mardi 28 mai 2019

DON DE SOI SELON SRI AUROBINDO

Niranjan Guha Roy - L'heureux esclave de Dieu

[N]otre yoga n'est pas seulement un yoga de la bhakti, il est ou du moins se déclare un yoga intégral, c'est-à-dire qu'il oriente tout l'être, dans toutes ses parties, vers le Divin. Il doit par conséquent englober la connaissance et les œuvres autant que la bhakti; en outre il implique une transformation totale de la nature, une recherche de la perfection, afin que la nature puisse, elle aussi, devenir une avec la nature du Divin. Ce n'est pas seulement le cœur qui doit se tourner vers le Divin et se transformer, mais aussi le mental, donc la connaissance est nécessaire; mais aussi la volonté et le pouvoir d'agir et de créer, donc les œuvres aussi sont nécessaires. Bien que notre yoga adopte les méthodes des autres yogas, comme celle de Pourousha-Prakriti, son objectif ultime est différent. Pourousha se sépare de Prakriti, non pas afin de l'abandonner, mais pour se connaître lui-même et la connaître afin de ne plus en être le jouet et de devenir au contraire celui qui connaît la nature, règne sur elle et la soutient; mais une fois que l'on est parvenu à cet état ou même lorsqu'on est encore en train d'y parvenir, on offre tout cela au Divin. On peut commencer par la connaissance, par les œuvres ou par la bhakti, ou encore par une tapasyâ purificatrice visant à la perfection (c'est la transformation de la nature), puis développer le reste dans un mouvement ultérieur; ou bien on peut tout combiner en un seul mouvement. Il n'y a pas de règle unique pour tous, la méthode dépend de la personnalité et de la nature de chacun. Le don de soi est le principal pouvoir du yoga, mais il est par nature progressif: un don de soi complet n'est pas possible dès le début: tout ce qu'il peut y avoir dans l'être c'est une volonté qui tend vers cette complète soumission; en fait elle prend du temps; et pourtant c'est seulement quand le don de soi est complet que le plein flot de la sâdhanâ est possible. Jusque-là, il faut l'effort personnel, accompagné d'un don de soi de plus en plus réel. On fait appel au pouvoir de la Shakti divine et dès qu'il commence à pénétrer l'être, il soutient d'abord l'effort personnel puis, peu à peu, assume la totalité de l'action, bien que le consentement du sâdhak demeure toujours nécessaire. A mesure que la Force agit, elle apporte au sâdhak les diverses méthodes qui lui sont nécessaires: méthode de connaissance, de bhakti, d'action spiritualisée, de transformation de la nature. C'est une erreur de penser que ces méthodes ne peuvent pas se combiner.

Sri Aurobindo, Lettres sur le yoga, volume 2, section 2.

Niranjan Guha Roy - Surrender



samedi 4 mai 2019

LE DIVIN EST NOTRE AMI






https://www.motherland-guharoy.net/



Le Divin est notre Ami






Au moment où nous devenons conscients de notre destinée spirituelle, nous devenons conscients en même temps d’un pouvoir plus grand, une Personne, Quelqu’un que nous appelons Divin, Dieu, la Mère Divine, le Seigneur qui est particulièrement intéressé dans notre vie, notre développement. Nous sentons qu’un plus grand pouvoir est entré dans notre vie et arrange les événements et circonstances afin de nous mener de l’état humain obscure et ignorant à l’état de liberté de l’esprit, sa paix, joie, beauté et harmonie. Nous percevons la main d’un Ami invisible, le sourire de la Grande Mère, la sagesse du Guide. En même temps, le Divin reste une personne mystérieuse si proche et pourtant si loin. Parfois, Il est plus concret que la matière parfois plus nébuleux que les étoiles les plus distantes. Il n’y a plus de traces de Lui nulle part, Il est si loin que tout semble un vide sans fin. Il a simplement disparu dans la non existence. A d’autres moments, Il est si proche et despotique que sa tyrannie semble insoutenable. 


