre Mère. La destruction de l'ego et de son véhicule font dès lors partie des moyens de libération dont dispose Mère pour servir son Enfant immortel en nous. 

Tous ces pressentiments de notre filiation divine peuvent donc prendre place sans la réalisation du Témoin. La réalisation du Témoin sur le seul plan ordinaire peut ne pas permettre d'éviter une victoire momentanée des forces que la Mahashakti n'a pas encore ramenées et soumises à sa nouvelle onde créatrice propagée parmi celles plus anciennes. 

Ceci explique les comportements aberrants de gens ayant pourtant une expérience non duelle indéniable. Leur prétendue réalisation absolue du Soi s'accompagne sans qu'ils le perçoivent d'une soumission à des prakritis inférieures œuvrant en sens dysharmonieux par rapport à la Mahashakti. Ils risquent de se couper de leurs âmes vraies, de l'enfant de Mahashakti en eux.

Ceci dit, une émergence solide en avant de l'enfant Divin s'accompagne de la réalisation du Témoin Purusha ordinaire de l'humain, cet œil toujours là, inhérent à notre présence consciente. Donc la recherche du Soi et d'expérience non duelle peut être au service de notre aspiration d'enfant divin que nous sommes.





Œuvre de Priti Ghosh



dimanche 30 mars 2025

EXAMEN CRITIQUE DE L'ÉVEIL COMME PAIX : AU CŒUR DE LA VISION SANS TÊTE, L'EVOLUTION CONSCIENTE DE L'ÂME et quelques unes de ses conséquences concernant l'évolution de l'humanité.

Œuvre de Ton Dubbeldam


AU COEUR DE LA VISION SANS TETE, VIVRE LE SOI AVEC UNE AME OU L'EVEIL DE L'EVOLUTION CONSCIENTE DE LA CONSCIENCE


Pour percevoir cet œil ouvert de lumière intérieure en moi, de façon plus continue, les expériences de Douglas Harding me furent d'un grand secours. Grâce à elle, cette Ouverture consciente de la conscience, entraperçue régulièrement auparavant,  a pu se stabiliser au sein du vécu. 

La perception et la pensée sont distinguées aisément et de plus en plus radicalement avec la pratique d'un retour aux faits perceptifs pointés par Douglas Harding. Cette distinction entre perception et pensées ou émotions reste usuellement minorée par une vie ordinaire d'un ego ignorant de sa source. L'égocentrisme de mes personnalités est grâce à cela viscéralement relativisé. Mes personnalités ne trônent plus au centre de ce que je suis, elles n'y parviennent que fort épisodiquement. 

La lumière intérieure me met devant le mystère de l'autocréation de ce qui est et paraît comme mon individualité avec ses personnalités, les autres et le monde. Cette lumière intérieure se désenténébrant est lumière divine, Félicité,  Beauté, Bonté. Elle me révèle mon cœur. Ma présence personnelle dans cette présence divine descend s'enfoncer dans le cœur au centre du torse. Là certains pans de ma personnalité commencent à ne faire qu'un avec l'Ouverture de conscience. Des dimensions personnelles s'avèrent être dans la continuité de la Présence. Certaines s'avèrent de l'essence même la Présence. L'union sans séparation est aussi vue comme un fait en croissance. Elle n'est pas uniquement le produit d'une transparence acquise par ma personne en évoluant dans le Voir inhérent à l'Ouverture de conscience consciente. Elle ne résulte pas uniquement d'une intégration de mon individualité au sein de la Présence.
Cette réalité d'union par essence entre la Présence et des pans de ma personne rend la notion de Divin encore plus pertinente et évidente. Par cette union devenue perceptible, mes dimensions individuelles participent d'un amour universel dirigeant le Devenir. Là commence la découverte de ce que j'ai pu appeler, sur ce blog, le Soi avec une âme.

Pour prendre conscience de la lumière intérieure, nous avons des techniques psychocorporelles. Pour trouver une continuité avec le parfum de mon âme, cette dimension de ma personne véritable qui prend naissance dans cette lumière du divin, je ne peux témoigner d'aucune technique précise et réitérable par chacun, parce que, sans doute, il ne s'agit pas d'un simple retour à l'esprit et sa lumière. C'est un retour de notre âme vraie à elle-même. Cet enfant Divin que je suis/nous sommes commence par lui-même à se percevoir dans l'humain qu'il expérimente. Lui seul s'exprime dans l'aspiration à la descente dans le cœur. Lui-seul donc peut inspirer à ce qui descend vers lui le mouvement le plus juste qui correspond à sa propre rencontre avec lui-même au sein de l'individualité humaine dont il est le soubassement et pour laquelle il est la source véritable du sens de cette vie humaine temporaire.

Il y a bien sûr quelque chose qui a un rapport avec une descente du sentiment de notre personne dans le cœur ; le pur amour, ou la karuna, brille davantage quand une de nos personnalités en devient davantage l'instrument au lieu de se croire le pseudo-auteur de ce qui est moral. 
Dans cette descente, Il y a des bouffées de joie sans cause et sans objet qui surgissent de là et encourage la descente. D'où l'aspiration pour une large part de notre personne de servir le centre et de ne plus le masquer illusoirement. 
Cependant, c'est à l'acmé de notre authenticité dans la situation, ici et maintenant, qui exige de devenir et d'agir avec le plus de justesse possible, qu'il y a ce parfum. 
La justesse n'est pas simplement une question de servir l'amour. Il y a une vérité à servir avant d'être sûr de servir l'amour pur dans son flux autocréateur global. Cette vérité à pressentir n'est pas une vérité humaine mentalement exprimable.

