samedi 2 décembre 2023

Aphorismes et pensées sur l'aventure de la Vie comme individuation du Soi - ce que j'entends par "Vivre le Soi avec une âme".

Transformation - Tableau de Niranjan Guha Roy

APHORISMES ET PENSEES SUR L’ÂME, L’EGO, LE SOI ET LE DIVIN

Ces pensées et aphorismes prolongent et précisent ce que cet ensemble d'articles esquisse comme science de l'art spirituel de Vivre le Soi avec une âme et qu'on trouvera en cliquant ici.

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La Vie, c'est autant Être que Devenir. La Vie n'oppose pas l'impersonnel et le personnel ; dans le cœur de notre cœur, les deux ne font déjà qu'un et c'est de là que vient l'aspiration à s'individuer. 

Le sens de nos vies est vivre le Soi avec une âme, se Vivre Soi-âme, authentique aventurier de la Conscience.


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Se vivre Soi avec une âme n'est pas un but et une fin, mais le début d'une aventure jusque là presque inconsciente.

Dans cette aventure, chaque chemin d'âme est à inventer même si des pionniers ont laissé des cartes.


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La Vie par son essence divine cherche un chemin d'individuation authentique dans l'individualisation héritée. 

Il ne s'agirait pas d'étouffer trop vite cette aspiration au nom d'un Soi impersonnel de la Vie. 


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Vivre le Soi avec un cœur, c'est, plus en profondeur, vivre le Soi avec une âme ! 


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Les lumières de notre ego ne sont que des lumières de lampes de poche, même si elles permettent de comprendre qu'on est perdu dans la nuit. Mais se contenter de la paix en amont de notre individualité, d'une lumière spirituelle qui la regarderait comme une illusion à laisser se dévider jusqu'à la mort, revient peut-être à se contenter d'une nuit encore plus noire. 

Se contenter de vivre le Soi sans âme est peut-être une possibilité de ce jeu Divin où l'âme peut vivre une expérience spirituelle impuissante à transformer l'individualité qui lui sert de support le temps d'une vie.


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Si le Soi se vit avec de la compassion et de l'empathie, on ne peut pas dire qu'il n'y ait de place pour personne. 

Plus il y a de l'attention pour les personnes, plus il y a de probabilité que l'âme même inconsciente en surface de la personnalité extérieure soit influente.


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Vivre le Soi avec une âme, c'est se vivre décollé de toute identité, mais la liberté du Soi avec une âme aura du style. 


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Ce n'est pas se vivre Soi libre avec une âme que confondre la plastique perpétuelle d'un style qui se révèle à lui-même dans l'acte avec le fait de se produire dans des œuvres figées identifiables.


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Le Soi avec une âme ne pourra pas dire sans réticence qu'ici il n'y a personne.


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Dans la substance du Soi, le Divin et son enfant Divin âme sont deux, en relation et ne sont qu'un seul et même amour, un seul et même élan autocréateur. Je me comprends à travers Maître Eckhart, mon fond impersonnel et l'essence première de toute personnification ne font qu'un. Maître Eckhart parle des anges, de DIeu et de l'âme et ce n'est pas du décorum chrétien, c'est une expérience en laquelle je me reconnais. Mon Soi impersonnel, mon fond impersonnel Non Soi ne fait qu'un avec une émanation sans fin d'individus, de personnes et de relations au sein de la quelle s'est projetée plus particulièrement celle de l'âme que je suis.


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Mon âme est le fruit d'un jeu de cache de cache avec son Seigneur Suprême en qui tout se tient dans son regard Un Innombrable.


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Ce qu'on croyait purifié est de nouveau à purifier.

Ce qu'on croyait réalisé n'était qu'à peine éveillé.


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L’ego n’est pas l’âme.

 

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Le Soi peut s’être réalisé et l’âme demeurer ignorée.


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Comme présence toujours déjà là en nous, le Soi peut s'être réalisé  et le Divin rester ignoré. 

De nombreux individus éveillés à la vacuité et à ses ténèbres lumineuses sont athées. Certains préfèrent parler d'ailleurs d'un Non Soi impersonnel.


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L'âme éveillée en un Soi réalisé a une foi en le Divin qui est celle d'un enfant pour sa Mère et son Père.

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La réalisation du Soi détrône l’ego du centre de la conscience qu’il occupait illusoirement. Mais elle abolit rarement l’ego et elle peut laisser actifs des mouvements fort égoïstes.


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La lumière du Soi est pour nous humains d'abord ténèbres lumineuses. 

L'individu en lequel le Soi se réalise reste aveuglé comme un homme qui sort en pleine lumière d'été d'une pièce sombre. Il lui faut s'accoutumer à cette lumière pour voir de mieux en mieux à partir d'elle.


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La vacuité du Soi est un fait immuable et il ne peut pas mieux être connu qu'il ne l'est lorsque le Soi s'éveille en nous.

Mais la luminosité du Soi pourra  gagner en finesse. Le cœur et en son fond l'âme donneront lieu à des éveils dans l'éveil.


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Pour s’approcher de son âme et laisser grandir son influence, la lumière du Soi doit éclairer de plus en plus le centre du cœur.

 

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Il y a comme une descente dans le cœur à la lumière du Soi. Elle nous rapproche de ce qu’est l’âme. C'est l'âme qui trouve le moyen d'attirer et de dévoiler cette lumière du Soi à sa propre lumière psychique. Lumière sur lumière, la lumière psychique est une dimension cachée de la lumière divine dans les ténèbres lumineuses du Soi.

