mardi 26 mars 2019

KARMA YOGA AVEC SRI AUROBINDO



Inclure la conscience extérieure dans la transformation est d’une importance capitale dans notre yoga ; la méditation ne peut pas le faire. La méditation ne peut agir que sur l’être intérieur. Le travail est donc d’une importance primordiale, mais il doit être accompli dans l’attitude juste et dans la conscience juste. Il est alors aussi fructueux que n’importe quelle méditation.

L’une des grandes utilités du travail est de mettre la nature à l’épreuve et de placer le sâdhak face à ses imperfections de son être extérieur qui autrement auraient pu lui échapper. Garder un travail aide à conserver l’équilibre entre l’expérience intérieure et le développement extérieur. Sinon, on risque de trop pencher d’un coté, de manquer de mesure et de pondération. De plus, il est nécessaire de poursuivre la sâdhanâ du travail pour le divin, parce que finalement elle permet au sâdhâk de faire passer dans la nature et dans la vie extérieures le progrès réalisé intérieurement et elle contribue à l’intégralité de la sâdhanâ.

Il peut être nécessaire pour un individu de se plonger dans la méditation pendant un certain temps et par là-même d’interrompre son travail ou de lui donner une importance secondaire ; mais ce ne peut être que dans certains cas individuels et pour une retraite temporaire. Une cessation complète du travail et le retrait total en soi-même sont rarement à conseiller ; ceci peut encourager un état trop excessif et visionnaire où l’on vit dans une sorte de monde intermédiaire d’expériences purement subjectives sans avoir de prise solide sur la réalité extérieure ni sur la Réalité suprême, et sans utiliser correctement l’expérience subjective pour créer un lien solide, puis l’unification, entre la Réalité suprême et la réalisation extérieure dans la vie.

On peut faire n’importe quel travail en le considérant comme un domaine d’application pour pratiquer l’esprit de la Guîtâ.

Par « travail » je ne veux pas dire l’action faite dans l’ego et dans l’ignorance, pour la satisfaction de l’ego sous la poussée du désir radjasique. Il ne peut pas y avoir de karma yoga sans la volonté de se débarrasser de l’ego, du radjas et du désir, qui sont les sceaux de l’ignorance. Je ne veux pas parler non plus de philanthropie ni de service à l’humanité ni de tous les autres buts moraux ou idéalistes que le mental humain substitue à la vérité profonde des œuvres.

Par « travail » j’entends l’action faite pour le divin - pour le Divin seul et rien d’autre. Naturellement, ce n’est pas facile au début, pas plus que ne le sont la méditation profonde et la connaissance lumineuse, ni même l’amour et la vraie bhakti. Mais comme le reste, le travail doit être entrepris dans l’esprit et l’attitude véritables, avec la volonté juste en soi, et toutes les autres choses viendront d’elles-mêmes.

En général les individus travaillent et vaquent à leurs affaires sous l’impulsion des mobiles ordinaires de l’être vital : nécessité, désir de la richesse, de la réussite, d’une situation en vue, du pouvoir ou de la renommée, ou encore besoin d’agir et plaisir de manifester ses capacités ; ils réussissent ou échouent selon leurs possibilités, leur puissance de travail et la fortune bonne ou mauvaise qui est la conséquence de leur nature et de leur karma. Quand on entreprend le yoga et que l’on désire consacrer sa vie au Divin, ces mobiles ordinaires de l'être vital ne peuvent plus avoir leur pleine liberté d’action ; ils doivent être remplacés par un autre mobile, principalement psychique et spirituel, qui permettra au sâdhâk de travailler avec autant de force qu’auparavant non plus pour lui-même, mais pour le Divin.

Tout devrait être fait tranquillement du dedans : travailler, parler, lire, écrire, comme faisant partie de la vraie conscience, non dans un mouvement dispersé et agité de la conscience ordinaire.
L’idée de grandeur ou de petitesse est tout à fait étrangère à la vérité spirituelle. Spirituellement rien n’est grand ni petit. Ces conceptions rappellent celles des hommes de lettres qui pensent qu’écrire un poème est un travail élevé et fabriquer des chaussures ou faire la cuisine est un travail petit et bas. Mais tout est égal au regard de l’Esprit et seul importe l’attitude intérieure dans lequel le travail est fait.