Qualité des actions, justesse des connaissances dans leur inconnaissance sont exigées autant que dévotion à la bonté. La voie triple ou le quadruple sentier qui unit pratique des œuvres, de la dévotion, de la connaissance voire voie de la Perfection est donc utile et requise. Mais quelle inflexion mettre ? quand la mettre ? etc. Tout ceci reste à préciser pour chacun et selon le chemin singulier de chacun. 
Pour dire synthétiquement la visée focale de ce chemin, je parlerais d'authenticité du fait de se confier le plus entièrement possible au Divin et à sa dynamique évolutive. 
La foi la plus pure n'est plus seulement une volonté plus ou moins ferme, un sentiment plus ou moins fluctuant, une croyance mentale plus ou moins solide, elle s'avère un engagement naturel du cœur, shraddha en sanscrit. Se confier au Divin, c'est se soumettre vraiment à Lui. Se soumettre au sens de s'abandonner à son action dans la confiance, se soumettre au sens d'ancrer de plus en plus notre humanité individualisée par notre âme vraie, enfant du Divin, engendrée, non pas créée, dans l'œuvre Divine de perfection.


Le parfum de l'âme s'avère un feu. Il semble me ramener des morceaux d'histoire très fugitifs qui font écho maintenant comme à quelque chose qui rejoue une butée, ici et maintenant, d'une subtilité défiant toutes traductions mentales.

La présence de l'âme nous met en présence de l'action vraie. A côté de mes impressions d'action sur le plan mental, vital et physique, qui restent le fait de mes personnalités de surface, il y a l'action vraie. Elle nous fait d'abord pressentir que derrière tous les flux multiple du Devenir, il y a un fleuve unique du Devenir, un flux supraconscient. La dimension autocréatrice de ce qui est, quand elle est pressentie peut sembler inconsciente du point de vue mental, vital et physique : illusion, erreur, émotions perturbantes, souffrances, douleurs physiques, destructions incompréhensibles accompagnent inexorablement le Devenir autocréateur. Mais quand on pénètre sur ce plan de l'âme, on y voit ce flux du Devenir engendrer son étincelle d'individuation : le Suprême divin éternel est son Père et cette réalité divine autocréatrice est sa Mère. L'âme est de la même substance que la Mère du Devenir. L'aspiration de l'âme et de la Mère Divine est de s'aligner sur la "volonté" du Suprême même si nos dimensions humaines nous empêchent de connaître le pourquoi du comment. 
Et au fond, rien n'est contre du point de vue du développement de nos âmes. 
Un ego peut être balayé de la vie, un individu peut subir des injustices inacceptables du point de vue des idéaux humains mentaux, vitaux et physiques. Une âme s'incarne, elle, quelles que soient les circonstance ; si elle quitte la scène terrestre, chassée par les circonstances, elle en aura tout de même tirée une évolution. 



INDICES D'UNE COEVOLUTION EN COURS DE L'HUMANITE CONTRIBUANT A UN EXAMEN CRITIQUE DE L'EVEIL COMME PAIX POUR LA BULLE MENTALE HUMAINE

Même hors du point de vue expérientiel de l'âme, en considérant nos connaissances mentales de l'histoire de l'univers, on voit bien que la matière se vitalise, que la vie se mentalise et que dans ses sommets, l'évolution autocréatrice prend conscience d'elle-même au moins partiellement en un individu. Du point de vue mental, on sait qu'il y a une évolution de la matière produisant une individualisation ; du point de vue spirituel, on découvre un lien entre la conscience de l'Ouverture consciente, l'autocréation de tout ce qui se manifeste comme évolution universelle et ce que nous devenons individuellement. 
On peut pressentir, à partir de ces lignes de faits intérieurs et extérieurs objectifs, une réalité qui surgit d'au-delà de la conscience mentale humaine et peut matérialiser quelque chose au-delà des possibilités de compréhension de cette conscience. 
Si nous prenons au sérieux une évolution où par le passé des individualisations deviennent de plus en plus consciente, pourquoi ne pas envisager que ce mouvement se poursuive ? Le scandale de l'évolution de la matière n'est pas notre filiation passée, mais le fait que nous, humains, soyons nous-même un pont, une transition. 
Nous pourrions être un jour face à un être surhumain qui nous ressemble, un peu comme notre animal domestique nous ressemble ; nous pourrions communiquer avec lui comme notre animal domestique peut communiquer avec nous ; mais, comme notre animal domestique avec nous, nous saurions que quelque chose nous échappe dans son action au vu de ses résultats, nous serions amené à reconnaître un niveau de conscience incarné qui nous dépasse.

Cessons cette spéculation, même si elle est conséquente du point de vue du paradigme évolutif. Considérons juste le point de vue humain quand il reçoit une poussée évolutive, une intuition qui change son vécu mental de la vie. On doit admettre que cette expansion ne dure pas et produit le plus souvent ses propres obstacles qui devront recevoir une solution nouvelle jamais envisagée. 
Cette lumière qui s'est levée là sous la forme d'une intuition renouvelant la vie mentale, y compris matériellement, a tôt fait de s'éteindre dans les décombres de l'histoire. 
Et puis, même ce qu'il y a de plus lumineux dans tel regard de la vie mentale sur elle-même, ce qu'il y a d'amour le plus convaincant, paraît toujours s'accompagner d'ombres, qui à un moment deviennent concrètes et nécessitent un élan nouveau. 

