Bossuet |
Dans l’Instruction
sur les états d’oraison, Bossuet ne nous instruit pas d’oraison, il
instruit un procès à charge contre l'école française de spiritualité du XVIIème siècle. Il rejette dans sa globalité ce qu’il appelle la
« nouvelle mystique ». Il attaque les témoignages et pratiques
spirituelles des livres de Ruysbroeck et Harpius ; il estime inexacte
certaines formulations de Tauler. Surtout, il cible les livres spirituels de
ses contemporains, ceux de « François Malaval, un laïque sans théologie,
et les deux qui sont composés par une femme, comme sont le Moyen court et facile et l’Interprétation
sur le Cantique des cantiques ». Il est clair que pour Bossuet
l’institution ecclésiastique et son autorité ont tout à craindre de ces laïques
(et en particulier des femmes insoumises comme Mme de Guyon). Naturellement, il
associe sa lutte contre les exagérations des nouveaux mystiques à la lutte
contre les béguards et béguines du XIVème siècle. Homme de son époque, il est
du côté de l’autorité de la tradition, qui rend légitime l’intolérance et la
violence religieuse au nom d’une croyance dogmatique. Il est tout ce que la
tolérance déiste du siècle à venir rejettera.
Plus loin, dans cette Instruction à charge, il attaque le Père
Combe qui veut répandre l’oraison de quiétude dans toute la société et à tous
les âges comme la clef intérieure par excellence. Symptomatiquement, il fait de
Bernard et d’Augustin les plus hautes références sur laquelle il fonde sa
propre autorité : il s’agit de certes de deux mystiques mais leurs appels à la violence religieuse contre les hérétiques montrent que leurs lumières intérieures sont obscurcies par l’étroitesse de leur mentalité
prémoderne.
Enfin citons le passage le plus antispirituel
de cette Instruction :
« Par une semblable exagération, les mystiques les plus sages inculquent
sans cesse leur ligature ou suspension des puissances : si on les entend à
la lettre, en certains états on n’est plus uni à Dieu par l’intelligence, par
la volonté, par la mémoire : mais par la substance de l’âme : chose
reconnue impossible par toute la théologie, qui convient que l’on ne peut
s’unir à Dieu que par la connaissance et par l’amour, par conséquent par les
facultés intellectuelles ».
Quoi de plus étonnant que cette lecture fine des mystiques pour mieux en vomir l'expérience...
Quoi de plus étonnant que cette lecture fine des mystiques pour mieux en vomir l'expérience...