Il est exagéré de dire que l’on peut entrer dans le courant de la sâdhanâ que par le travail. On peut y entrer aussi par la méditation et par la bhakti, mais le travail est nécessaire pour entrer dans le fort du courant et de ne pas dériver vers la berge où l’on tournerait en rond.


samedi 23 mars 2019

PARLER D'ÂME






Parler d'âme est rare dans la non dualité. Mais il y a des spiritualités non duelles qui évoquent l'âme qui n'est pas à confondre avec l'ego. Dans la tradition néoplatonicienne il y a un principe d'individuation qui est une dimension de l'UN sans second, une émanation... Si le cœur est au cœur de nos spiritualités il y a un principe de communion de ce qui s'individue, et c'est ce principe d'individuation qu'il serait dommage de négliger. Ce principe d'individuation, ce "Je suis", ce Christ dirait un chrétien, a un chemin d'individuation pour chacun d'entre nous, une sagesse qui s'incarne dans l'évolution de notre personne. La sagesse c'est peut-être un éveil qui a du cœur et qui a une âme... L'éveil peut être pointé scientifiquement, universellement, impersonnellement, l'âme c'est une question de musique et de poésie. Il serait dommage de se priver d'une dimension du réel... A côté du transcendant de l'éveil, de l'individuation de l'âme, il y a aussi imbriqué le sens de l'évolution cosmique du vivant à laquelle participe notre corporéité... Le meilleur de l'ésotérisme chrétien qui interprète la Trinité sous un tel angle n'est pas sans intérêt spirituel à condition comme toujours de ne pas s'y enfermer... La non dualité en tout cas ne s'arrête pas pour moi à un certain néo advaita impersonnel de la transparence nue. Mais pour trouver notre âme, notre cœur véritable, notre amour le plus vrai pour le beau, le bien et l'être, il nous faut explorer et vivre en cette transparence nue. Pas d'âme sans cette présence à notre présence, sans la dimension essentielle de la transcendance transpersonnelle, un fond au-delà de tout, qui est aussi l'arrière plan de liberté de toute (la) personne, la liberté même de l'âme donc.



- Mais alors qu'est-ce que cette âme de l'éveil ?


C'est ton besoin d'être, c'est cette plénitude assoiffée dans ton cœur qui ne se contente pas d'une libération mentale et émotionnelle, c'est le fond de ton amour de Cela qui bascule dans Cela, c'est ce goût de l'aventure intérieure qui ne saurait ignorer un coin inexploré d'inconscient dans les ténèbres divines...


C'est le cœur de ton cœur sans plus aucun désir égocentrique,


C'est un pouce lumineux de silence poignant dans l'immensité silencieuse...



C'est le serviteur de la déesse dont la robe est l'univers.






mercredi 20 mars 2019

COMMENT SE RELIER À L'ÊTRE ?


C'est l'Être qui se rétrécit en une conscience centrée  sur mon ego ou qui l'élargit au-delà dans son immensité. Dans ce mouvement de l'Être ma volonté peut participer. Il y a des milliers de trucs pour participer à l'expansion de l'Être dans la conscience. Voici quelques uns que je pratique... 
1- J'aime retourner mon regard et voir qu'au dessus de mes épaules il y a une ouverture, que cette source du regard n'est pas le fait de ma personne. Et soudain ma petite personne s'élargit et se découvre le Soi de cette ouverture consciente. 
2- J'aime constater que le monde et le corps sont dans la conscience immense que Je Suis et non comme le croyait mon ego que nous sommes enfermés dans un corps temporaire perdu dans l'univers. 
3- J'aime constater que l'autre regarde cette ouverture en moi  qui l'accueille tel quel tandis que mon ego a tendance à toujours trouver l'autre trop ou pas assez. Moi-même je suis souvent comme un autre dans cette ouverture. Et je m'y sens accueilli et accepté tel quel. 
4- J'aime constater l'immensité de l'espace en passant à travers toutes les frontières mentales et en ne restreignant à aucune émotion, à aucun désir, etc. 
5- J'aime aussi laisser jaillir dans le silence les sons qui se font à l'intérieur des oreilles, un pss avec des iii... Parfois ils deviennent très intenses et sont sur fond du silence de l'Être, ce sont les sons qui lui sont peut-être le plus intimes. 6- J'aime m'ancrer dans la présence de l'Être en répétant un mantra ou une prière pour rester en sa présence. Et le mantra devient le rythme de la présence de l'Être. Je ne suis plus l'auteur de ce mantra. C'est le mouvement d'expansion de l'Être en moi. 
7- J'aime lui envoyer mes émotions non pas en pensée mais comme une énergie que j'offrirai à sa présence immense qui veille sur toute chose. Je lui envoie tout l'amour que je peux quand je suis conscient de sa présence ou dans son mouvement même d'expansion au delà de mon ego. Et de plus en plus souvent le petit moi disparaît dans la joie d'Être, car cet amour vers l'ouverture facilite une extase où le moi s'efface dans le cœur, sa transparence laisse place comme à un tunnel et au fond un petit soleil de lumière de joie qui exprime ici l'immensité de l'Être. 
Et puis 8- 9- et ainsi de suite. 
Car l'Être est immuable et il est toujours ouvert mais moi je ne suis pas toujours d'abord tourné vers lui... C'est bien dans le monde du temps que sa présence est perdue de vue... Vivre des expansions de l'Être toujours plus profondes dans la pensée, l'émotion, le désir et même le corps c'est vivre de moins en moins de temps oublieux de l'Être. Un amoureux aimé inconditionnellement n'a pas d'effort à faire pour mériter de l'amour mais rien ne l'empêche de mettre toujours davantage de sa personne dans son amour.