samedi 26 novembre 2016

POUR UN NOUVEL HUMANISME SPIRITUALISTE.




A l'heure de tous les délires identitaires prémodernes (communautarismes dogmatiques et fermés), modernes (économismes et scientismes ininterrogés) et postmodernes (narcissicismes divers), servir la lumière spirituelle implique de constituer un nouvel universel commun dont la France autrefois fût déjà une pourvoyeuse pour l'humanité.
Notre diversité loin de sombrer dans les communautarismes a besoin d'une fraternité refondée sur ce nouvel universel. 
Dans Dieu par la face Nord, Hervé Clerc apporte une contribution de premier plan à ce projet. Il écrit[1] :


« Les humanistes d’autrefois travaillaient dans l’ombre de la croix, doublement. D’abord parce qu’il existait autour d’eux une chrétienté, et secondement parce qu’ils devaient  étendre leur bras, démesurément et en sens opposé, pour concilier deux cultures de sensibilité contraire : la culture judéo-chrétienne et la culture gréco-romaine, Jérusalem et Athènes. Le choc de ces deux plaques tectoniques a produit le feu follet nommé « Europe ». Les humanistes se tenaient sur la ligne de fracture, inclassables, toujours en travail, avec en ligne de mire l’universel, lequel n’est jamais atteint.

Aujourd’hui, ce travail est devenu plus compliqué que par le passé. Car ce ne sont plus deux pelotes que l’humaniste doit  dénouer pour parvenir à une vision ouverte du monde mais trois : les monothéismes en incluant l’islam ; le pôle grec, porteur de l’indispensable pensée critique ; les pôles indiens et chinois.

La conciliation se révèle vite impossible si l’on reste à la périphérie. L’humaniste de la Renaissance allait chercher l’unité où elle se trouve : au centre. Et de l’intuition, ou mieux de l’expérience qu’il avait du centre, il repartait en tâtonnant vers la périphérie. En chemin, il s’efforçait de relier, conjoindre, articuler, comme dit Roger-Pol Droit. Jamais il ne se résignait au cloisonnement. Ce faisant, l’humaniste, homme du large, entrait inévitablement en conflit avec les esprits étroits, littéralistes, intégristes, spécialistes, à la pensée fixe, provinciale, enclavée, dont l’activité favorite, hier comme aujourd’hui, est la morne sodomie des mouches.

On l’accusait, on l’accuse encore de syncrétisme, panthéisme, concordisme, salade niçoise. Mais lui sait ce que ses adversaires ignorent : que la vérité étouffe dans leur carcan ou plutôt qu’elle s’en est échappée depuis longtemps, à tire d’aile, car la vérité ne vit pas ni ne respire dans des carcans, et qu’il convient à présent, dans ce présent que nous nommons la « modernité », de faire comme elle. »


[1]. Hervé Clerc, Dieu par la face Nord, Albin Michel, 2016, p.87-88.

mercredi 21 septembre 2016

DERNIERES NOUVELLES DE LA DESCENTE DANS LE COEUR.



http://leberreannaig.blogspot.fr/2011/01/appel-du-large-le-vent-de-noroit.html

Dans le néo-advaita, on me dit que l'éveil voit disparaître l'ego. On me dit que voir tout surgir dans la lumière intérieure implique la disparition de l'ego. On affirme : "Ce n'est pas moi qui m'éveille, personne ne s'éveille, il n'y a plus que Cela."

Plus modestement,  dans mon cas, il y a éveil à une réalité intérieure. Cet éveil, en ce qui me concerne, n'est pas aussi radical au départ que certains tenants du néo-advaïta le présentent. Dans l'advaïta traditionnel, il est question parfois d'une prise de conscience d'un Témoin intérieur immuable comme stade préliminaire du processus d'éveil. J'en suis plus là en ce qui concerne l'éveil. D'ailleurs certains enseignants distinguent éveil et réalisation... 