Un Bouddha nous parle d'éveil, mais il ne reprend guère ses disciples affirmant que les femmes doivent se réincarner en homme pour qu'il se réalise plus aisément. 
Un Jésus-Christ nous parle d'un Dieu d'amour. Mais, d'après les Evangiles, il invite ses apôtres à maudire ceux qui n'accueillent pas sa Bonne Nouvelle en secouant leurs sandales à l'entrée de leur demeure ; il parle de cris et pleurs dans l'enfer, ce qui ressemble à une menace pour qui refuse son enseignement.

Le bonhomme humain ne change pas fondamentalement tant que l'âme et la lumière spirituelle n'exercent qu'une influence mentale, vitale et physique qui reste intermittente ou, plus encore, inconsciente en surface de notre individualité.

Revenons, maintenant, à ce qui se passe de nos jours. Actuellement, pour qui est attentif et rassemble les données, à l'évidence, il y a une émergence de l'âme plus radicale soutenue par l'action de la Mère divine, l'intelligence, pour nous, supraconsciente du Devenir autocréateur. 

Concrètement, les aspirations spirituelles se démultiplient et elles sont de moins en moins rattrapées par des dogmes collectifs, des pratiques standardisées, etc. Elles échappent ainsi de plus en plus à toute forteresse mentale religieuse.
Les aspirations spirituelles se singularisent, la religion s'individualise parce qu'une force intérieure, à laquelle les événements extérieurs répondent, accélère sans aucun doute l'individuation des âmes.


On peut observer ici comme un effet co-évolutif sur les formes du vivant qui accompagnent cette nouvelle individualisation matérielle en cours. 
L'émergence mentale s'est elle-même caractérisée par une co-évolution du vivant, aujourd'hui de plus en plus renseignée objectivement. Avec la disparition des dinosaures-mastodontes, des insectes pollinisateurs émergent avec les fleurs, émergent aussi alors les fruits produits de ces fleurs et nos ancêtres dont le volume cérébral croissant nécessite le sucre abondant de ces fruits.

Le vieil homme en nous, en qui s'effectue l'œuvre de cette supraconscience, force transformatrice, perd ses repères mentaux, il n'a plus de désirs qui le portent, son caractère se fissure, ses habitudes physiques déraillent insuffisantes. Le vieil homme perd pied. 
Certes l'âme émerge dans la conscience jusque là individualisée humainement, ce processus passe par un consentement intérieur, une soumission volontaire de notre personne. 
Mais aujourd'hui, même s'il n'y a pas cette intériorisation et ce consentement, celui qui ne vit que dans la perspective du vieil homme se voit le jouet des circonstances extérieures : il s'accroche à des repères, à des valeurs, à des désirs qui, sans cesse, sont ballotés, désarçonnés, inquiétés. 


Le besoin de Paix devient tellement criant que les chercheurs et les trouveurs de la Présence se démultiplient dans nos sociétés.
Pour l'humain ordinaire, l'horreur de la situation est de plus en plus impossible à fuir dans un quelconque divertissement. 
Mais même vivant déjà au sein de la Présence de cette Paix, l'horreur de la situation, demeure un objet de lutte constant : c'est ce monde, en ébullition, cet autre de plus en plus envahissant, qui met le désordre, menace nos modes de vie. 
Parmi ceux qui ont réalisé la Présence comme Paix, il y a beaucoup de fake-news qui sont partagées en tout sens, il y a un manque de discernement dans l'action, même si la Paix immuable est indéniablement présente en arrière-plan des actes de cette personne. 

Car se tenir humainement dans la Paix immuable, ce n'est encore n'y rien comprendre au Divin, c'est risquer de continuer à empirer les circonstances, l'horreur de la situation. Le premier danger certainement est d'absolutiser mentalement cette réalisation ; dès lors on exclut toute autre possibilité spirituelle, on commence à dogmatiser, à s'enfermer tout en se croyant l'Ouvert, une conscience indubitable de l'absolu. 

S'enfermer mentalement avec cette Paix, c'est refuser la Félicité et la divinisation qui se proposent, c'est refuser la nouvelle harmonie qui croît. C'est refuser de se mettre à l'écoute de son cœur et du feu de son âme vraie qui s'y tient cachée en arrière-plan. 
Et c'est forcément trouver aberrante toute idée d'un nouvel être au-delà de l'humain, même si son émergence parmi nous humains et sa victoire incarnée matériellement est peut-être la seule réponse à la crise évolutive que nous vivons. 
Car nous ne vivons pas, si vraiment nous nous plaçons dans la perspective de l'âme vraie, une crise écologique, politique, morale, etc., nous vivons actuellement d'abord et avant tout une crise évolutive. L'horreur de la situation ne peut être traitée authentiquement avec un début d'égalité d'âme qu'à ce niveau.

Les rôles qui font l'horreur de la situation et ceux qui la subissent s'inversent aisément et même se superposent. 
Et cela dessine comme en miroir inversé, la coévolution humaine qui accompagnera le saut évolutif au-delà de l'humain, si une espèce humaine demeure comme les oiseaux demeurèrent après la disparition des autres dinosaures, lors du dernier saut évolutif.

Par exemple, les palestiniens font l'horreur de la situation des israéliens et les israéliens font l'horreur de la situation des palestiniens. Il y a ceux qui font le choix des victimes palestiniennes et ceux qui font le choix des victimes israéliennes. Et ainsi va l'horreur de cette situation. Mais aussi émergera une vie humaine sans victimisation, sans cercle vicieux de la violence ainsi perpétuée par le jeu de la dramatisation.

