samedi 25 août 2012

SUR ETERNITE ET IMMORTALITE. Episode 2.

Vers ici en amont de toute pensée il n'y a pas trace de temps : l'esprit est éternelle présence
L'esprit atemporel se découvre donc comme le champ atemporel de perception-apparition des apparences phénoménales (..., intuitions, pensées, émotions, sentiments, sensations, pulsions, ...). Le temps est une loi fondamentale du monde des apparences (une intuition a priori selon le vocabulaire de Kant) mais dans sa perception qui coïncide avec son apparition une atemporalité de l'esprit dont il organise le vécu semble sa condition de possibilité (point qui échappe à Kant mais pas aux mystiques .

Dans le post précédent nous avons montré que l'esprit est à l'évidence en dehors du temps et donc de la mortalité, toutefois nous n'avons pas encore traité alors de la question de l'immortalité ou non de l'âme.

Nous remarquerons que si nous identifions le psychisme de l'ego avec l'âme, l'immortalité de l'âme ne serait pensable que comme sempiternité de l'ego. On peut envisager l'âme comme une dimension de l'ego capable de se tourner vers l'esprit. Cette dimension échapperait à l'impermanence de l'ego et de la personnalité car ce serait comme un "Je" résonnant au cœur de l'esprit.
La vision sans tête de Douglas Harding se rapproche ainsi des positions que Michel Fromaget estime être celles des Pères de l'Eglise chrétienne.
Selon lui, l'immortalité de l'âme ne serait pas une donnée de la théologie chrétienne puisque par exemple l'apocalypse parle d'une seconde mort. Ce serait la conversion de l'ego et le sacrifice de son égocentrisme qui donne à l'âme la possibilité de renaître puis d'être ressuscitée dans l'esprit.
A vrai dire la vision sans tête est encore plus proche de la conception stoïcienne qui ne semble pas chez Marc-Aurèle pouvoir affirmer l'immortalité ou non de l'âme même si la dimension de l'esprit qui nous relie à l'intelligence cosmique éternelle peut être réalisée.


Comme nous le voyons, bon nombre d'approches ésotériques (en Occident moderne et postmoderne) et anthropologiques (se situant avant la modernité) distinguent trois composantes de ce que nous sommes : esprit, âme, corps.

Cependant, certaines effacent la distinction âme-esprit comme le dualisme cartésien qui a certainement ses origines dans le thomisme. Au XIXème siècle face au réductionnisme matérialiste, le spiritisme avec les phénomènes de médium donnant de s'exprimer à des "esprits" (âmes) propose cette approche :
On voit que la vision tripartite et l'attention à l'esprit proprement dit s'efface au profit d'une communication occulte. Le channeling aujourd'hui est la plupart du temps un prolongement de cette tendance spirite dualiste qui finit par ignorer l'évidence de l'esprit. Or sans l'esprit peut-on parler de spiritualité ? Le channeling est donc la plupart du temps une activité occultiste sans dimension spirituelle proprement dite.

Mais si l'on remonte dans le temps, aux origines de l'occultisme et de l'ésotérisme occidental, on trouve cette tripartition corps-âme-esprit :
Il faut certainement considérer la thématique de l'évolution du monde des apparences pour mieux appréhender la nature de l'âme.

D'un côté, nous avons la théosophie qui a inspiré ce type de réponse :

L'intérêt de cette approche est de rendre compte d'une évolution possible de l'âme lorsqu'elle revêt les divers couches de conscience et d'être. Cette approche explique aussi pourquoi l'ego n'est pas l'âme et rarement en permet la manifestation.
Cependant un peu comme dans l'approche spirite, c'est l'esprit, qui pour nous est une évidence pourtant plus immédiate, qui finit par sembler ici un peu négligé. Rien ne permet de penser que vraiment au cœur de la personne subsiste quelque réalité personnelle fondamentale. Cela ressemble à une pétition de principe.