 

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Un élan authentique du cœur n’est pas une pulsion, un désir dominé par nos seuls appétits.

Un appétit, une pulsion relève de l’animal en nous, de ses appropriations territoriales, de ses commerces libidinaux, de ses actes pour gagner une reconnaissance sociale.

 

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Un élan du cœur authentique peut mettre en jeu notre individualité et son développement mais jamais au prix de la souffrance des autres.

 

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L’ego est le résultat de l’individualisation humaine.


L’âme est individuation de l’être divin, de l’enfant divin qui est en son centre à travers une individualisation humaine.


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Comment un élan du cœur pourrait-il être pur si l’influence psychique de l’âme n’est pas encore consciente en lui ? Comment un élan du cœur pourrait-il l'action divine incarnée si l'âme n'a pas émergée comme un éveil dans l'éveil du Soi ?


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L’âme n’a pas à être sauvée. 

En son fond elle est une parcelle du Divin, une étincelle divine individuée. Comment ce qui n'est qu'un Être et un Devenir Divin aurait besoin d'être sauvé ?

  

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Le Soi pour l'âme est la robe de sa Mère divine et la présence silencieuse et apaisante de son Père. L'âme pressent son Père se tient dans l'abîme d'Être profond du Soi. L'âme pressent sa Mère qui le tient dans les bras du Devenir. Mais au commencement de son aventure consciente au sein d'un individu humain, il lui manque le regard Un Innombrable au-delà de la conscience humaine mentale pour les voir du même regard qu'ils ont sur elle.

L'âme pressent ce regard dans la précision des événements proches et lointains : pas un cheveu, pas un moineau n'échappe au regard Divin. A travers la conscience mentale dont l'âme dispose est pressentie une intelligence supraconsciente qui embrasse toute chose dans son Être et son Devenir.


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Toutes les affirmations de la relativité du monde par rapport à l'absoluité du Soi sont du point de vue du Soi avec une âme des justifications de mouvements égoïstes ou plus souterrainement de forces d'obscurités et d'ignorance.


Pour le Soi avec une âme, l'aventure est de trouver le Divin autant dans les extrêmes hauteurs qui demeurent supraconscientes que dans les profondeurs subconscientes.


Le Soi avec une âme sait que son incarnation du Devenir Divin est la clé de son union parfaite avec Lui en Être. Le jeu du Divin avec lui-même à travers l'aventure des âmes unit inséparablement le Devenir et l'Être.


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La réalisation du Soi sans solide influence de l'âme est souvent en danger d’être luciférienne.

Lucifer est un porteur de lumière divine qui la détourne au service de son égoïsme.

Le Soi impersonnel n'empêche pas d'être emplis de mouvements d'ignorance, de mouvements subconscients et de mouvements égoïstes.


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Dans la Katha Upanishad, Nachiketa ne se laisse pas distraire par les propositions de Yama, la mort, qui lui promet sex, sea and Sun, luxe, calme et volupté, s'il renonce à ses vœux de connaître le secret de l'individuation du Soi !


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Quand l'âme émerge, là où la lumière du Soi fait un individu libre de ses désirs, la lumière psychique de l'âme fait de l'individu un être dont les pensées, les émotions et l'énergie pulsionnelle deviennent de plus en plus un instrument intégral du Divin.


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Quand la lumière psychique de l'âme se perçoit dans ce qui étaient les ténèbres lumineuses du Soi, l'expérience de ces forces et de ces individualités obscures qui influencent nos pensées, nos émotions, nos désirs et même nos organismes devient parfois une vision concrètes de ces entités.


Dans nos visions psychiques, le Soi comme scène où se produisent les rêves pendant notre sommeil, comme scène où pendant la méditation se voit les idées avant qu'elles ne s'expriment comme pensée croise le Soi comme scène du monde extérieur matériel. L'évidence que nous sommes le jouet de jeux de forces devient une vision psychique concrète. Mais il y a d'abord l'évidence que la présence psychique de l'âme facilite la venue de forces lumineuses qui nous libèrent de ces jeux de forces obscures.


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Et même si le programme de l'individualisation venait à s'interrompre brusquement, qu'est-ce qui nous permet de penser que l'individuation de la Vie qui s'est joué à travers nous ne se poursuivra pas autrement et ailleurs ?


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Celui en qui le Soi se vit vraiment avec une âme sait que son immortalité impersonnelle comporte une dimension proprement individuelle.


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La Vie par son essence divine cherche un chemin d'individuation authentique dans l'individualisation héritée. 

La difficulté dans cette aventure, c'est de distinguer l'aspiration vraie de cet élan de la Vie de nos désirs d'ego.

Se perpétuer contre, c'est encore être enserré dans les filets de l'individualisation dont notre ego mental est le sommet. 

L'élan d'individuation de la Vie est toujours créateur, y compris quand il abolit certains aspects de l'individualisation héritée. 

Lorsqu'il devient plus net et plus fort, il a aussi plus de douceur. Il se nourrit de calme et de tranquillité. Il incarne une égalité dans le caractère. L'individualisation est ressentie comme la matière première idéale du travail d'autocréation de la Vie. 

Seules la paix et la joie créatrice de la Vie mettent en lumière sérieusement les ombres de notre individualisation pour en faire la matière de notre individuation authentique.