La corruption et le vide de sens des propositions des politiciens libéraux et démocrates font que parmi ceux qui vivent la Présence, on lorgne vers des visions avec plus d'ordre et de valeurs. Même éveillé à la Présence, on relaie les idées illébérales d'un Trump, d'un Poutine - le fascisme d'un Julius Evola ne choquerait pas ceux qui le promeuvent sans le savoir. 
Mais comme une dictature de gauche, un autoritarisme de droite, c'est la vindicte contre des gens qui défendent d'autres points de vue.
Le mensonge politique s'inscrit plus largement dans l'œuvre du mensonge y compris celui de l'homme éveillé à la Paix spirituelle. Il peut y avoir la Paix et elle ne peut pas pour autant empêcher la fausseté du dialogue : on prétend écouter, on déforme le propos, on ne retient rien au nom d'un point effectivement faux, la part de vérité de l'autre est systématiquement niée et ignorée.

Ce n'est guère manifester la Paix ! Car la Paix sans l'Amour, ce n'est guère la Paix. L'absence de dialogue authentique est toujours une absence de pureté et de vérité de l'Amour !

La Présence sourde au dialogue et les spiritualités sans âme ignorent les bienfaits du pluralisme. La paix sans âme, ce sont les tentations de régler les problèmes par uniformisation politique. L'âme nécessite le pluralisme, à la surdité dialogale, elle préfère le dissensus fraternel comme base d'une communion véritable et authentique. La fraternité pluraliste est tout sauf une  massification communiste d'où aucune tête ne doit dépasser, quitte à ce qu'on les coupe. La fraternité pluraliste est tout sauf un ordre fasciste où aucun écart du rang n'est pardonné quitte à tuer toute figure d'originalité qui ose interroger cet ordre. 

La Paix et l'Amour supposent un pluralisme créateur car sinon ce n'est guère de l'Amour Ouvert. Une autorité qui n'encourage pas un pluralisme créateur et ne partage pas ses pouvoirs aboutit inéluctablement à un autoritarisme tout à fait contraire à la Vérité de la Paix et de l'Amour Ouvert.

Ainsi s'emballe un processus qui semble contraire à toute harmonie, à tout sens de l'âme, qui, par essence, n'est d'aucun pays, d'aucune nation, d'aucune religion. Mais la maladie redouble ses symptômes avant qu'un saut évolutif immunise le corps définitivement. 

Si vraiment tout est Divin, ce que nous ressentons comme l'horreur de la situation est le refus secret dans notre cœur de poursuivre sur la voie du vieil humain en nous qui croit tout solutionner mentalement, dogmatiquement, autoritairement, violemment. En fait, l'horreur avait toujours été là mais nous la ressentons enfin comme telle ; notre âme émerge et avec elle, l'intelligence de l'œuvre Divine supraconsciente à commencer par le sens de l'imperfection de ce qui est. 
La Paix et une aspiration au Vrai, au Bien et à la Beauté sont indispensables dans cette zone intermédiaire où nous guettent les réponses mentales qui nous ramènent à la vieille humanité, mais où nous guettent aussi l'angoisse, la dépression qui de l'autre côté des forces nihilistes surgiront. 
A côté du surhumain que des âmes d'élites commenceront à incarner physiquement s'il s'agit d'un saut évolutif au-delà de l'humain, il y a donc place pour une coévolution humaine. 

Cela s'entend, si on veut bien l'entendre et répondre à son appel. Ce ne sera pas une paix molle ! Ce ne sera pas une paix pactisant avec l'horreur de la situation ! La Paix spirituelle saura se répandre sans nourrir ce qui est contraire à l'Amour vrai ! Elle sera le socle de base pour qui veut se rencontrer en son âme vraie et participer à la divinisation de son individualité mentale et vitale, et en cela ne pas faire obstacle au saut évolutif à venir.

Avant de parvenir à un nouvel équilibre co-évolutif, des gangues du genre humain seront le théâtre d'une transformation en autre chose au-delà de l'humain. Dans la foule des humains, un surhumain se fera ; comme dans la foule des poissons asphyxiés à l'air libre, une forme de respiration alvéolaire s'est fait jour.
Cela ne finira plus comme une lumière intuitive à chaque foie rattrapée par la bulle mentale humaine, touchant à chaque nouveau pas en avant une de ses limites. La bulle humaine mentale avec ses préjugés, ses dogmes, ses condamnations, ses contradictions ne règnera plus en imposant à la vie terrestre ses propres limites. 
Car déjà, Cela va autre part, Cela suscite un saut évolutif. 

Œuvre de Ton Dubbeldam

2024 - mars 2025

lundi 26 août 2024

Nos défis d'amour à relever.

Tableau de Gustave Caillebote


Il y a des défis d'amour à relever. 

Parfois, être en paix et laisser de côté les faux semblants, c'est encore servir un désir et ne pas aller jusqu'au bout de l'amour. Chercher à goûter la paix en modifiant les circonstances, cela reste un désir de paix et non l'établissement dans la paix intérieure sous la forme d'une équanimité intérieure absolument indépendante des circonstances.

L'amour vrai croît dans la paix intérieure : sans mélange, il n'attendra plus rien en retour. 

La paix en vérité, c'est l'équanimité intérieure incarnée dans tous les aspects de notre individualité. Alors que des défaites intimes, des coups reçus, des attaques ciblées parviennent bien à faire tomber la demeure édifiée de mon empreinte personnelle, l'équanimité demeure. Et sur ces ruines, au milieu d'éboulements continus, dans la fumée des gravats, la foi tranquille en l'action divine demeure étonnament toujours là. 

L'équanimité ancrée dans une foi sans attente personnelle, une confiance sans assurance garantie, est une disponibilité radicale à une transformation en l'amour vrai. L'amour humain a des attentes ; sans aucun retour, il s'épuise, il perd facilement confiance. Ces faiblesses de l'amour humain peuvent commencer à être purifiées lorsque l'équanimité, la foi et la confiance en l'action divine croissent en nous.