Si on admet que ce qui se manifeste dans l'esprit manifeste une action créatrice qui a produit tout jusqu'à notre esprit sa perception et ce qui y apparaît, on peut distinguer alors son action de notre contemplation. Sri Aurobindo use des concepts du samkhya que sont prakriti et purusha en leur donnant un sens non dualiste :
 
 Cette distinction a un enjeu pratique avant d'avoir un enjeu métaphysique en ce qui concerne la relation corps-âme-esprit : celui de la liberté.
La prakriti qui anime l'univers à divers niveaux et suivant divers plans de conscience puisque par exemple un être mental n'est pas déterminé de la même façon qu'un être seulement émotionnel et pusionnel. Le purusha est ici une liberté absolue d'identification qui paradoxalement a une essence personnelle libre de toute personnalité. On pourrait dès lors revenir à une position stoïcienne : PURUSHA ce qui dépend de moi, PRAKRITI ce qui ne dépend pas de moi. Et du coup on ne voit pas très bien où pourrait se pressentir une immortalité de l'âme.


C'est de ce point de vue pratique cependant qu'une dimension immortelle personnelle peut être entrevue si on y introduit la notion d'une évolution créatrice. Dans une vision du monde cyclique comme celle des stoïciens où toute la création finit par se résorber dans le feu intelligent cosmique, une réalité individuelle n'a guère de sens. Mais quand on voit toutes ces vies lancées et perdues d'avance, quand on voit ces vies étroites, futiles, etc., ne serions-nous pas plutôt que des vagues successives au service d'un grand œuvre global ?

Mais pourquoi des personnes cherchent-elles à servir ce grand œuvre consciemment tandis que d'autres n'en éprouvent aucun besoin ? Ne vivons nous pas à la surface de nous-même laissant notre profondeur personnelle inexplorée ? Connaître les mécanismes psychologiques ne revient pas à se connaître soi-même en tant qu'instance individuelle capable de s'en libérer. Voir l'immortalité de l'esprit n'est pas exactement connaître ce qui dans l'espace-temps évolutif d'un individu s'y relie intimement. Bien sûr cela se passe dans ce que les traditions ont appelé le cœur. Mais ce n'est pas encore tenir le lien en ce qui concerne l'action, une participation à un grand œuvre universel.
Il faudrait donc pour trouver dans son âme une dimension immortelle avoir une foi sincère en une évolution créatrice consciente (entrevoir un grand œuvre à exécuter). Dans l'expérience approfondie et authentique de la foi en une évolution créatrice ou d'un grand œuvre universel, on apercevrait sans les avoir rechercher des lueurs d'une âme.

Le devenir de la prakriti n'est pas seulement l'écoulement temporel, il met en jeu un DEVENIR inscrit de toute éternité dans l'ÊTRE. Une évolution créatrice implique une involution c'est-à-dire la présence éternelle de toutes les possibilités. L'univers tend vers de plus en plus d'individualité au sein de sa manifestation consciente. Prendre conscience de cette vérité qui relativise l'individualité en tant que personnalité comme fruit d'un processus universel relève d'une compréhension mais aussi d'une volonté personnelle en arrière plan de ce processus. Cette volonté semble toujours en harmonie avec ce qui élève dans le processus vers plus de conscience : cette volonté individuelle au cœur du purusha semble comme un enfant conscient bien qu'il soit encore à venir à qui sa mère, la prakriti lui donnerait consciemment ce qui l'exprimerait au mieux dans sa matrice.


Sri Aurobindo dans La Vie divine chapitre 48 écrit :