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Pour moi, c'est l'enseignement de Douglas Harding qui a pointé factuellement le Soi ainsi que mon cœur et c'est le yoga intégral de Sri Aurobindo et Mère, qui me donne sur cette voie intime le plus de repères pour permettre à mon âme de croître dans la lumière du Soi au-delà de sa première matrice dans le cœur.

Mais les détours par la psychologie de Jung, l'approche de Karfried Graf von Dürkheim, la démarche socratique chez Platon, Plotin, etc., l'école de spiritualité rhénane, le cosmothéandrisme de Raimon Panikkar, la Katha upanishad ou le yoga de Ramakrishna et Vivékananda, etc. m'ont offert beaucoup de repères en ce sens. Et j'ajouterai, que pour vivre le Soi avec une âme, l'approche psychospirituelle de Swami Prajnanpad me semble offrir de bons points d'appui pour descendre dans le cœur et se mettre à son écoute avant de s'y enfoncer pour l'âme en émerge. 

S'individuer de plus en plus, c'est un aspect majeur de l'aventure de la Vie !

Bonne aventure !





jeudi 17 août 2023

L'AMOUR VRAI SEUL PEUT LIBERER DE L'ATTACHEMENT. Eléments de psycho-spiritualité.

 


Cette parole de Jésus-Christ résonne particulièrement pour moi depuis quelques jours.

Elle ne parle pas d'abord de nostalgie. 

Pour moi, j'ai souvenir d'une enfance bénie jusqu'à mes quatre ans. Tout n'était qu'émerveillement. Ma foi d'aujourd'hui est dans la continuité de la foi innocente en la vie qui m'était naturelle. J'ai pu avoir dans ma vingtaine d'années une nostalgie pour cette période bénie. Puis ma défiance face à la vie a fondu, ma foi en la Vie Divine est devenue une foi à partir d'une conscience de la Vie universelle elle-même. Bien sûr, à côté de cela, j'avais des croyances spirituelles et religieuses. Mais la foi, cet engagement naturel du cœur, shradda en sanscrit, est libre de toute croyance. Seul le nihilisme peut en restreindre le pouvoir. C'est quand la foi ne s'accroche à aucune croyance qu'on peut faire le saut dans la vacuité, s'abandonner à l'Être et dire Oui au Devenir.

Mais comme toujours, dans l'aventure de la Vie Divine, gagner une bataille, conquérir une position inexpugnable n'est nullement remporter la Victoire.

Commencer à être libre de nos désirs n'est nullement être sans désirs relatifs à un individu.

La parole de Jésus qui m'enjoint de ne plus regarder en arrière me parle plus spécifiquement aujourd'hui de la question de l'attachement relationnel, qui pour moi individu est restée problématique.

D'ailleurs, si on reste sur le seul plan de la vie égocentrique oublieuse du Soi, de l'Être et du Devenir de la Vie Divine, l'attachement est comme un facteur de dualités au sein même de l'ego. 

Par exemple, l'attachement crée une vulnérabilité de l'ego, fatalement ce désir a été blessé ou le sera. L'ego fuit sa vulnérabilité donc il s'en prend à l'amour qu'il y a dans son attachement, il endurcit son cœur au lieu de le purifier de l'attachement. Ou bien encore, il a des stratégies de distanciation pour ne surtout pas encourir ce risque. Plus globalement l'ego par sa vulnérabilité à l'attachement a des élans paranoïdes.

Je vois bien que je n'échappe pas encore à ces incohérences égoïques de l'attachement. Ayant eu affaire ces derniers temps à une version aiguë et dramatique de l'attachement, j'ai même constaté le paradoxe d'une survie égoïque à travers des tendances nihilistes (qui peuvent même chercher des cautions spirituelles). La révolte contre le Divin, même si elle est une impasse, manque moins de sincérité. 

Une même flamme - Tableau de Niranjan Guha Roy 

Je ne peux que dire ici le bénéfice de nos discussions avec mon amie Amita Guha Roy, la compagne spirituelle de Niranjan Guha Roy. Elle partage l'œuvre qu'ils ont bâtie au fil de leur engagement sur la voie de Sri Aurobindo et Mère. Elle m'a relaté ses difficultés particulièrement longues avec l'attachement avec une sincérité rare parmi ceux qui partagent leur spiritualité. Amita refuse d'entrer dans toute relation d'enseignant à enseigné, de guru à disciple. Amita signifie en sanscrit "l'amie de tous". Nous sommes juste des amis intéressés par une même voie dont le point de départ est l'idée que toute la vie est yoga. Et donc, dans l'amitié, nous n'avons jamais à nous présenter avec une image d'une quelconque perfection à transmettre. Dans une amitié entre aventuriers de la Vie Divine, on peut se partager nos expériences, même en cours, de l'imperfection et assumer simplement nos défauts sans les camoufler. Cela est d'une richesse sans commune mesure pour avancer dans la jungle de cette vie en évitant de tourner en rond trop longtemps.  Une amitié sur la voie de l'aventure de la Vie, ainsi libre des dangers de l'attachement enseignant-enseigné, ou pire de ceux de la relation guru-disciple, permet d'éclairer nos problématiques réciproques. Le récit sincère d'Amita sur ses attachements m'a permis d'éclairer ma propre problématique singulière d'asservissement persistant à l'attachement. 