Il est parfois utile d'admettre que notre cœur est encore trop petit pour telle situation, plutôt que d'édifier ou nourrir un ego spirituel sans aucune réelle ressource. Ce défaut de ressource en amour vrai prédispose à des montées d'impulsions dépressives. Quand,  peu à peu, nous pouvons apprendre à trouver une aide intérieure et à la recevoir, nous n'avons plus à fuir automatiquement ce qui dépasse les forces vitales de notre ego. Notre rapport aux circonstances et à notre situation change, nous devenons réceptif à la grâce intérieure, nous pouvons coopérer plus aisément à son œuvre. Et ce rapport sera encore davantage apaisé et conscient quand  la transformation du cœur impliquera de plus en plus de nos subpersonnalités et, au-delà, lorsque la soumission à la divinisation de notre individualité s'amplifiera. Les circonstances extérieures qui provoquent l'effondrement  de l'ego au niveau de ses traits de caractère ancrés dans le subconscient deviennent alors une accélération de notre individuation divine, c'est-à-dire de la croissance psychique de notre âme vraie.

L'âme vraie, c'est le fond du cœur et ça ne peut que servir ce fond du cœur de l'autre. Tel est, par essence, l'amour divin de l'âme. L'amour humain ne peut se purifier que par l'influence croissante de l'amour vrai inhérent à notre âme. 

Par essence aussi, l'âme se sait et se sent hors d'atteinte de tout inconfort et de tout danger. L'équanimité est un pouvoir de l'âme, une par nature avec la paix intérieure immuable. 

En l'essence de l'âme, amour Divin, foi et équanimité sont indiscernables. Le noyau d'être de l'âme est une goutte de vie divine. Celui en qui l'influence et la présence de l'âme émerge s'éveillera à une conscience directe de sa nature divine. Il se vivra enfant du Divin.

L'équanimité profonde de l'âme se vit donc comme le fait d'être l'enfant protégé du Divin. Un enfant du Divin n'aspire qu'à l'amour du Divin. Le reste, c'est de l'ego et des désirs. Certes, il faut bien s'occuper pendant longtemps de nos désirs comme un parent de ceux de ses enfants, tant qu'ils n'ont pas été soumis à une maturation humaine suffisante, et plus radicalement, à la transformation divine. 

Pour la grande majorité des gens, les désirs et les élans du cœur ne se distinguent pas bien. Pour certains, être libre du désir amène l'émergence de cette distinction : certaines aspirations du cœur et de l'âme vraie seront suivies, rendant certains objets de désirs beaucoup moins attrayants. Cette prédominance de l'influence de l'âme à travers le cœur sur certains plans personnels n'empêche pas d'autres dimensions personnelles d'être encore sous la prédominance du désir. Ces discontinuités d'intégration autour de l'ouverture du cœur et de l'être psychique de l'âme dessine une aventure spirituelle.

S'il y a maturation et transformation, arrive un temps où l'appel du cœur et de l'âme peuvent prévaloir de plus en plus continûment. Et il y faut notre obéissance à la commande. Les désirs de paix et de tranquillité de notre ego spirituel sont souvent en porte-à-faux avec la commande divine. Celle-ci, suivie quoi qu'il en coûte à notre ego, produira une émergence psychique du pouvoir réel d'équanimité intrinsèque au Divin. Si peu à peu l'amour du divin nous a suffisamment rendu réceptif à son appel au bien, au beau et au vrai, il nous appartient d'y répondre ou non. Si nous avons cette sincérité, à ce moment-là, disparaît de plus en plus toute forme d'écart intérieur ou de distance entre le fond authentique de notre individualité et la vision en première personne (vision partagée par Douglas Harding). 

L'âme, c'est ce point où une véritable individuation en parfaite harmonie avec le Devenir Divin est une évidence indubitable. L'échelle alors n'est plus celle d'une courte vie humaine. Notre âme de nature divine partage l'éternité atemporelle de l'Être Divin et la sempiternité du Devenir Divin. Si ceci relève encore de la croyance ou de la spéculation, notre âme vraie d'essence divine nous est encore inconnue.

L'âme pressent que tout est Un et elle grandit dans l'intelligence du Devenir. Avant d'incarner cette intelligence au-delà de l'intelligence mentale, elle la vit comme présence et action de la Mère divine. 

Quand la voix du Divin s'entendra à travers notre âme, il serait dommage que notre ego, qui demeure encore en surface de nous-même n'obéisse pas à la commande divine. L'ego, même spirituel, même imbibé d'un mental spiritualisé peut ne pas être un bon serviteur de l'amour du Divin. Il peut vouloir continuer à améliorer la façon de vivre sa situation et ses relations alors que le progrès de l'âme exige une aventure périlleuse pour l'ego voire une rupture avec ce qui nous disperse de notre profondeur. 

En intégrant tout ce que nous sommes autour du centre véritable de nous-mêmes qu'est notre âme, la division entre l'impersonnel et le personnel, l'individuel et l'universel n'a plus de sens... 

La vacuité universelle et impersonnelle découvre désormais une dimension divine personnelle et individuelle qui en est inséparable. La seule présence de la vacuité est désormais ressentie incomplète quand la présence divine de l'âme se retire, à cause de notre insubordination au Divin. Réciproquement, il ne peut y avoir la présence de l'âme sans être consciemment vacuité, paix intérieure. L'ego qui a suivi une impulsion qui étouffe et ferme à la présence de l'âme ne manque pas ensuite d'être sollicité par des impulsions qui cherchent à lui faire perdre de vue la présence pacifiante de la vacuité.