Selon nous, et c'est ainsi que s'explique l'évolution dans la Matière, l'univers est un processus de création de soi d'une Réalité suprême dont la présence fait de l'esprit la substance des choses — toutes choses existent en lui en tant que pouvoirs, moyens et formes de la manifestation de l'Esprit. Une existence infinie, une conscience infinie, une force et une volonté infinies, une joie d'être infinie, sont la secrète Réalité derrière les apparences de l'univers; son Supramental divin ou Gnose divine a arrangé l'ordre cosmique, mais indirectement, par l'intermédiaire des .trois termes subordonnés et limitatifs, dont. nous sommes conscients ici : le Mental, la Vie et la Matière. L'univers matériel est le stade le plus bas d'une plongée de la manifestation, d'une involution de l'être manifesté de cette Réalité tri-une en une apparente nescience de soi, que nous appelons maintenant l'Inconscient ; mais l'évolution, hors de la nescience, dé cet être manifesté vers une conscience de soi recouvrée était, dès le début, inévitable.
Inévitable parce que ce qui est involué doit évoluer ; en effet, cet être n'est pas là seulement comme une existence, comme une force cachée dans son contraire apparent — et toute force de ce genre, en sa nature la plus profonde, est nécessairement poussée à se trouver, à se réaliser, à se libérer dans le jeu —, il est la réalité de ce qui le dissimule, il est le moi que la Nescience a perdu, et c'est pourquoi tout le sens secret, la tendance constante de son action doivent être de le rechercher et de le recouvrer. Or c'est l'être individuel conscient qui rend cela possible; c'est en lui que la conscience évolutive s'organise et devient capable de s'éveiller à sa propre Réalité.
L'immense importance de l'être individuel, qui augmente à mesure qu'il s'élève dans l'échelle, est le fait le plus remarquable et le plus significatif d'un univers qui a commencé sans conscience ni individualité dans une Nescience indifférenciée. Cette importance ne peut se justifier que si le Moi en tant qu'individu n'est pas moins réel que le Moi en tant qu'Être ou Esprit cosmique, et que s'ils sont tous deux des pouvoirs de l'Éternel. Ainsi seulement peut-on expliquer le fait que la croissance de l'individu et sa découverte de lui-même soient une condition nécessaire à la découverte du Moi et de là Conscience cosmiques, et de la Réalité suprême. Si nous adoptons cette solution, la persistance de l'individu devient une réalité, c'est la première conséquence ; mais une autre en résulte, et c'est qu'une certaine forme de renaissance n'est plus un mécanisme possible, acceptable ou non : elle devient une nécessité, un résultat inévitable de la nature fondamentale de notre existence.
Car il ne suffit plus de supposer qu'un individu illusoire ou temporaire ait été créé dans chaque forme par le jeu de la conscience; on ne peut plus concevoir l'individualité comme un accompagnement du jeu de la conscience sous la forme d'un corps, qui peut ou non survivre à la forme, prolonger ou non la fausse continuité de son moi de forme en forme, de vie en vie, mais n'a certainement aucun besoin de le faire. Dans ce monde, ce que nous croyons voir tout d'abord, c'est un individu prenant la place d'un autre individu sans aucune continuité : la forme se dissout, l'individualité fausse ou transitoire se dissout en même temps, tandis que seule l'Énergie universelle ou quelque Être universel demeure à jamais; il se pourrait très bien que cela soit tout le principe de la manifestation cosmique.
Mais si l'individu est une réalité persistante, une part ou un pouvoir éternels de l'Éternel, si la croissance de sa conscience est le moyen par lequel l'Esprit dans les choses dévoile son être, le cosmos se révèle être une manifestation conditionnée du jeu de l'Un éternel dans l'être de naissance avec l'éternel Multiple. Alors, a l'abri derrière tous les changements de notre personnalité, soutenant le flot de ses mutations, il doit y avoir une Personne vraie, un Individu.spirituel réel, un Purusha véritable. L'Un étendu dans l'universalité existe en chaque être et s'affirme en cette individualité de lui-même.
Dans l'individu, il dévoile son existence totale par l'unité avec tous dans l'universalité. Dans l'individu, il dévoile aussi sa transcendance en tant qu'Éternel en qui se fonde toute l'unité universelle.

A suivre...

DETRUIRE LE MENTAL ou LE DEPASSER ?

Il est un mot d'ordre répandu dans les milieux spirituels se réclamant de la non dualité et de l'orient : faire taire le mental. Le mental est alors l'ennemi à abattre. Mais quel sens faut-il donner au mot mental ? A partir de là faut-il condamner toute démarche intellectuelle et tout effort d'expression de soi ? Le mot d'ordre d'abattre le mental est souvent une tarte à la crème peu réfléchie qui permet de se positionner comme plus sage, plus avancé spirituellement...
Le mental est ce qui vous éloigne de la Réalité, de l'objet.
Il y a donc là un tas de confusions. Comment comprendre au mieux cette citation "Le mental est ce qui vous éloigne de la Réalité, de l'objet." de Prajnanpad dénonçant le mental ?