La synthèse que je partage ici n'est que le fruit de notre dialogue et de l'éclairage singulier qu'il a permis en moi, même si elle peut apparaître assez impersonnelle grâce à un vocabulaire conceptuel phénoménologique, philosophico-spirituel ou psychologique. Pour moi, cet effort conceptuel permet de parler de l'intime pudiquement. Et si, de son côté, le lecteur fait l'effort, cette phénoménologie pragmatico-herméneutique sera efficace. Il faut accepter de ne pas tout comprendre, pour peu à peu comprendre de mieux en mieux ce dont il est question. Une phénoménologie pragmatico-herméneutique est un discours conceptuel descriptif de la conscience qui implique une pratique de conversion et de transformation de soi pour être bien compris.

Même si, sur le plan humain, nous admettons que les attachements peuvent être troubles et devenir pathologiques, nous pouvons difficilement admettre qu'un amour puisse être fort et intense sans attachement. Or l'expérience spirituelle intérieure remet en cause une telle croyance.

A vrai dire, la réalisation et l'émergence de l'âme, l'individuation du Divin en nous, peut changer radicalement le vécu de ces problématiques d'attachement. Elle finit par éclairer toutes ces problématiques de l'attachement d'une façon libératrice.

Sur la voie de la Dévotion, l'attachement au Divin doit l'emporter sur tous nos attachements humains. Les Confessions d'Augustin d'Hippone sont à ce sujet un chef-d'œuvre spirituel. Pour Augustin, c'est seulement de notre relation à Dieu dont nous pouvons jouir sans crainte, puisque son amour pour nous est indéfectible, quels que soient nos défauts et nos empêchements à l'aimer purement. L'attachement à Dieu, seul, semble pouvoir nous libérer de la dimension paranoïde de nos attachements humains (jalousie, possessivité, défiance, haine, etc.). En tout cas, même si ces déficience demeurent, notre attachement dévotionnel au Divin, qui, lui, s'en libère plus aisément, commence à les mettre davantage en lumière. Le Divin ne nous trahit jamais. Les tribulations qui, immanquablement, nous arrivent ne sont pas du fait d'une perversité de son amour. Nous seul pouvons trahir la relation d'amour que le Divin nous propose dans notre cœur. Nous seul pouvons lui fermer cette porte et ne pas avancer vers Lui qui nous y attend et nous y attire.

Quand, au fil de la descente dans le cœur (voir les autres articles sur ce sujet), dans les profondeurs subtiles qui sont au niveau de l'arrière du thorax, l'étincelle de notre âme s'avère le Divin s'individuant en nous, plus nous que nous-même, l'attachement au Divin devient lui-même relatif. Comment pourrait-on éprouver des craintes et de la vulnérabilité pour demeurer attaché et relié à ce que nous sommes par nature. Avec le Soi, nous sommes unis à la Vie Divine sur des plans universels et transcendants. Outre cette réalisation impersonnelle, le Soi avec une âme comprend aussi une union avec le Divin sur un plan individuel personnel. Comme l'attachement est une caractéristique des relations humaines personnelles, il est ici directement objet d'une transformation. Cet amour, cette Joie que nous sommes, comment pourrions-nous lui être encore attachée, puisque, par essence, elle est rayonnement, surabondance se détachant d'elle-même et se répandant sans frein aucun autour d'elle ?

La dévotion au niveau de l'individuation du Divin que nous sommes, qui grandit en nous et que nous avons pu contacter dans notre cœur est naturelle. 


"La Bhakti ou dévotion n'est pas une expérience, c'est un état du cœur et de l'âme. C'est un état qui vient quand l'être psychique est éveillé et prédomine.", Sri Aurobindo


La dévotion à ce niveau est aussi naturelle que respirer. Dans l'attachement même le plus pur au Divin nous nous croyons encore l'auteur de l'amour. Bien sûr, à la lumière du Soi, nous pouvons savoir déjà qu'il n'en est rien. Mais soyons honnête, même à la lumière du Soi, pour beaucoup d'entre nous, il y a des problématiques d'attachement y compris avec le Divin qui se voile dans les ténèbres lumineuses du Soi. Nous ne serions pas des amoureux du Divin authentiques, si notre amour pour le Divin n'engageait pas notre attachement qui demeure sur le plan humain. Mais quand notre attachement au Divin, à la lumière du Soi, touche au tréfond de notre cœur, il y a un basculement essentiel : l'amour dont nous aimons le Divin devient ici indiscernable de l'amour qu'il fait briller en nous et autour de nous. L'âme d'individuation du Divin en lequel l'ego dévotionnel fond et de laquelle il devient un pur instrument, un masque personnel extériorisé, sait alors qu'il n'est pas l'auteur de l'amour. Sur le plan psychique de l'âme vraie, et non de notre âme égoïque de désirs, il y a unité de substance de Paix et de Joie avec le Divin, son Être et son Devenir. Autrement dit, notre âme est en continuité de substance avec le Divin, elle ne fait aucun effort pour être unie avec le Divin puisqu'elle en est une parcelle à la fois distincte et unie. Sur ce plan, l'amour est donc d'abord un fait d'unité substantielle. L'ego n'est qu'une créature et ses amours fondés sur les désirs comportent inéluctablement des attachements. Il lui faut s'agripper à ce qu'il aime car il en est séparé : ses amours ne sont jamais en une unité substantielle d'amour pur et vrai. Les amours de l'ego sont temporels et forcément temporaires : même quand son attachement est relativement équilibré et durable, il est condamné à cesser. Notre âme n'est pas une créature temporelle et temporaire, c'est une parcelle du Divin, immortelle, car partageant la condition atemporelle de l'Être Divin et perpétuelle de son Devenir. Dès lors, notre aspiration à l'amour éternel ne peut être satisfait que sur le plan du Soi avec une âme.