Le Devenir est une joie en mouvement dont l'âme est une onde. Le désir, le plaisir, la peine, la douleur demeurent peut-être encore, mais ils sont bien vus comme un restant de l'ego séparateur. Ils sont le symptôme de l'inachèvement de notre transformation divine.

La vision en première personne arrache la tête de l'ego, son égocentrisme, mais pas ses racines que sont le désir, la recherche du plaisir et leur revers qu'est la souffrance. La vision en première personne fait de nous des personnes libres de leurs désirs, mais pas des êtres libérés du désir.

Pour cela, il faut trouver son cœur et, dans son cœur, il faut trouver son âme et la conscience vraie du Devenir, la Mère divine, dont la substance est aussi celle de notre âme.

 L'horizon d'être un pur instrument entre les mains du Divin peut alors commencer à se concrétiser. Ce n'est plus ce qu'on aime, ceux qu'on aime, dans un endroit qu'on aime. Ce que nous sommes vraiment, c'est le Divin et son Devenir. Et pour Être et Devenir ce que nous sommes vraiment, pour que la filiation divine de notre âme l'emporte sur notre subconscient animal, notre ego doit être transformé à l'image d'un soldat qui s'exécute sans délai et sans ménagement pour sa petite personne. Un bon soldat n'est-il pas prêt à donner sa vie, juste le temps du salut militaire marquant déférence et obéissance à son supérieur venant de lui ordonner une mission périlleuse ?


Tableau de Gustave Caillebote 


samedi 24 août 2024

La Présence Divine dans l'obscurité épaisse du vide selon Niranjan Guha Roy.


Illustration de Niranjan Guha Roy


 La Présence Divine


Qui ne Te discerne pas, ne sent pas Ta présence compacte

Dans l’obscurité épaisse du Vide, dans le Néant, dans le Zéro est encore aveugle,

Cherche l’eau au milieu de l’océan.


Quel jeu merveilleux ! Le pot cherche le secret du Potier !

Un petit jouet mécanique tente de saisir l’essence sublime de la musique !

Pourtant le petit jouet n’est pas impertinent,

Ton omnipuissance, en cachette, soutient son élan admirable.

Un jour l’écran épais entre la création et le Créateur disparaîtra

Dans l’union passionnante du Chanteur avec sa voix.


Quand tout devient ardent, brillant, multicolore et chaud,

Alors tout est une conflagration sans borne en dehors de toute contestation :

Une seule vibration : le Divin

Alors toutes les divisions artificielles douloureuses sont brûlées,

Notre conscience myope et arrogante, trop sure d’elle même est guérie.

Alors la Présence Divine indivisible se manifeste en millions de foyers.


Quand elle grandit dans l’âme, il n’y a plus d’ombre, nulle part de ténèbres,

Tout est clair dans un éblouissement. On la voit partout.

On reconnaît en tous ce “Quelque chose” qui ne peut se définir

Mais qui remplit les yeux de larmes,

Qui serre la gorge, qui crée une émeute dans le cœur.


Ainsi le monde retrouve sa félicité sereine, sans mélange.



Niranjan Guha Roy



Migration - Tableau de Niranjan Guha Roy 


vendredi 9 août 2024

UNE SPIRITUALITE INTEGRALE DE L'ETRE ET DU DEVENIR DEVOILE LA MERE DE NOS AMES, LA CONSCIENCE FORCE CREATRICE.

Michel Larionov - Acacias au printemps -1904


Le message de Jésus semble unir l'Etre et le Devenir. 

L'amour comme agapè prolongeant la vision d'une source divine créatrice unit, me semble-t-il, l'Etre et le Devenir. 

Autour du deuxième siècle après Jésus-Christ, des débats entre chrétiens ont commencé à porter sur ces points : y a-t-il une action divine qui va perfectionner le monde terrestre ou la terre n'est-elle qu'une création démoniaque (d'un dieu du mal) ? Certes les dualistes gnostiques semblent avoir été dominés voire éliminés par le camp adverse devenu de plus en plus intolérant. Mais certaines idées dualistes fustigeant la chair nous liant aux forces obscures et hostiles ont durablement influencé la culture chrétienne y compris spirituelle. La plupart des chrétiens y compris les mystiques espèrent que Dieu les libérera des tourments de la chair dans un avenir postmortem.

Chez les philosophes de l'antiquité gréco-romaine, le débat était entre les partisans d'un univers terminant cycliquement en déflagration et les tenants d'un univers infini. 

Quelles étaient les expériences fondant leurs métaphysiques. Quelles conséquences pratiques ont ces métaphysiques ?

La question me paraît actuelle. 

En durcissant dogmatiquement leurs interprétations sur le rapport entre l'Etre et le Devenir, la plupart des courants religieux chrétiens ont malheureusement souvent étouffé et amoindri l'accès évident à l'Etre. La mystique chrétienne n'a jamais été bien accueillie par les institutions religieuses. Et celle-ci si elle a touché à l'union substantielle de l'âme et du divin dit, au final, assez peu de chose sur la divinisation du corps. L'incarnation du divin qui surmonte la mort est restée une espérance ; elle ne s'est guère traduite dans une aventure spirituelle concrète avec pour ceux qui l'entreprendrait une cartographie mentale.

Mais quoi qu'il en soit, pour moi postchrétien plutôt qu'antichrétien, la voie du cœur ne se résume pas dans des moyens de se détacher, car ce serait éventuellement se détacher des conséquences des interactions de nos actes humains. Un tel cœur serait luciférien. Il n'échapperait guère au seigneur du mensonge, ce flux de forces vitales et mentales qui nous rendent insincères et incohérents.