Pour avancer spirituellement, il y a certaines structures mentales à abandonner car elle nous éloigne du réel mais il en est d'autres qui doivent être déployées pour s'en rapprocher comme par exemple se souvenir de cette citation. Un enseignement spirituel est ainsi une structure mentale visant à relativiser les structures mentales pour découvrir une réalité qui le dépasse. Nous utilisons ici une définition du terme mental qui ne coïncide pas avec celle de Prajnanpad. Mais malheureusement celui qui vit dans son monde pseudo-spirituel ignore qu'un mot utilisé comme un concept a un sens précis qui n'est pas valable dans tous les contextes où le mot usuel peut s'utiliser. Notre concept du mental est beaucoup plus large en extension que le concept utilisé ici par Prajnanpad et celui qui verrait une contradiction entre notre concept et celui de Prajnanpad manquerait surement le point d'accord sous-jacent : il y a des structures mentales à abandonner pour avancer spirituellement.

Condamner la réflexion et donc le mental au sens large revient souvent à obéir à des forces infra-mentales. De nombreux pseudo-gourous ne s'en privent pas. Pour être sa propre autorité intérieurement et authentiquement avancer spirituellement, une capacité de discernement mental est utile. On peut distinguer une structure mentale qui participe d'une illusion et favoriser le développement d'une structure mentale favorisant le discernement.
Retourner son attention selon la Vision sans tête pour trouver sa vraie nature.

Si on veut faire par exemple l'expérience spirituelle que "tout est conscience", il faut entrevoir quelque chose au-delà du discours même le plus rationnel et riche de discernement qui soit. Mais ce parfum du "tout est conscience" ne peut être pointé que par un protocole qui requiert le mental.


Si tout est conscience, on devrait s'interroger de savoir pourquoi le mental s'est tant développé. Certains vont affirmer que c'est le désir qui se sert du mental pour faire croître son monde de dualités et qu'en un sens l'explosion des connaissances mentales impliquent l'inéluctable catastrophe en cours. Il est clair que la modernité qui a vu l'activité mentale se déployer est alors entièrement condamnée comme le sommet de la catastrophe : la valorisation du mental impliquerait la dévalorisation et l'oubli du spirituel.

Mais si l'on veut affuter notre réflexion et notre sens du discernement, il y a une autre position mentale à envisager qui ne trahit pas la découverte que "tout est conscience" : le monde mental est aussi une manisfestation de "tout est conscience". Chaque évolution serait d'abord une floraison dans le temps d'une réalité éternelle involuée. Les spiritualités évolutionnistes comme celle de Bergson, Teilhard ou Sri Aurobindo vont voir dans la montée de l'activité mentale une évolution de l'univers vers de plus en plus de conscience individualisée. Le mental est une réalité qui permet davantage de s'exprimer individuellement que le monde émotionnel ou pire encore pulsionnel. Le "Tout est conscience" n'implique pas une négation de l'individualisation. Plus l'individualisation est développée grâce à un mental élargi, plus la découverte du tout est conscience aura un impact social fort.
Une autre forme de condamnation du mental existe cependant du point de vue d'une spiritualité fondée sur l'évolution de la conscience. Certains estiment qu'il est un obstacle à ce qui doit le dépasser dans la marche évolutive. Ils vont confondre un dépassement avec un rejet. Nous pouvons estimer qu'un mental pour être dépassé doit être complétement parvenue à ses limites de subtilités et de souplesse dans la relation au réel. Un tel mental a une liberté d'imagination sans aucune borne, il est prêt à devenir l'expression de toute forme d'intuition sans la réduire à des structures préexistantes, il est donc chargé de potentialité poétique traduisant n'importe quel courant du tout de conscience évolutive, il est au service de l'individualisation et non d'une idée.

vendredi 3 août 2012

SUR ETERNITE ET IMMORTALITE. Episode 1.

Le soleil que je vois dans le ciel est le soleil d'il y a 8 à 9 minutes puisqu'il faut pour la lumière qui va à environ 300000km par seconde ce temps pour aller du soleil à la terre.

Et ceci vaut plus encore pour ce que nous voyons au loin dans l'univers :

Mais il est plus troublant d'admettre que cela vaut au plus près.

Ce que nous voyons est toujours du passé car il faut aussi compter le temps que le cerveau mette en place une image. L'observateur extérieur (sans prendre en compte le décalage de son propre cerveau analysant la situation) voit qu'il me faut un temps cérébral d'analyse des données extérieures pour que j'en sois conscient. 