Vivre le Soi avec une âme, c'est vraiment mettre la main à la charrue du champ Divin pour que vienne le Royaume de Dieu sur terre.

Les attaches des amours égoïques sont toujours sécables, corruptibles, etc. Les attaches de l'amour égoïque humain ne survivent qu'avec de la réciprocité. La relation ne dure pas sans échanges d'énergies vitales sous la forme de désirs satisfaits de l'un par l'autre et réciproquement. La relation humaine est donc par nature un équilibre instable. D'ailleurs, on passe d'une relation à l'autre, d'un attachement à l'autre, pour temporiser les défauts de réciprocité et éviter de rompre ces équilibres instables. Nos amours humains font preuve d'impatiences, d'intolérances, etc. Avoir fait le deuil d'une relation, au plan humain usuel, cela signifie presque toujours être suffisamment prêt psychologiquement à prendre le risque de passer à un nouvel attachement. On ne guérit d'un attachement douloureux que pour passer à un autre qui immanquablement risque de l'être, puisque la mort finit toujours par séparer ceux qui s'aiment. Ces échanges vitaux qu'engagent nos attachements ont toujours des aspects obscurs et inconscients : la psychologie nous a appris que nous rejouons parfois sous d'autres visages et avec d'autres personnes, des jeux relationnels du passé. Et si notre bagage psychologique s'allège, il n'en reste pas moins qu'aucun attachement n'est libre de manque source de souffrance, libre d'une recherche sous-jacente d'échanges vitaux et donc libre de toute attente. 

L'amour Divin au cœur du cœur en notre âme et pour le Divin, en tant que substance du réel, de l'Être et du Devenir, est Pure Joie infinie allant vers de Plus Grandes infinités de Joie. Notre âme est le véritable aventurier de la Vie en nous. Ici l'insatisfaction n'est pas un manque souffrant, c'est un manque paradoxalement porté par une plénitude, c'est un manque sûr d'être comblé, c'est un goût authentique de l'inconnu, c'est une aspiration sûre d'être comblée. Ici dans les relations de l'âme, il n'y a pas d'échange, il n'y que partage d'une profusion sans fin, l'aspiration à davantage d'incarnation de l'amour Divin sert le partage de cette profusion. Ici, c'est par le Divin et dans sa substance que les rapports entre âmes s'auto-organisent.

Tout forme d'attachement, quand vivant le Soi avec un âme les mains sont sur la charrue du champ du Divin, c'est déjà regarder en arrière. Ne paniquons pas ces regards en arrière sont courants. Jésus ne nous en parlerait pas sinon. S'il s'est présenté comme le Fils de Dieu, affirmant que Lui et son Père ne sont qu'Un, il a donc réalisé en profondeur le Soi avec une âme.

L'âme, l'individuation du Divin en nous grandit de l'intérieur vers l'extérieur. Lorsqu'elle émerge en surface de notre individualisation, cela reste souvent de façon discontinue car notre individualité est encore alternativement contrôlée par des mouvements égoïques non encore abolis et transformés. Mais le contraste croît entre une relation d'unité substantielle Divine qui est Joie et une relation d'attachement qui inclut un manque impliquant la souffrance. Un tel contraste rend nos attachements de plus en plus indésirables dans nos relations d'amour quelles qu'elles soient. C'est comme si nos amours humains entachées d'attachement commençaient à être purifiées. Et, même si l'attachement vient à se mêler à une relation qui prend sens d'abord sur le plan psychique des âmes, cela semble encore bien plus nettement une souillure. Car, au plan humain, nous ne saurions affirmer qu'il y a amour sans observer la trace d'un attachement. Je me souviens que découvrant des philosophies du détachement, il m'a fallu comprendre tout d'abord qu'il ne s'agissait pas d'entrer en relation avec un recul, un effort d'indifférence. La vacuité de la conscience solutionne d'ailleurs assez bien une notion de détachement qui n'entraîne pas un désinvestissement de l'engagement relationnel. Mais ce détachement inhérent à une conscience de la vacuité du Soi, ne solutionne pas la problématique de l'attachement. On peut aimer dans le détachement de la vacuité, mais aimer restera l'occasion de prendre des coups, de vivre le trouble de la vulnérabilité. Certes ces coups, cette souffrance, cette vulnérabilité seront accueillis pleinement et ne nous atteindront pas dans notre essence de vacuité, d'Être de Paix et de Silence. Habitué à estimer l'amour, sur ce seul plan humain, même devenu conscient de la vacuité, nous pouvons ignorer longtemps que tout attachement dans l'amour est souillure. L'évidence nous en est fournie qu'à travers le contraste vécu entre une relation d'amour à l'intérieur de l'unité substantielle Divine et une relation typique des attachements humains, qui peut demeurer encore en surface extérieure de notre individualité.

Je ne sais trop quand je serai purifié complètement de tous les processus extérieurs d'attachement, mais si, en moi, le processus de purification est déjà possible intérieurement alors une communion d'âmes, une fraternité d'enfants du  Divin, substantiellement unis dans la Vie Divine, s'incarnant sur terre pour y faire l'œuvre Divine n'est pas un idéal déplacé.

Welcome - Tableau de Niranjan Guha Roy 


mercredi 16 août 2023

L'EGO N'EST PAS L'ACTEUR, MAIS LE DIVIN L'EST EN NOUS. Qu'est-ce que cela signifie authentiquement ?