Et bien que les spiritualités non dualistes m'apportent beaucoup, y compris l'évidence d'une vacuité englobant le devenir, je ne m'y reconnais donc pas entièrement sur la question du cœur et du Devenir. En mettant entre parenthèses le devenir des personnes, y compris la leur, beaucoup des non dualistes me semblent décider mentalement que l'absolu est autre que l'amour. Pour moi, le danger est luciférien : le propre de Lucifer, des forces vitales et mentales lucifériennes, le porteur de lumière est effectivement la  capacité de réaliser une lumière spirituelle et de l'utiliser, malgré les apparences sans cœur, et surtout sans aucune âme pour son propre avantage. Or sans influence tangible de l'âme, l'ouverture du cœur ne va guère sans confusions. Le seigneur du mensonge, les forces de conscience qui nous individualisent dans cette confusion d'insincérité, est le champion des demi-vérités qu'il parvient à mettre en conflit évitant et retardant la venue de la Vérité et de l'action autocréatrice intelligente. La victoire contre une vision prisonnière de la dualité, contre le Séparateur, le diabolique, les forces vitales et mentales de l'isolement et de l'enfermement en soi-même est devenue plus aisée de nos jours. Mais la spiritualité mainstream ne résout guère le problème luciférien. Or comment nous sortir de ce que certains dénomment l'ère de la post-vérité ? L'autre est toujours le menteur. C'est toujours l'erreur, la mécréance de l'autre qui est fautive. Quelles que soient les demi-vérités que l'autre véhicule, elles sont rejetées en même temps que ses erreurs. Bien sûr, ce sont toujours d'autres que nous, les auteurs du chaos. La demi-vérité d'autrui est évidente comme étant son mensonge, sa mauvaise foi. Mais pourquoi manquons-nous notre propre déformation de la vérité ? Pourquoi sommes-nous sans cesse en train de jeter le bébé vérité avec l'eau sale de son bain ?


Ici et maintenant, pouvons-nous affirmer être un instrument docile de la Vérité ? Nous avons des éléments à notre disposition, que valent-ils ? Pouvons-nous nous appuyer sur des souvenirs, des informations ou des faits, ici et maintenant, non pas interprétés mais observés ? Ai-je des garanties sur la qualité subjective et objective de mon observation ? Nous avons bien quelques vérités parmi nos jugements et observations, mais sommes-nous intégralement en Vérité ? 


Dès que nous sommes sincères, il nous faut bien admettre notre appartenance à un monde de demi-vérités et dès lors à un monde de mensonges.


Dès lors que nous défendons notre monde de libertés contre d'autres qui au fond défendent leur monde de libertés, nous n'avons pas de certitude d'un regard intègre. Pouvons-nous prétendre défendre le monde en imposant le nôtre ? On peut prétendre défendre nos libertés contre ceux qui y attenteraient, mais de quelle liberté parlons-nous ? La liberté de suivre nos désirs, nos idées, nos mœurs est-elle une liberté créatrice de liberté ou une réclamation de poursuivre tout comme avant, notre petit esclavage y compris à des actions qui ne changent rien au fond ? Et ces changements relatifs qui refusent la transformation vers un mieux de la vie, ne sont-ils pas une hostilité à une évolution de la conscience, un refus de participer sincèrement à l'intelligence autocréatrice ?


Une foi en un Devenir évolutif où le cœur se réalisera divinisé, où une transformation même de notre matérialité sera en jeu, va de pair avec une meilleure vision de l'Etre. Nous pourrions développer une telle foi ouverte au fait de Devenir et d'Etre plus en Vérité.


Dans une telle dynamique, l'évidence du Soi, si elle est factuellement reconnue, si un espace de vacuité au-dessus des épaules se voit comme l'ouverture où tout apparait, ne changera pas : c'est une présence immuable. 



Mais sa lumière semble s'éclairer de mieux en mieux en éclairant ce qui sert le Devenir du cœur et de l'autocréation de l'univers matériel en Vérité. Notre individualité semble donc évoluer dans sa perception au sein de la présence immuable. De l'évidence du seul Soi englobant le devenir de notre individualité,  des autres et du monde, se découvre plus en plus dans une descente dans le cœur un Soi avec une âme [en cliquant ici, on trouvera une présentation approfondie de ce Soi avec une âme] .  En d'autres termes, se découvre une Vie Universelle divine, Être et Devenir, qui développe son individuation au sein de l'individualisation humaine que nous sommes.


Envisageons vraiment l'Etre et le Devenir comme une seule réalité. Ne privilégions ni le presque rien d'Etre ni le tout en Devenir. L'un et l'autre ne se recouvrent-ils pas dans des ténèbres lumineuses encore fort mystérieuse ? Les ténèbres internes du sommeil profond ne s'entrecroisent-elles pas avec les ténèbres de l'univers matériel pointant un inconscient pour nous ? Mais cet inconscient, ces ténèbres le sont-elles absolument ?


Le subconscient matériel (par exemple, les drogues agissent sur nous sans que nous en soyons pleinement conscient physiologiquement) et l'inconscient spirituel (La réalisation de la lumière spirituelle est celle de ténèbres lumineuses qui masquent des dimensions) ne disent-ils pas la limite de notre conscience humaine même spirituelle ? L'éveil d'une conscience surmentale ne laisserait-elle pas en suspens un éveil à une action consciente par-delà toute la bulle mentale y compris surmentale ?


