dimanche 22 avril 2012

EVOLUTION DES MENTALITES ET DES MOUVEMENTS POLITIQUES EN FRANCE.

 La pensée intégrale suggère le schéma ci-dessus pour comprendre les diverses mentalités et expliquer comment elles se supposent les unes les autres.

A partir de là on peut considérer aussi la position de diverses formations politiques en fonction de leur plus ou moins grand égoïsme communautaire mais aussi de leur plus ou moins grande sensibilité à un environnement plus large qui conditionne son devenir. Celui qui réalise en lui la présence de Cela qui commande toute manifestation ainsi que toute évolution de la manière dont Cela se manifeste voit à l’œuvre la venue d'une conscience collective évoluant de plus en plus consciemment.
Ainsi on notera la proximité des salafistes musulmans qui rejette la société française jugée mécréante et des FN malgré leur antagonisme apparent évident : les deux mouvements sont tentés par le prémodernisme c'est-à-dire par le dogmatisme, l'autoritarisme et l'ethnocentrisme communautariste. L'UMP serait en mesure d'intégrer quelque chose du conservatisme ethnocentrique français et du conservatisme religieux musulman tout en les amenant à se dépasser et à se réconcilier dans un niveau de mentalités plus élevé même si dans les élections en cours cela a été sans aucun doute manqué : il aurait fallu envoyer des messages précis en faveur de figures d'un islam sans compromis avec le salafisme tout en s'attaquant à l'idée que l'islam est forcément inintégrable à la république. Et pour vraiment mener une opération d'inclusion et de transcendance jusqu'au bout il faudrait montrer la proximité des dangers sociaux des fascinations du FN avec ceux du salafisme. Car l'humanité doit se défaire dans son évolution de toute étroitesse mentale : elles ont des caractères semblables même si elles semblent se condamner les unes les autres. Il y a le refus du risque de la rencontre et du dialogue, il y a la crainte de s'aventurer dans d'autres manières culturelles de penser et de ressentir. Où sont les politiques de droite qui s'en prendront à l'ethnocentrisme au nom d'une nation républicaine au-delà de toute réalité ethnique donnée ? Le Brésil, le Canada ou les Etats-Unis sont de grandes nations qui se sont bâties au-delà de toute ethnie qui les ont constitués à un moment ou un autre sans qu'on puisse nier une continuité culturelle.
On peut souhaiter que cette fusion intégration s'opère pour apaiser la société française dont on ne peut plus affecter de nier la composante musulmane. L'identité française a certainement besoin de se réinventer non pas contre l'islam mais avec un islam national qui reconnaît pour lui l'importance de la République française et donc une République qui agit en vue de le favoriser.

Par ailleurs on remarquera que la tentative de synthèse du centre entre gauche et droite ne peut pas réellement se produire au niveau où elle est envisagée. Si un mouvement sociocratique intégral est l'horizon de notre évolution mentale et politique alors le centre disparaîtra comme une esquisse de cette future synthèse encore absente des organigrammes politiques.

On notera que dans le champ politique n'est pas encore apparu un mouvement sociocratique intégral. Un tel mouvement proposerait une organisation démocratique non plus centrée sur le vote majoritaire ou sur la recherche d'un consensus par compromis mais sur l'innovation raisonnée et le consentement et la prise en compte d'une évolution des mentalités et de la dimension éminemment spirituelle qui l'anime. La communication sans violence et la recherche du consensus minimal éprouvé du désir d'être citoyens ensembles ainsi que la sociocratie sont proposés aujourd'hui activement par le mouvement colibris dont la figure emblématique est Pierre Rabbhi. Ce mouvement où un pluralisme spirituel libéré du religieux est reconnu pose sans aucun doute les bases d'une future sociocratie intégrale capable aussi d'intégrer consciemment le fait de la différence des mentalités et de leur évolution.