Le but de l'action n'est pas le résultat, mais la félicité éternelle de Dieu dans le devenir, la vision et l'action - Sri Aurobindo


Dans la spiritualité Shivaïste, il est dit que l'ego n'est pas l'acteur, mais que Shiva l'est en nous ! Il y a là une précision utile. 

Dire que je n'agis pas, que c'est un processus mental et corporel qui a lieu en la conscience quand ce sont des désirs bien égocentriques ou égoïstes qui s'expriment... Quelle calamité ! 

Il faut être sincère pour ne pas tomber dans la confusion. 

La réalisation de la vacuité, du Soi, de notre essence de Paix et de Silence, à ma connaissance, ne suffit pas pour incarner la "volonté" Divine.


Se réaliser l'enfant de la Mère Divine et se laisser porter par elle comme un chaton s'abandonne dans la gueule de sa mère n'est pas une mince affaire. L'image d'abandon et de soumission est belle. Mais nos images sont souvent de la fausse monnaie spirituelle. Peut-on affiner ce que cette image nous permet déjà d'entendre ?

Accepter ce qui est, dire Oui à ce qui arrive, "vouloir que ce qui arrive arrive comme cela arrive" (Epictète) est inhérent à une réalisation du Soi, comme participation à l'intelligence de la Vie Divine. Mais l'accueil inconditionnel et non préférentiel de ce qui est, n'est pas encore une action qui est un instrument de la "volonté" Divine. 

Je mets ici "volonté" entre guillemets car si le Divin est une supraconscience, ce que nous pourrions considérer comme volonté serait en lui indiscernable de son Devenir autocréateur et de sa connaissance consciente immédiate de son unité innombrable. Nous ne pouvons esquisser mentalement que des conceptions très approximatives de la volonté Divine. Le terme même de "volonté" Divine n'est que vaguement analogique.  

A ce stade où la Vie Divine reste Paix, Silence et Vacuité, de ténèbres lumineuses, faute d'intuition surmentale précise de cette "volonté", un intellect attentif à la morale reste nécessaire. 

Ne pas faire à autrui, ce qu'on ne voudrait pas qu'on nous fasse est la règle d'or à ce niveau, même si, par ailleurs, l'éveil du Soi Divin s'expérimente indiscutablement en nous.

L'ouverture du cœur nous rapproche davantage de la "volonté" Divine. L'amour du prochain comme soi-même n'est pas limité alors à des rigidités comportementales que les règles morales déduites intellectuellement engendrent. L'intuition du pardon fructueux, par exemple, n'est pas réductible à des règles d'une morale bienveillante.

Mais l'ouverture du cœur ne signifie pas encore échapper à des forces ne nous permettant pas d'individuer véritablement la "volonté" Divine. L'ouverture du cœur, qui passe par le Oui à ce qui est, nous rend libre des désirs, mais pas sans désirs personnels. Être libre du désir, en ce sens, où disparaître en faveur d'autrui est spontané si besoin est, n'est pas encore être un instrument soumis de l'action Divine.

Tant qu'on ne sent pas la seule "volonté" Divine, il y aura des forces bien mécaniques, des expressions bien secondaires du Divin qui agissent. Et cela, c'est tout sauf Shiva ou le Divin devenu conscient de lui en personne en nous. C'est tout sauf l'enfant de la Mère abandonné à sa seule action.

Le fou peut avoir un ego démesuré et se prendre pour Shiva, mais ce sont bien les forces de la folie qui agissent en lui et non des forces de Vérité. L'écervelé peut se croire l'enfant de la Mère, qui s'y est abandonné, mais sa négligence dit le contraire. A un certain niveau, je dois encore reconnaître ma part de folie et mon côté écervelé pour ne pas les laisser de s'emparer de cette individualité.

Certes, à un niveau, toutes les forces sont une manifestation du Divin. Mais comme dans un fleuve, il y a les forces qui ramènent l'eau vers l'océan et il y a des courants qui la ralentissent et l'emprisonnent dans des bras marécageux où elle croupit, surtout si les pluies manquent. Combien d'individus croupissent dans leurs eaux marécageuses, si la descente du Divin ralentit relativement à cette frange de son fleuve. 

Cependant, quand le Divin se manifeste pleinement, le fleuve enfle et même les eaux prisonnières sont éjectées dans le courant vers l'océan. Toutes les eaux convergent inexorablement vers l'océan unique où la goutte et l'océan ne font qu'un. 

Le Devenir, c'est la Mère Divine. Elle est Mahashakti au point de vue intégral de la Vie Divine. Quand elle perpétue notre monde, le vieil homme en nous, elle est la prakriti inférieure. Mais elle a de nombreux aspects supérieurs. Elle est aussi Maheshwarî, celle qui a en vue la transformation de ce qui perpétue en une nouvelle manifestation qui l'exprimera davantage. Elle est, en outre,  Mahakâli, l'énergie et la force du Devenir vrai, celle qui peut vraiment couper la tête à ma folie, celle qui mettra fin à ce qui doit disparaître pour une manifestation plus vraie. Par ailleurs, elle est Mahâlakshmî, celle qui est douceur et sourire, facilitatrice de notre transformation. Enfin, elle est Mahâsaraswatî, celle qui peut nous entraîner dans une action vigilante, minutieuse et endurante, elle est alors celle qui nous met du plomb dans la tête. Ces quatre aspects de la Mahashakti ont été décrits plus amplement, entre autres, par Sri Aurobindo (ici on aura une lecture par Mirra Alfassa, la compagne de Sri Aurobindo).