Le fait est que nous voulons le Divin, mais nous ne connaissons pratiquement rien de Lui et de sa nature. Nous aspirons à Lui soumettre notre vie, mental, corps et âme, mais en pratique nous voulons qu’Il accède à tous nos caprices et désirs. Nous L’admettons comme un ami dans notre salon mais ne Lui permettons pas d’intervenir dans notre vie privée. Nous voulons le Divin, mais ne Le connaissons pas bien, nous voulons nous soumettre à Lui, mais ne lui faisons pas confiance. Nous ne sommes pas surs de Lui et pourtant nous ne pouvons le laisser. Et cela ne dépend pas de nous. Si nous sentons que le Divin est entré dans notre vie, nous sommes bénis. Nous serons menés vers notre destinée spirituelle car Il a imposé son sceau sur notre âme. Aucune difficulté, faiblesse ou pouvoirs adverses dans ce monde ou dans d’autres, aucun attachement ne pourra arrêter notre progrès vers le Divin, car c’est Lui même qui nous prend par la main le long de la route vers une conscience de plus en plus haute. La connaissance du Divin augmentera jusqu’à ce ce qu’elle traverse les frontières du fini pour se perdre dans l’éternel, l’infini. L’amour et la soumission augmenteront jusqu’à ce que les pensées et les émotions soient surchargées par la présence divine, chaque cellule et fibre possédées par l’extase divine. 


Une fois que nous avons entendu son appel, que nous avons répondu à son contact de transformation, une fois que la ligne de communication avec le Plus Haut est établi, personne, rien ne peut le déranger. Si nous n’entendons pas sa voix, c’est que nous ne voulons pas l’entendre. Nous devons avoir confiance en Lui. Tout ce qu’Il fait est pour notre bien, le bien des autres, le bien du monde, car Il ne peut pas faire autrement. Nous devons accepter avec une clairvoyance spirituelle tout qui ce qui nous vient dans la dispensation divine. Confiance en Lui, tout le temps et dans toutes les circonstances est la vision ultime. Cela procure une profonde paix et la félicité sereine d’une existence divine infinie. Tout ce que la Mère des mondes a touché dans sa vision aimante est destiné à atteindre le But divin. 


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Niranjan Guha Roy 1983 

L'EVOLUTION DIVINE, L’ÂME ET LE PRINCIPE DU GOUROU.

PEINTURE DE NIRANJAN GUHA ROY - VIBRATION SUPRÊME

Dans l'intimité de moi-même, je parle souvent en utilisant le terme Divin. Pour parler de spiritualité, il y a quantité d'autres termes, et celui-là entraîne la vie spirituelle dans des directions auxquelles les termes vacuité, véritable nature, lumière intérieure, libération, réalisation, éveil, etc. n'invitent pas toujours aussi directement.

Le Divin implique des niveaux d'Être et de Devenir. Toute la vie est divine, tout est manifestation du Divin mais certaines manifestations manifestent davantage le Divin que d'autres. Le Oui à ce qui est n'est pas dans cette perspective complicité avec les formes inférieures et déviées de la manifestation du Divin. Le Oui à ce qui est s'inscrit dans une évolution divine... Avouons que beaucoup de compromissions avec un refus de l'évolution divine peuvent se cacher derrière un Oui à ce qui est, qui n'est qu'un Oui à l'inertie, au refus d'évoluer, etc.

