Le problème corps/esprit a suscité de multiples réponses.
Partons de l’expérience phénoménologique proposée par Douglas
Harding. Les sensations de bras ou du corps ne nous y enferment pas. Les yeux
fermés nous sentons bien que ces sensations corporelles sont dans un espace de
conscience clair et transparent qui contient aussi les sons, les odeurs, etc.
Si on ouvre les yeux, les sensations visuelles s’y inscrivent aussi.
Comment
interpréter cet espace de perception où apparaissent aussi les pensées ?
Est-ce un esprit séparé du corps ou est-ce une dimension du corps où émerge une
prise de conscience ? Cette lumière intérieure peut s’interpréter comme de
la chair invisible dans laquelle on peut distinguer des sensations en y portant
attention : c'est l'option matérialiste incluant une intériorité. Elle peut s’interpréter comme un esprit immatériel qui engendre
toute chose…
Ce débat est intéressant mais il ne faudrait pas s'y enfermer avant de remarquer que cet espace de claire lumière est d'abord une formidable capacité de s'identifier sans s'identifier à ce qui y apparaît. Prendre conscience de Cela c'est se libérer de toutes les identifications qui nous attachent à la pensée, à l'émotion, aux sensations même si l'attachement conduit à la souffrance.
Cette liberté spécifique qui n'est pas de l'ordre d'un choix ou d'une préférence peut nous libérer de la souffrance, elle peut nous libérer d'un vécu ordinaire de la conscience qui se ramène toujours à un ego vécu au centre. Elle peut nous libérer de l'ego-centrisme... Elle nous affranchit de la séparation entre nous, les autres et le monde puisque tout ce qui apparaît est en nous ; tout ce qui apparaît est ce que nous sommes sans que nous y soyons réduits.
Il y a une dimension de la spiritualité proposée par Harding qui rejoint le stoïcisme sur la notion de corps de l’univers. le sage reconnaît en sa raison comme l’intelligence de l’univers consciente d’elle-même
dans un corps individuel, il se sait et se découvre une individuation de l’univers lui-même. Cette
interprétation permet aussi de ne plus identifier l’esprit et l’âme ou l’ego.
Le principe directeur (l’âme, l'ego) propre à ce corps n’est pas à confondre avec la
conscience de l’univers qui peut se révéler par cette individuation de l’univers.
La sagesse stoïcienne est de trouver l’harmonie entre la volonté de l’âme et la
« volonté » (ou « mouvement de vie » si l'on veut éviter un anthropomorphisme) universelle… Harding met au centre de sa démarche une telle transformation de la volonté propre en "volonté universelle".
Mais se découvrent aussi des mécanismes subconscients, des pulsions jusque là inaperçues, des sensations enfouies dans les ténèbres de cette lumières... il y a aussi une conquête du subconscient matériel. Un certain spiritualisme s'en détourne en affirmant "je ne suis pas ce corps". Doit-on abandonner le corps à son destin inconscient ? Certes il meurt à la fin mais en tant que support de notre individuation, en tant présence au monde, ne mérite-il pas notre attention ? et si demain la science en prolonger la durée de vie, faudrait-il le refuser ?
Dans cette double conquête du supraconscient et du subconscient, il y a des phénomènes qui soulignent l'identité de ce qui au-dessus de la conscience ordinaire et en-deçà.
La kundalini est une énergie qui se déploie en réponse à un appel surconscient intuitif au-delà de la pensée discursive d'un ego. Cette énergie est enfouie dans notre subconscient, elle se déploie dans le corps, comme à travers la colonne vertébrale, et sa pulsation relie subconscient et supraconscient... Matière et esprit semblent reliés dans une seule réalité... Mais ce lien peut prendre racine pus bas dans le subconscient et s'enfoncer plus haut dans le supraconscient.
Ainsi au lieu d'en rester à un débat matière-esprit d'ordre intellectuel, il semble que la démarche spirituelle d'union évolutive avec le Soi la plus équilibrée devrait peut-être s'apparenter à ceci :