Ceux qui pensent  exprimer une réalisation spirituelle relativisent souvent le Devenir. La présence est appelé absolu et le reste le relatif. Ils ne voient pas la dimension absolue du Devenir. A moins de gagner en sincérité, ils diront mordicus que leur réalisation n'est pas une expérience. Il est vrai que ceux qui restent identifiés au seul devenir mental et vital en demeurent à des expériences d'un agrégat psychologique. Ils entendent le mot expérience dans cette perspective d'un devenir de leur ego. 


Nier que nos réalisations spirituelles soient des expériences humaines en prétendant réaliser absolument l'absolu n'est-ce pas encore le règne de demi-vérités ? L'accès au monde des intuitions, à une connaissance par identité ne nous arrache pas encore tout à fait à la division propre à la bulle mentale. Notre intuition d'être le Soi est ainsi un éclairage surmental de l'Etre qui laisse, selon nous, inéclairé le Devenir. 


En effet, il y a des expériences spirituelles du Devenir qui ne sont pas simplement des pics de nos vies mentales et vitales. Elles indiquent que notre réalisation de l'absolu n'est pas une réalisation totale de l'absolu même si cette réalisation partielle comprend une dimension atemporelle immuable : cette réalisation quand elle s'ouvre à des expériences spirituelles du DEVENIR s'interprète avec plus de modestie.


Dans certains yogas, la Kundalini est à la base une expérience et un Devenir qui au sommet du crâne nous ramène et nous bascule en l'Etre.


Dans les voies dévotionnelles, la grâce est une expérience de Devenir qui peut aboutir à une union où notre personne et le Divin ont une même essence, un seul Être infini.


Sur la voie du yoga intégral de Sri Aurobindo et Mère, quand la force de Mère descend et travaille en nous, il y a bien une expérience d'un Devenir qui n'est pas celle d'un ego. Cette action n'est pas qu'une action éclairée partiellement par le mental et dynamisée obscurément par notre vitalité. 


On voit bien que cette force de Mère unit l'Etre et le Devenir, travaillant plus sur un aspect ou l'autre. Elle peut faire descendre ou déplacer du Silence et de la paix, il y a alors un Devenir approfondissant l'Etre, une expérience renouvelée de l'Etre. Cette force de Mère peut rester davantage du côté du Devenir en réharmonisant nos énergies vitales, en intervenant dans le fonctionnement du corps, etc. 


Cette expérience d'une grâce, d'une force divine montante ou descendante peut aider à réaliser le Soi de l'advaita vedanta. Elle peut nous mettre sur la voie en disposant des indices. La Kundalini, par exemple, pointe l'espace vide du Soi qui englobe et réabsorbe cette débauche énergétique menaçante pour un ego.


La force devient clairement la force et l'expérience d'une dimension maternelle du Divin quand elle nous révèle l'enfant Divin que nous sommes. Pour moi, l'expérience de la Mère, de la Mahashakti est celle qui a en même temps produit la désobstruction du cœur. Ouvrir un passage à l'influence du principe d'individuation Divin ne peut pas se produire sans l'expérience de Mère, le Devenir, le souffle et la force divine, le Saint-Esprit. Cette individuation en est une flamme, un feu en croissance. Elle est aussi l'intuition d'un Être suprême, notre Père, car il y a en elle une goutte de cet Océan d'Etre au-delà de tout être. Mère est le Devenir de cet Être Suprême et nous nous réalisons alors leur enfant divin en croissance. 


Ce n'est plus alors une croyance ou un espoir que le royaume des cieux sur terre, le règne de l'amour. Réalisant dans l'ouverture du cœur notre âme divine, la terre et l'univers apparaissent le lieu de notre évolution et de la possible émergence d'un royaume de Dieu, pour chacun d'entre nous, ses enfants divins.


Dans cette vision renouvelée de la spiritualité, il n'y a pas de victoires c'est-à-dire de réalisations sans expériences multiples sur divers plans. La réalisation de la lumière spirituelle du Soi est vue forcément comme la reconnaissance de ténèbres lumineuses qui voilent d'autres plans et profondeurs de cette lumière. 


L'inconscient spirituel et le subconscient matériel ne sont plus supposés tels par essence. Ce sont plutôt les traductions des limites de notre conscience humaine mentale et vitale, des limites de la bulle mentale même en ses stratosphères intuitives surmentales. Mère a une action surgissant de ce qui nous semblait un inconscient spirituel. D'ailleurs, l'influence de notre âme divine et notre Soi ne l'étaient-ils pas quand nous étions identifié à un ego ? Et par ailleurs, l'action de Mère s'enfonce dans ce que nous estimions un inconscient matériel en deçà de tout subconscient psychologique. Là encore, n'étions-nous pas victimes de demi-vérités en ignorant cette action seule réellement transformatrice et créatrice ?


L'ouverture du cœur jusqu'à la réalisation de l'âme, l'individuation du Divin que nous sommes, est l'aboutissement d'une suite d'expériences qui est le commencement d'un autre type d'expériences allant avec une nouvelle compréhension voire une nouvelle conscience du Devenir et de l'Etre. Cette nouvelle conscience est reconnue comme l'oeuvre de la Mère divine, une intelligence supramentale de la force de coscience autocréatrice de notre univers. C'est le seul chemin pour mettre fin à cette ère de post-vérité où la crise évolutive en cours s'amplifie à grande allure. C'est le seul chemin pour ne plus la prolonger inconsciemment en la dénonçant. Car en se positionnant comme une de ses victimes impuissantes, on reste ignorant du fait qu'on en est aussi l'auteur.


Natalia Gontcharova (Tula, 1881 - Paris, 1962) - Forêt verte et jaune