Parfois je reprends l'idée judéo-chrétienne que l'amour est le but de la vie spirituelle et que mon souci de l'autre authentifie mon progrès spirituel. Mais quand je reviens au Divin, tout ce discours de charité s'en trouve modifié. Augustin d'Hippone lui-même m'a permis de comprendre qu'il me fallait d'abord vivre l'amour avec le Divin avant de vouloir le vivre avec quelque créature. Tout être que le Divin me donne d'aimer ou par laquelle j'expérimente d'être aimé n'est pas le Divin avec qui seul l'amour peut grandir authentiquement et se réaliser en tant que réalité divine. D'ailleurs, combien de fois n'ai-je pas été conduit à choisir entre un amour bien humain trop humain et l'amour du Divin ? C'est toujours en revenant à la priorité donné à l'amour du Divin que l'amour humain pouvait retrouver sa vraie place. L'amour Divin embrasse l'amour humain mais la réciproque n'est pas vraie. La spiritualité, c'est d'abord pour le Divin, par le Divin et au service du Divin. L'humain a sa place dans la vie spirituelle mais sa juste place sera trouvée par le Divin. Car prendre au sérieux le Divin pour moi, c'est aussi prendre au sérieux une divinisation qui ne peut que nous amener vers la perfection de l'humain puis un au-delà de l'humain et ses limites...

Une autre conséquence de mon rapport au Divin en ce qui concerne la vie spirituelle est mon rapport aux gourous, aux enseignements et aux religions. Rares sont, me semble-t-il, les prétendus instructeurs, enseignants ou gourou au bénéfice d'un enseignement ou d'une religion qui nous ramènent au seul amour du Divin. Les religions enferment le Divin dans leurs dogmes, leurs institutions et leurs désirs d'apporter leurs lumières... L'amour d'une religion n'embrasse pas l'amour du Divin. Les enseignements spirituels en affirmant leur pérennité de même enferment le Divin dans leurs limites mentales. On trouvera vraiment le Divin en dépassant ces limites. L'amour d'un enseignement n'embrasse pas l'amour du Divin. Si on admet l'évolution divine autant que son éternité alors tous ces enseignements devraient avoir l'humilité de se présenter comme une aide pour monter telle marche spirituelle précise, à un moment historique de l'évolution humaine donné et laisser ouverte l'aventure divine que chacun devra ensuite mener... 
Enfin le gourou... A la rigueur lui-même pourrait évoluer et être un guide en avant de nous sur le chemin d'une évolution divine. Mais même en ce sens, il nous renverrait au Divin avant de nous renvoyer à lui en tant que gourou ou même "plus modestement" à son propre gourou. 
Mais si un gourou n'est pas réductible à n'être qu'un instructeur ou qu'un enseignant, comme certains le précisent, notre critique vaut-elle ? Et dans ce cas qu'est-il ? 
Un gourou véritable ne vivrait pas sa vie de gourou parce qu'il y a des élèves, des disciples s'affirmant ou se reconnaissant comme tels. Un gourou serait celui ou cela qui, au moins momentanément, aurait le poids spirituel, du point de vue d'une influence occulte plus ou moins consciente, de servir l'oeuvre du Divin par la cristallisation d'individualités réceptacles suffisamment plastiques. 

Pour moi, au moins cinq ou six conséquences s'ensuivent : 

1 - La divinisation de l'humain passe par un principe d'individuation du divin en l'homme, une âme qui n'est pas à confondre avec notre ego, nos personnalités, etc. ; l'âme est le guide le plus sûr de notre vie spirituelle ; elle-seule peut reconnaître ce qui fera office de gourou pour qu'elle parvienne à prendre vraiment les rênes de notre individualité et dans le même mouvement s'offrir à l'Être et au Devenir Divin

2 - On ne peut pas parler de relation authentique à un gourou tant que l'action de ce dernier ignore consciemment ou inconsciemment l'âme, le principe d'individuation du Divin en une personne ; de ce point de vue, il y a peut-être eu plus des disciples authentiques que des gourous vraiment conscients de leur action ;

3 - Un groupe d'amis spirituels pourrait former un gourou en servant l'esprit divin qui, au milieu d'eux, les ouvrirait dans une communion de plus en plus solide à leur âme respective ; cela a déjà eu lieu, par exemple, lors des dialogues avec l'ange que Gitta Mallasz a pu nous transmettre ; la fraternité vraie ne peut croître qu'avec l'émergence de(s) (l')âmes ;

4 - Seule une âme divinisée pourrait  être un gourou menant chacun sur son chemin individuel d'âme divine ; il y a surement très peu de gourous légitimes et honnêtes actuellement ; la possibilité d'une âme divinisée sur terre capable de cet exploit d'un enseignement et d'une influence occulte totalement individualisée n'est pas à exclure par principe cependant...