Parfois le corps réagit avant que je sois bien conscient de ce qui se passe. Ces mécanismes entraîneraient par exemple une impression de déjà vu. Mon corps aurait vu ce que je suis en train de voir. 

Logiquement le présent qui n'est pas une image du passé ne se tient donc qu'à zéro centimètre de moi et n'est rien de ce qui apparaît comme externe à l'intérieur de notre esprit.

Cependant cet hyperprésent de la perception ne doit pas être confondu avec le présent de la pensée. Toute pensée analytique comme ce que j'écris en ce moment prend du temps : elle nécessite rétention de ce qui s'est formulé et protention vers ce qui va se formuler. La pensée (analytique quelle) que soit sa nature se vit comme passé du présent et futur du présent ne pouvant jamais vraiment se tenir à un présent du présent.

Quand on se connecte à l'idée qu'exprime cette pensée analytique cela semble plus instantané, plus présent. Mais il y a encore une instabilité des idées, elles nous échappent, elles s'entr'éclairent, les unes s'écartent pour en laisser d'autres. C'est la perception de l'idée et non l'idée qui nous rapproche du présent. 

Mais en amont des sensations du monde, en amont de la pensée analytique, en mont de l'idée, y a-t-il encore une perception ? Autrement dit y-a-t-il en nous une perception pure présence, immobile et intemporelle ? Ce pur présent serait l'éternité (l'intemporel) qui contient le temps. Ce substrat pur de la perception de tout ce qui apparaît serait aussi éventuellement une dimension d'immortalité, la mortalité n'agissant que sur ce qui est temporel.

Cette découverte éventuelle d'une part d'immortalité reste cependant celle d'une dimension impersonnelle en nous puisque tous nos traits personnels ressortent à première vue du temporel.

Pour faire une expérience de perception pure intemporelle en amont de toute apparence, voici une proposition :

En effet par ici vers cette absence devant laquelle tout apparaît, y a-t-il une trace de temps ?

Et concentrons nous sur un mot comme "une pensée... encore une pensée", cela n'apparaît-il pas là-bas tandis que le ici qui perçoit cette pensée perçoit aussi tout le reste (le monde des sensations, les autres pensées, etc.) ?

Bien sûr ce presque rien de l'esprit qui perçoit colle à zéro centimètre de ce qui apparaît, donc la distinction ici - là-bas reste imprécise. Toutefois le ici que pointe le doigt semble un presque rien séparé de ce qui apparaît. Ce ici spécifique où la plupart d'entre nous pense une tête avec deux yeux permet de distinguer un esprit immobile, intemporel, présent au soubassement de tout ce qui apparaît (y compris notre pensée de nous-même avec notre tête et nos yeux). 

Où découvre-t-on son âge ? Sur le miroir là-bas ou ici d'où part le regard ? Celui qui perçoit est sans âge, c'est une conscience sans identité qui peut s'identifier à chacun des visages qui se présente là-bas sur le miroir. Si on ne se perd pas là-bas dans l'image, on ne se noie pas dans le temps. Il y a une fraîcheur de celui qui perçoit. C'est d'ici un festival de nouveautés qui apparaît là-bas. Et même quand la vue se brouille, celui qui perçoit n'est pas gagné par cette déficience. Ce qui est brouillé est là-bas. Etc.
 
A Suivre...

ERREUR HYPERMODERNE D'UNE EVOLUTION HUMAINE PAR LA TECHNOLOGIE.

Dans son livre La vie vivante, Jean-Claude Guillebaud résumant les idées du transhumanisme  écrit :
«Que faut-il entendre par singularité ? Pour Kurzweil, nous sommes à la veille d’un « saut » technologique tellement décisif – et définitif – que nul ne peut encore le décrire. Tel est le vrai sens du mot. Il nous invite à imaginer un horizon au-delà duquel le futur s’apparente à un trou noir inobservable. Son avènement résultera de la convergence et surtout l’accélération des nouvelles technologies, mais aussi et surtout des progrès de l’intelligence. Kurzweil ajoute que si les avancées obéissaient jusqu’alors à un rythme exponentiel, ce sera leur accélération elle-même qui deviendra exponentielle. On emploie à ce sujet une expression empruntée à Buckminster Fuller : l’accélération accélérante.
Cela signifie que le nombre des innovations ira se multipliant, tandis que ­l’intervalle entre chacune d’entre elles se raccourcira sans cesse. À ce jeu, les transformations de l’humanité au cours du seul XXIe siècle devraient être équivalentes à toutes celles qu’elle a connues au cours des 20 000 années précédentes, et peut-être plus considérables encore.