Soyons lucide, beaucoup d'individualisations humaines ne vont offrir au courant Divin que des morceaux épars lors de la dissolution de leur individualité au moment de la mort.  

Pour moi, les propos mainstream de la non dualité sur l'absence d'acteur, faute de précisions, peuvent justifier malheureusement des forces d'égarement dans le fleuve Divin. Toutes les eaux du fleuve Divin sont Divines : ces propos font du fou dans sa folie destructrice une manifestation tout aussi Divine que le courant qui nous porte porte vers la Divinisation ! Mais si on admet que dans le Devenir du fleuve certains courants sont plus en adéquation avec le mouvement global et même le facilitent, alors le courant qui nous porte vers la Divinisation serait plus aligné au Devenir Divin. 

S'unir à ce courant de Divinisation, c'est discerner de plus en plus la Mahashakti qui incarne l'action du Seigneur Suprême - sous les traits de Shiva dans le shivaïsme.

Seul le Divin qui s'individue en nous, notre âme vraie, peut nous influencer pour que nous nous dirigions vers le meilleur courant possible du Devenir. Prendre conscience de cette individuation Divine en nous, c'est donner son sens vrai à l'image d'être un Enfant de Mère, comme un chaton dans la gueule de sa mère. 

Cette influence de notre individuation Divine dont la substance est en continuité avec celle de Mère est toujours là, mais au milieu de forces vitales qui sont celles qui nous rattachent au vieil homme à la traîne dans le courant du Devenir. La spiritualité chrétienne parle à ce sujet de la grâce Divine sans laquelle nos choix sont asservis aux courants du Devenir qui mènent à la perdition. Dans notre expérience, la perdition n'est que celle d'une individualisation humaine. Ce n'est jamais celle de l'individuation Divine qui s'y tente en arrière-plan dans la lumière de la Mère et qui en retirera un meilleur discernement pour une incarnation ultérieure plus bénéfique. 

Certaines idées vraies manquent profondément de nuances pour servir la Vérité ! C'est le cas de cette question de l'acteur. L'illusion de l'ego d'être l'acteur est une idée vraie mais une demie-vérité quand à la réalisation de l'acteur vrai en nous. La dissipation de notre attention, l'insincérité, les troubles de la personnalité,  et plus généralement tout ce qui relève de notre folie humaine sont le produit du Devenir Divin mais pas d'une individuation Divine.

En nous, il n'y a pas d'acteur, à proprement parler, autre qu'une individuation du Divin en continuité de l'action transformatrice de la Mahashakti, la Mère. 

Son action peut contredire des systèmes rationnels et des conceptions morales, mais, même dans ce cas, elle ne contredit pas la raison (morale, entre autres), elle l'amène invariablement à se dépasser en lui fournissant de nouveaux éclairages. 

Il n'y a pas d'acteur véritable autre qu'une individuation du Divin soumise à Mère, si l'action est désintéressée, si elle est guidée par l'intuition du cœur, s'il n'y a plus de volonté égoïste de se saisir du fruit de l'action, etc. [On peut ici consulter un texte de Sri Aurobindo sur le Karma yoga] [Ainsi qu'ici une approche du triple ou quadruple sentier comprenant outre le karma yoga, bhakti yoga, jnana yoga et yoga de la perfection ou de la beauté]

Tant que l'individuation du Divin n'a pas abouti à constituer une personne cosmique, l'action de l'individuation du Divin restera une docte ignorance de l'action cosmique du Divin. Admettre que le plan global d'action du Devenir nous échappe évite d'investir ce qui se passe d'une ambition de contrôler au-delà de ça qui est juste. Il faut abandonner complètement tout contrôle à Mère, celle qui est  seule l'intelligence du Devenir. Cela prend du temps ; il faut donc commencer par abandonner maintenant dans la mesure du possible tout ce qui peut l'être. 

Pour ce que je sais, s'éveiller à la Vie Divine du Soi, notre vraie nature, est immédiat. Par contre, laisser le Divin se réaliser en nous est loin de l'être. La descente dans le cœur et la découverte de notre âme, l'individuation du Divin en nous, prend beaucoup de temps. Suite à sa découverte indubitable, sa venue en avant dans un processus de plus en plus radical d'abolition de l'ego qui implique son accès à des formes de connaissance au-delà du niveau mental de conscience demande aussi beaucoup de temps.

Offrir notre individualisation humaine mentale, vitale et physique, à l'individuation Divine n'est pas une mince affaire. En ce qui me concerne, dès que j'ai entendu parler d'une connaissance supramentale, j'ai cru que mon ego mental pouvait s'en emparer ! Ce n'est pas une dimension individuelle de conscience mentale, vitale et physique qui peut intégrer une forme de connaissance autre et au-delà que celle du mental. Si dans les ténèbres lumineuses de la Vie Divine, une supraconscience peut se révéler et se réaliser, ce ne sera pas notre individualisation humaine telle qu'elle est qui peut l'incarner.

Au final, "incarner la volonté Divine" me semble une réalisation progressive et apparemment sans fin, car c'est aussi apprendre à aimer divinement, à laisser l'amour créateur nous déposséder de tout désir personnel, de toute pulsion animale, de toute petitesse physique, etc. 