Il y a au centre de ma conscience une conscience infinie, des ténèbres lumineuses où lumières sensibles, lumières intellectuelles  paraissent. Et donc moi-je,  composé de ces lumières, je n'ai pas disparu, je suis bien là encore. Certes je ne suis plus dans l'illusion d'être au centre de la conscience. Ce "qui" ou "quoi" s'éveille est au centre de moi-même au-delà de tout ce qui compose ma personnalité. C'est la source de ma personne et de toutes les personnes, ça se communique et se partage en personnes et entre personnes, ça se vit en personne tout en transcendant toute personne.

J'ai souvent ce vertige d'admiration devant l'immensité intérieure qui demeure immuablement, là au centre, et que, pourtant, je réussis encore à oublier et à négliger si souvent.  

En tant que personne séjournant consciemment dans l'œil de cette conscience infinie, je n'ai plus un simple devenir temporel. Cette conscience infinie est éternité dans l'instant. Me choisir en elle m'est possible. Je ne suis pas un simple mécanisme corps esprit qui se déroulerait impersonnellement dans la vie des autres et du monde, réduits eux-aussi à une mécanique impersonnelle. Dans la lumière de cette immensité, il y a, pour moi, des négligences, il y a encore des choix grinçants et regrettables. Et puis, à l'inverse, il y a ces choix mystérieux où l'écart entre mon devenir personnel et le Devenir que manifeste l'immensité intérieure deviennent indiscernables.

C'est peut-être cela qu'il faut entendre comme la recherche de la volonté de Dieu ou, dans un autre vocabulaire, le fait d'adhérer à la nécessité de ce qui est. Dieu ne me parle pas personnellement de sa voie de tonnerre ou dans le murmure de la brise, mais quelque fois la présence de l'immensité résonne en moi. Elle emprunte la bouche de mes amis et parents. Un sens du vrai, du juste et du beau transparaît comme un appel et un ordre divin auquel se soumettre.

C'est dans ces trop rares moments intérieurs où mon choix devient comme indiscernable de la nécessité du Devenir, manifesté par la conscience infinie, que j'entrevois le sens profond de l'éveil selon la tradition advaïta. 

Je sais aussi que bien peu de ceux, qui affirment en témoigner, n'usent pas abusivement du vocabulaire de la disparition de la personne. Bien peu le réalisent pleinement. Pour plus de sincérité et moins de confusion pour leurs suiveurs, ils devraient certainement rendre compte avec plus de modestie de leur réalisation spirituelle. 


Notre parfum d'ego qui subsiste empeste souvent fort y compris de ses bonnes intentions. Il gâche bien souvent pour notre entourage le doux parfum de notre immensité intérieure commune. Pendant une courte conférence, un atelier ou un stage, un certain sens de la courtoisie du conférencier ou de l'enseignant ou l'évidence d'un fait expérimental peuvent masquer l'odeur. Mais dans la proximité cela devient impossible. Pas de panique cependant. On est des humains avec ce côté un peu animal. Certaines odeurs un peu fortes nous attirent : la plupart des relations ordinaires ne sont-elles pas d'ailleurs exclusivement des relations d'égocentrique à égocentrique où nul ne ressent malheureusement le doux parfum et le souffle rafraichissant de l'immensité intérieure ? 
Et si au premier abord ces odeurs nous incommodent, au final dans le désir de proximité, on s'y accommodent. Et l'accommodement n'est pas tout à fait contraire à la compassion. Cet ingrédient de l'amitié et de l'amour vaut bien comme une voie spirituelle à part entière ! Ce n'est pas en rompant violemment avec toutes nos attaches un peu animales, que nos attachements se purifieront en un amour plus pur.

Toutes ces limites animales à notre humanité deviennent plus problématiques quand, du rang de conférencier ou d'enseignant, on prétend au rôle de guide spirituel d'une autre personne. La moindre odeur d'ego un peu persistante a vertu de faillite de la relation prétendue spirituelle ! Combien de déceptions inutiles !


Il y a certainement des gourous ou des avatars quelque part, si pour Dieu rien n'est impossible. 