 Les partis de gauche ont sans aucun doute une énorme difficulté à composer entre leur composante moderne nationale et mondiale d'extrême gauche et leur composante plutôt humaniste et systémique européenne et écologiste. Le mouvement Colibris pourrait représenter pour la gauche le dépassement et la fusion de ce qui forme en elle encore un antagonisme. Mais lui-même pour intégrer ce qu'il y a de légitime dans les mentalités qui politiquement s'identifient à droite aura besoin d'être intégré dans un mouvement sociocratique intégral d'envergure qui reste encore à créer. Toutefois son niveau de mentalité déjà profondément systémique et sensible à la spiritualité peut le conduire à évoluer en ce sens sans qu'il soit besoin d'un nouveau mouvement : ce mouvement a déjà intégré une gouvernance sociocratique et la nécessité d'un pluralisme spirituel non dogmatique.

Un tel mouvement politique qui prendrait au sérieux l'évolution des mentalités et leur intégration n'incarnera cependant pas forcément encore la spiritualité intégrale. Niranjan Guha Roy précise ce qu'est l'idéal le plus élevé dans une approche de spiritualité intégrale :

« Il faut aussi expliquer quelque chose de fondamental concernant le yoga. Il y a trop souvent des idées fausses à ce sujet. Le retour à la nature n’a rien à faire avec le yoga. La concentration sur l’alimentation, biologique ou autre a très peu à faire avec le yoga. Former une communauté ou vivre en groupe juste pour être ensemble n’a rien à voir avec le yoga. Yoga en Inde signifie union avec le Divin, l’Absolu et la discipline nécessaire pour arriver à la réalisation. Le but de quelque bonheur personnel, d’être heureux, d’aimer d’une manière humaine appartient à l’éthique et n’a rien à voir avec le yoga. »

Nous sommes loin ici de ce que mettent au centre tant les mouvements écologiques que les mouvements comme le mouvement colibris. Si vraiment nous sommes au cœur d'une crise évolutive mettant en jeu une évolution spirituelle de la conscience, l'évolution des mentalités qui permettra vraiment d'y faire face ne pourra être qu'une valorisation collective et donc politique de la recherche spirituelle. Mais contrairement aux formulations religieuses et politiques qui sont toujours systématiques et dogmatiques, la spiritualité en jeu ne saurait l'être. Comme l'écrit Sri Aurobindo :

« La vie échappe aux formules et aux systèmes que notre raison s'efforce de lui imposer ; elle s'avère trop complexe, trop pleine de potentialités infinies pour se laisser tyranniser par l'intellect arbitraire de l'homme... Toute la difficulté vient de ce qu'à la base de notre vie et de notre existence, il y a quelque chose que l'intellect ne pourra jamais soumettre à son contrôle : l'Absolu, l'infini. »

Au-delà de toute institution humaine qui relève forcément du mental et de ses formulations intellectuelles, il faudrait considérer la possibilité d'une vie collective animée par des âmes ayant vaincu tout égocentrisme. Elle ne s'inscrirait plus dès lors dans aucune institution mais dans une une reconnaissance immédiate de la volonté évolutive de la nature (que Sri Aurobindo appelle la Mère).

Sri Aurobindo écrit dans Le Cycle Humain :

« Un anarchisme spirituel ou spiritualisé pourrait sembler plus proche de la vraie solution, ou du moins la pressentir de loin.[...] si l'on tient compte de l'impuissance d'aucun "isme" à exprimer la vérité de l'Esprit qui dépasse tous ces compartimentages [...]La solution ne se trouve pas dans la raison, mais dans l'âme de l'homme, dans ses tendances spirituelles. Seule une liberté spirituelle et intérieure peut créer un ordre humain parfait. Seule une illumination spirituelle plus haute que les lumières rationnelles peut éclairer la nature vitale de l'homme et imposer l'harmonie à ses recherches égoïstes, à ses antagonismes et ses discordes.»

N.B : On pourra davantage envisager les enjeux politiques français d'un point de vue intégral en consultant un article de Olivier Breteau dans son Journal intégral sur La transition culturelle.

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