La rapidité de leur enchaînement les rend imprévisibles. On peut seulement dégager quelques-uns des bouleversements attendus : dématérialisation et amplification conséquente de la réalité, multiplication des machines intelligentes capables de se reproduire elles-mêmes, prédominance universelle du concept d’information, enchevêtrement généralisé de l’organique et du machinique, etc. La dernière étape du processus devrait être, selon Kurzweil, celle d’un « éveil » de l’univers entier à la conscience. Dans tous les cas, l’espèce humaine telle que nous la connaissons disparaîtra.

À ce stade, les règles ordinaires de la prospective ne s’appliquent évidemment plus. On est dans le registre du prophétisme, ce qui vaut à Kurzweil d’être présenté comme un techno­prophète. En définitive, il n’est pas loin de faire siennes les hypothèses du jésuite et paléontologue français Pierre Teilhard de Chardin (1881-1955), inventeur du concept de noo­sphère, du point oméga et du Christ cosmique – réflexions qui lui valurent les foudres du Vatican dans les années 1950 et 1960. On a d’ailleurs oublié que, dans son livre l’Énergie humaine, Teilhard s’était déclaré favorable à une amélioration de l’homme par lui-même, jusqu’à l’apparition possible d’un « type humain supérieur ». Il nous faut « aider Dieu », ajoutait-il, « comme si notre salut ne dépendait que de notre industrie ».

Dans ses écrits et ses déclarations, Kurzweil revendique pour l’homme la liberté de remodeler sa propre espèce. Six siècles après la Renaissance italienne, il prend au pied de la lettre le discours historique du philosophe et théologien italien Giovanni Pic de la Mirandole (1463-1494), lequel proclamait dans son Oraison sur la dignité humaine : « À l’homme il est permis d’être ce qu’il choisit d’être. » Kurzweil rejette ainsi toute espèce de freins, limites et interdictions qui, au nom de la prudence ou de l’éthique, empêcheraient l’homme d’aller « plus loin ». Son dernier livre contient une profession de foi enflammée, qui coïncide avec celle du mouvement transhumaniste. « Nous voulons, proclame-t-il, devenir l’origine du futur, changer la vie au sens propre et non plus au sens figuré, créer des espèces nouvelles, adopter des clones humains, sélectionner nos gamètes, sculpter notre corps et nos esprits, apprivoiser nos gènes, dévorer des festins trans­géniques, faire don de nos cellules souches, voir les infrarouges, écouter les ultrasons, sentir les phéromones, cultiver nos gènes, remplacer nos neurones, faire l’amour dans l’espace, débattre avec des robots, pratiquer des clonages divers à l’infini, ajouter de nouveaux sens, vivre 20 ans ou deux siècles, habiter la Lune, tutoyer les galaxies. »
Gérard de Dunkerque a publié sur son blog Yoga des cellules cet extrait de l'Agenda de Mère, tome 1, qui apparaît aussi dans ses Entretiens 1957-1958 :
Dans la vie ordinaire, tout est artificiel. Selon la chance de votre naissance ou des circonstances, vous avez une position plus ou moins élevée ou une vie plus ou moins confortables, non pas parce qu'il est le spontané, l'expression naturelle et sincère de votre façon d'être et de votre besoin intérieur, mais parce la fortuité des circonstances de la vie vous a mis en contact avec ces choses. Un homme absolument sans valeur peut être dans une position très élevée, et un homme qui pourrait avoir des capacités merveilleuses de la création et l'organisation peut se trouver dans une position laborieuses assez limité et inférieur, alors qu'il serait un individu totalement utile si le monde était sincère.
C'est cette artificialité, cette sincérité, cette absence complète de la vérité qui paraissait si choquant pour moi que ... on se demande comment, dans un monde aussi faux que celui-ci, nous pouvons arriver à une évaluation sincère des choses.