Après, pour certains génies sur ce chemin, il n'est peut-être pas impossible d'incarner au travers d'une individualité physique "la volonté Divine" : ce serait possiblement devenir conscient de la vibration première dans un corps, ce serait  possiblement être la prise de conscience absolue propre au Divin enfin matérialisée. De tels individus ne seraient probablement plus des êtres humains, il s'agirait peut-être des premiers échantillons d'une nouvelle espèce. 

Dans mon cas, nier une telle possibilité ne peut que passer que par une résistance nihiliste du vieil homme invoquant une faiblesse fondamentale de la manifestation Divine. Pour d'autres, c'est l'horreur de ce qui est manifesté, qui rend improbable une manifestation alternative, seule la perspective du Non Soi leur semble satisfaisante. La seule action honorable pour eux est la compassion qui consiste à partager la connaissance de cette issue de secours intérieure qu'on trouve à côté de la source consciente de la manifestation. Mais au moins cette position interdit un progrès de l'ego dans l'ombre du Soi.

NB : Sur ce dernier point, je renvoie à un dialogue entre le point de vue de Ramana Maharshi et celui de Sri Aurobindo que j'ai mené ici.

Les nouveaux êtres - Tableau de Niranjan Guha Roy


mardi 8 août 2023

EFFORT ET NON EFFORT DANS LA PRATIQUE DE LA VISION SANS TETE DE DOUGLAS HARDING.


Dans le Petit livre de la vie et de la mort, Douglas Harding écrit au sujet de l'effort : 

"Il n'y a pas de voie sans problème ni sans peine. La qualité de notre vie spirituelle dépend des efforts que nous sommes prêts à faire pour elle. Mais celui ou celle qui a vu sa Nature Intemporelle ne devrait jamais se décourager à l'idée que cela va être un "dur travail", pendant des années peut-être. La première vision de Cela (pour autant qu'on puisse parler d'une première) est déjà la vision parfaite, même si elle est brève. Elle ne devient pas plus claire avec le temps. Jamais. C'est la seule chose que je ne puisse pas faire mal ou à moitié. Toute une vie, et même des centaines de vies de pratique ne me rapprocheront pas d'un centimètre de CE QUE JE SUIS. Elles ne pourront qu'attirer de plus en plus mon attention sur CELA."

 
 
 
Résumons à notre sauce : 

La vision est sans effort, 
mais l'effort de la pratiquer est nécessaire !

Creusons : Il y a un paradoxe d'un effort au sein d'un non effort. 

En effet, le Cela est déjà là, la Vie Universelle dans son Être et son Devenir se vit que je le veuille ou non. Du point de vue de Cela qui est et devient, il n'y a nul effort. 

Mais, car il y a un "mais", cette voie réclame des efforts de pratique, de rappel. 

Et je me souviens de Catherine Harding insistant lourdement sur l'effort, les pratiques... 

Sans effort et pratiques, le processus de visiothérapie ne prendra pas place. 
Car la vision est une visiothérapie dans le sens où elle s'installe en nous et peut se vivre individuellement de plus en plus naturellement. Le processus de visiothérapie œuvre à une descente dans le cœur. C'est un processus de régénération après la maladie mentale et même organique dans laquelle nous avons vécu déjà trop longtemps affublé de fausses-croyances et enfer-mé. L'humain est culturellement et spirituellement dénaturé. Le terreau fertile de l'amour qu'est la vision doit être arrosé par nos pratiques et nos rappels jusqu'à ce que notre cœur s'ouvre et que la vision de qui nous sommes soit de nouveau naturelle.


Ce schéma tiré du Petit livre de la vie et de la mort, contient plusieurs courbes.
La courbe (i) est celle de notre vie individuelle : il y a croissance, apogée et déclin jusqu'à la mort.
Les courbes (iii) sont des droites verticales, elles sortent du cadre chronologique, elles pointent l'ouverture à Cela qui n'évolue pas, qui est parfaite, immuable, etc.
La courbe (ii) est celle d'une individuation de Cela, les effets et les fruits de la visiothérapie qui ne peuvent que croître régulièrement.

Exemple de pratique : 

Je mets devant le miroir : qu'est-ce qui regarde mon visage ?

- Est-ce un visage ? Là-bas, deux yeux, un nez, une bouche ? Et ici du côté de ce qui regarde ?
- Quelle est la forme de cette attention à ce qui regarde là-bas ?
- N'est-ce pas comme un miroir de conscience impassible transparent ?
- Quel est âge de ce regard ? Sur le miroir, il y a un âge mais ici du côté de ce qui regarde, y a-t-il un âge ?


Nous prenons-nous pour ce double là-bas ? Certes certains animaux n'ont parfois aucune idée qu'il puisse s'agir du reflet de leur être extérieur. Ils y voient un autre. 

Mais nous en confondant notre être intérieur et cet être extérieur ne sommes-nous pas tout aussi ignorant ? En nous jugeant d'après ce que laisse paraître cet extérieur, n'oublions-nous pas cette liberté intérieure libre ? N'est-ce pas pourquoi on n'observe rarement un complexe d'un grand singe devant un miroir ?

Creusons. Faisons une grimace devant un miroir en observant ce qui regarde en s'aidant d'un doigt pointé vers Cela :


Là-bas un visage mécontent, ici en amont de toute émotion, de toute pensée, une ouverture intérieure impassible qui ne juge pas, qui accueille librement... Notre essence intérieure, en amont de nous-même, est paix.  Lorsqu'on laisse-être et infuser sa présence, c'est une visiothérapie pour nos émotions et nos problèmes en aval.