Pour moi, j'ai pris un chemin de l’accommodement avec ma personne, un chemin d'un moi-même vécu et apprécié dans la lumière de l'immensité. Un chemin où ce qui s'éclaire d'animalité déplacée est placé dans le creuset du Devenir.


Car, pour moi, entre autres possibilités, il y a là comme un chemin de choix de soi-même. Il est en fait indiscernable d'un acquiescement délibéré à la nécessité. Dans le silence vertigineux de cet intérieur, je vois comme un cœur d'amour prendre forme qui fait de ma personne, transformée par ses soins, son masque diffuseur ! Et ce cœur de ma personne veille parfois quand bien même, moi, ego, je « dors » ! 

Et il y a ces moments, où tout cet amour s'est emparé de nous et s'est donné en nous et par nous absent de nous-même. Mais après coup, un « peu » de nous semble reparaître inéluctablement, un mouvement de séparation revient avec ses désirs de reconnaissance, de séduction, ses mouvements d'appropriation, ses convoitises de plaisirs personnels. 
Mais, même si ces retours à la grisailles d'une ombre séparatrice auront lieu pour longtemps encore, l'ego désormais a de plus en plus les allures d'un mendiant qui supplie sa bien-aimée immensité intérieure de tout lui prendre, y compris ce qu'il ose appeler « son » amour.





     

         

samedi 20 août 2016

AVEC YVAN AMAR, PURIFIER SPIRITUELLEMENT LE SENS DE LA REVOLTE.


«Je me révolte effectivement devant une situation donnée, mais mon engagement m'oblige à me rappeler qu'il ne faut pas que j'agisse seulement par réaction à une situation, parce que je vais être emporté par une émotion, et il ne semble pas que ce soit juste en soi. La réaction à la souffrance peut-elle être là source d'une action féconde ? À long terme, oui, si l'on est vigilant ; mais la spiritualité n'est pas fabrique de combattants contre l'injustice. Cultiver la représentation d'un monde idéal cache bien souvent la représentation d'un moi idéal. La politique informe les gens et leur fait croire que, parce qu'ils sont informés, ils vont changer. La politique est informée socialement, scientifiquement ou religieusement, mais un être informé ne change pas pour autant. Seuls changent les êtres conscients. Nous aurons alors [...] un être politique conscient, conscient et responsable, quelqu'un qui a été transformé par le dedans. [...] Plus on devient conscient et responsable, plus paradoxalement, on devient ludique. Le paradoxe des êtres spirituels, c'est que leur comportement extérieur est en apparence plus ludique que grave.», Yvan Amar, L'Effort et la Grâce.


jeudi 28 juillet 2016

L'AMOUR DES ENNEMIS COMME POLITIQUE ?



On baratine des tartines sur l'amour... Les belles paroles sont souvent de la fausse monnaie disait la petite Thèrése de Lisieux. Voici une énigme de la spiritualité chrétienne qui vaut toujours pour moi disciple du rabbin Jésus (même si je nie maintenant entre autres qu'il soit l'unique médiateur de tout le cosmos) : aime tes ennemis. Aimer ses amis ou sa famille tout le monde sait faire à peu près. Il ne s'agit pas de laisser nos ennemis triompher surtout s'ils cherchent à triompher de tout amour. Alors comment les vaincre en les aimant ? Comment les vaincre en faisant triompher en eux et en nous l'amour ?

Dans notre situation sociale et politique cette énigme n'a-t-elle pas un poids inédit ? Mesurons enfin nos propositions sociales et politiques à cette aune et nous passerons peut-être une part  inquiétante de la crise évolutive en cours.





J'admets que l'amour personnel pour la lumière divine reste un moment nécessaire mais l'amour pur n'est pas mien. Seul l'amour au cœur de la lumière divine est véritable.

samedi 2 juillet 2016

POUR UNE DEMOCRATIE 2.0




Le référendum du Brexit ou la future éventualité d'un référendum qui conduirait à un Frexit m'interroge sur la démocratie.

Personnellement je suis de moins en moins d'accord avec la démocratie représentative basée sur le principe de majorité. Le référendum est peut-être parfois encore pire dans ses choix que le vote des représentants.