Cette façon d'envisager l'évolution est à mille lieu des thèses du transhumanisme (dont on trouvera en cliquant ici une présentation synthétique) souvent évoquées et reprises par certains membres du mouvement intégral.
Ce qui est mis en avant est ici la question que Bergson avait mise en avant sans vraiment la résoudre : comment éviter que la puissance technique serve la volonté de brutes ? La science mise en œuvre pour développer une technique est souvent sans rapport avec la qualité de conscience de ceux qui en usent. Mère lorsqu'elle évoque son expérience du supramental nous parle d'une conscience plus consciente au cœur même de ses actions dans la matière et non d'une conscience dotée de plus de puissance. Dotée de plus de puissance, une conscience humaine ordinaire a des possibilités étendues mais qui n'en reste pas moins ordinaire.
Pour ceux qui envisagent une spiritualité transformant le monde et non seulement une spiritualité libératrice de la finitude égocentrique, il est souvent difficile d'envisager une transformation du monde en dehors d'une extension de nos possibilités d'être par la technique. Si la technique peut allonger la vie en reculant les processus de la mort agissant dans nos cellules, si elle peut faciliter nos possibilités de communiquer ou si elle peut renforcer notre mémoire, elle ne peut pas nous donner accès à une connaissance directe de la conscience force qui anime tous les phénomènes y compris ceux de la matière. Accepter philosophiquement que l'évolution pourrait aller dans cette direction d'une conscience de cette sorte différente de notre conscience mentale revient à commencer à accepter la possibilité d'une conscience supramentale. Ceci reviendrait à accepter qu'une telle conscience nous soit aussi étrangère que notre conscience mentale semble étrangère à une mouche se heurtant à une vitre quand pourtant elle est ouverte.

Accepter cette possibilité revient aussi à être plus sincère en ce qui concerne l'évaluation de notre monde actuel. Qu'est-ce qui donne accès au confort technique aujourd'hui si ce n'est le pouvoir de l'argent ? Que valent spirituellement la plupart de ceux qui disposent de l'argent qui leur donnera les privilèges des nouvelles technologies de la vie prolongée par exemple ?



Malheureusement nous revenons à cette erreur fréquente dans la mouvance intégraliste côté Wilber : le rendez-vous avec des leaders visibles de l'évolution de la conscience en octobre est bien caractéristique de ce défaut. Celui qui paiera 200 euros pourra être aux premières places et partager un repas avec les conférenciers. Soit il s'agit pour ce mouvement de trouver de riches mécènes, soit on continue à penser que la richesse reflète une valeur et que ce mouvement prendra de l'ampleur en s'appuyant sur les plus riches et puissants. Pourquoi par exemple à côté des plus riches motivés, les plus jeunes qui s'intéressent à ce genre d'événement n'auraient-ils pas une place privilégiée et la chance de parler plus intimement à ces leaders ?

Pour faire évoluer la culture, il y a le désir d'avoir de l'influence mais cette recherche d'influence n'est-elle pas sans valeur devant l'aspiration à rechercher une réelle profondeur d'être ?

Mais il est facile de critiquer sans rien faire pour faire évoluer la conscience collective... Cependant, il y a une critique constructive possible.



A ce sujet nous citerons ce texte :

Méditation sur la Sagesse suprême

Niranjan Guha Roy 1982

Méditation

Il y a une Sagesse englobant tout qui préside sur les destinées de chacun.
En dernière analyse, tout ce qui arrive est pour notre progrès.
Il y a toujours une plus grande possibilité à notre portée
Cela dépend de notre aspiration, intensité et de notre désir d ’avancer.
Si le Divin veut surgir dans une âme, rien ne peut l ’en empêcher. C’est Sa décision.
Plus je suis en contact avec le Divin, plus je perds le zèle missionnaire.
Je n ’ai aucun désir de former une communauté,
D ’imposer la spiritualité ou une discipline aux autres.
Je vois le Pouvoir à l’œuvre et je lui offre notre travail.
Il y a de moins en moins d ’initiative personnelle dans le travail.
« Que Ta Volonté soit faite » est devenue une formule vivante,
Une sincère attitude dynamique maintenant pour la vie spirituelle et matérielle.
Le vrai travail spirituel est plus intérieur qu’extérieur
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