5 - Le rejet du principe du gourou en devenant un enseignement spirituel peut faire de celui qui l'enseigne le gourou des gourous ; il faudrait parler depuis notre point 3 ou 4 pour être paradoxalement spirituellement vrai sur la question du gourou dans ce moment actuel de l'évolution divine... 

6 - Reste le point de vue de disciple et d'élève, en haut de cette page de blog, j'ai affiché Douglas Harding qui s'est toujours refusé au rôle de gourou ; mais vivre avec ses amis et ses outils, n'est-ce pas suivre un gourou au sens de mon 3 ? Et j'ai aussi affiché Mère et Sri Aurobindo lors d'un darshan. Sri Aurobindo et Mère n'ont-ils pas pris la posture indienne du gourou ? A ceci près qu'ils ont formé un gourou bicéphale et que leur rôle du gourou a toujours été subordonné au fait de remettre leurs disciples au Divin. Car leur action étaient d'abord de servir une incarnation du Divin et d'inviter ceux qui se sentaient prêts à se consacrer à son incarnation.  Ce qui me rapproche d'un gourou aux sens de mon 3 et de mon 4.
Absolutiser le rôle du gourou, c'est adorer un tabernacle du Divin au lieu de se soumettre vraiment au seul Divin pour qu'il nous humanise et nous divinise. 
Dans un monde où les âmes disposeraient d'une culture et d'une éducation leur permettant de prendre les rênes de leur individuation, le rôle humain du gourou personnel n'aurait plus de sens. 
La collectivisation du gourou est donc un chemin culturel et spirituel qui sert au mieux une humanisation individuelle enfin transparente au Devenir de son âme et qui prépare ainsi une divinisation de l'individualité au-delà des limites de l'humain. 
Elle annonce aussi la fin du moment historique où le rôle de gourou incarné par une personne humaine transmettant une tradition avait une pertinence culturelle et spirituelle. 
Voici, si je suis honnête ce que mes maîtres en humanité et en divinisation, les libérateurs de mon âme, paradoxalement m'apprennent au sujet du gourou.


PEINTURE DE NIRANJAN GUHA ROY - LE BUT A ATTEINDRE
... 

Remarque : cet article veut interroger certaines défenses actuelles du principe du gourou qui semblent sous-entendre que sans gourou, il ne saurait y avoir de véritable spiritualité.

Citation :


Sri Aurobindo écrit dans les Lettres sur le yoga, tome 3, Buchet Chastel, p. 130 :

"La relation entre Gourou et disciple n'est que l'une des nombreuses relations que l'on peut avoir avec le Divin et dans notre yoga, où le but est une réalisation supramentale, il n'est pas habituel de lui donner ce nom ; le Divin est plutôt considéré comme la Source, le vivant soleil de lumière, de Connaissance, de Conscience et de réalisation spirituelle, et tout ce que l'on reçoit, on le sent venir de là, on sent que tout l'être est remodelé par la main divine. C'est une relation plus grande et plus intime que la relation entre gourou humain et disciple qui relève d'un idéal plus limité. Néanmoins si l'intellect a encore besoin de cette conception mentale, qui lui est plus familière, elle peut être conservée tant qu'elle est nécessaire ; seulement ne permettez pas à l'âme de s'y attacher, ne laissez pas cette conception mentale restreindre l'afflux d'autres relations avec le Divin et de formes d'expériences plus vastes."
Résumons : 
 Ne donne pas ton âme au gourou, trouve-là pour être Offrande divine.