Faudra-t-il laisser la démocratie représentative sombrer d'elle-même en laissant se produire une élection qui divisera la nation au point où le faible taux de participation conjoint à la division produite nécessitera un autre principe constitutionnel ? Ou ce désir d'une authentique démocratie pourra-t-il l'emporter au travers même du système représentatif avant qu'une telle catastrophe politique se produise ? Je sais que nous en sommes là. Car parmi nos représentants politiques accrochés pour des raisons bien égocentriques à ce système, il y a une incapacité d'empêcher ce moment de crise majeure qui se rapproche inéluctablement. Leurs appels au bon sens et à la rationalité sont battus en brèche par leurs comportements anti-spirituels et leur participation à un système politique qui rien qu'en France produit tant de pauvres et  laisse tant de misères psychologiques et spirituelles se développer.

L'histoire de la science ou de la spiritualité philosophique suggère que des minorités ont eu raison contre des majorités. 
Ce sont des arguments et des expérimentations, non des émotions et des croyances qui ont eu raison ultimement.

Aujourd'hui à l'heure où nos émotions et nos croyances portent préjudice à l'avenir même de notre humanité, ne seraient-ils pas grand temps d'inclure au cœur de nos processus démocratiques des procédures de décision basées sur les échanges argumentatifs et sur des transformations spirituelles ?

Par exemple, si vraiment nos problèmes de justice économique impliquant des enjeux éthiques et écologiques sont planétaires, il est évident que que nous devons élaborés des lieux de décisions démocratiques supranationaux. Brexit ou Frexit risquent donc d'être des erreurs spirituelles collectives majeures au sens où ils sont vécus comme un retour à un destin national égocentrique.
Et à l'inverse une Europe basée sur le libre-échange dont les règles sont livrées aux multinationales, une Europe qui permet que des personnes vivent en son sein en dessous du seuil de pauvreté et pire que des personnes n'aient pas accès au meilleur des soins éducatifs et psychologiques voire au meilleur des pratiques spirituelles validées scientifiquement n'est-elle pas une impasse supranationale ?

Il n'y aura donc pas d'avenir pour nous si nous ne sommes pas capables d'un renouvellement profond de ce qu'on entend par "décision démocratique". 

Le pas le plus important vers une démocratie 2.0 est de trouver des procédures démocratiques qui exigent d'apporter des réponses rationnelles et spirituelles convaincantes à des objections rationnelles et spirituelles à une décision. 

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Au lieu de proposer deux options ou plus entre lesquelles nous devrions choisir, il devrait être possible d'élaborer collectivement une meilleure proposition décisionnelle à partir d'options initiales non convaincantes.

Par exemple "faut-il ou non sortir de l'Europe ?" selon moi devrait être remplacé par la question de savoir comment ré-élaborer la démocratie en France et en Europe pour que les prises de décision émanent de davantage d'intelligence collective et en produisent davantage.

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dimanche 26 juin 2016

LE DEBAT SUR LA PREMIÈRE PERSONNE SELON MICHEL HENRY.




https://www.uclouvain.be/324859.html



En travaillant à L’essence de la manifestation, Michel Henry notait pour lui-même que « la thèse de l’ego transcendant revient à faire une philosophie de la 1ère personne en 3ième personne ». Or, il s’en indignait aussitôt : « certes [la] 1ère personne peut apparaître dans le monde de la 3ième personne ; tout je peut être un il, pour un autre Ego et peut-être aussi pour lui-même. Mais précisément, comment cela est-il possible ?

Comment ce qui m’apparaît dans la sphère de la 3ième personne peut être dit une 1ère personne ? [...] Originairement, je suis un Je, et non pas un il, à supposer que je puisse être un "il", un "autre" pour moi-même. C’est de ce phénomène originaire donc, ce fait que je suis d’abord un ego, qu’il faut tout de même rendre compte » (Michel Henry, « Notes préparatoires à L’essence de la manifestation : "La subjectivité" », in Revue internationale Michel Henry, 2012, n° 3, Ms A 5-2-2694, p. 112.).