samedi 2 mars 2024

En vue de ne pas confondre l'Eveil du Soi et un accomplissement définitif - Épisode 4/4 - LES ILLUSIONS DU NEO-ADVAITA

Être seulement spirituel n'est pas assez ; cela prépare un certain nombres d'âmes pour le ciel, mais cela laisse la terre très semblable à ce qu'elle était - Sri Aurobindo


L'illusion du néo-advaita

https://patrick-vigneau.over-blog.com/

http://patrick-vigneau.over-blog.com/2021/07/l-illusion-du-neo-advaita.html

Publié le 13 juillet 2021 par Patrick Vigneau


De nos jours apparaissent des maîtres « illuminés » auto-proclamés en Néo-Advaita. Ces enseignants  ont réduit des milliers d’années de transmission de l’Advaita en une simplification extrême pour être accessible à tout le monde. Il n’est désormais plus nécessaire pour les chercheurs spirituels de s’engager dans la sadhana (le travail sur soi).

 Maintenant, la seule chose nécessaire pour « réaliser le Soi » est le déni répété du moi, et la (pseudo) « compréhension » que l’égo et tout ce qui arrive dans l’univers ne sont simplement qu’une « illusion ». Tout « arrive, il n’y a pas de chemin, pas de cause », et par conséquent, il n’y a absolument rien à faire !

Déjà au 19ème siècle Ramakrishna évoquait le piège : "ne confondez pas l'abandon tamasique, avec l'abandon sattvique."


Plus récemment, Sri Aurobindo le redit: 

"Ces états apparaissent avec une grande force, suscitent un sentiment très vif d’inspiration ou d’illumination, une grande sensation de lumière et de joie, une impression d’élargissement et de pouvoir. Le sâdhak se ressent alors libéré des limites normales, projeté dans un monde nouveau et merveilleux, empli, élargi, exalté. Par ailleurs cela vient se conjuguer avec ses aspirations, ses ambitions, ses conceptions de l’accomplissement spirituel et va même jusqu’à se présenter comme la réalisation et l’accomplissement ultime.

Il se laisse très facilement emporter par cette splendeur, et a l’illusion d’avoir réalisé quelque chose de souverainement vrai. À ce stade, il lui manque d’ordinaire la connaissance et l’expérience indispensables qui lui diraient que ce n’est là qu’un début très incertain et très mélangé ; il peut ne pas comprendre tout de suite qu’il est encore dans l’ignorance cosmique, non dans la Vérité cosmique, moins encore dans la Vérité transcendante, et que toutes les idées-vérités formatrices ou dynamiques qui ont pu descendre en lui sont seulement partielles..."


Ces enseignants du Néo-advaita ont une chose en commun, ils déclarent qu’ils ont réalisé le Soi, et se sont éveillés à leur vraie nature. Alors, ils veulent tous enseigner (il faut bien gagner de l'argent).

 Dans le processus, ces enseignants Néo-Advaita ont corrompu et tordu les principes et pratiques de l’Advaita traditionnel jusqu’à ce qu’ils ne soient plus reconnaissables, pour les nouveaux adeptes occidentaux, sans discernement.

Mais comme il est dit dans l'Atma yoga, "se soumettre à une sadhana et se confronter à une vie fraternelle constitue le vrai moyen de se libérer de l'ego".


Patrick Vigneau



Mon commentaire :

Oui, l'éveil du Soi n'est pas la fin de l'ego. 

Tant qu'il y a du désir et des pulsions, il y a de l'ego au moins périphérique. Là-dessus, le néo-advaita n'est pas clair. Il affirme qu'il n'y a plus d'ego quand il laisse libre le cours des désirs et des pulsions. Le terme de réalisation du Soi sonne mal !

L'éveil du Soi est un pas, mais plus de cœur et d'intelligence pour le monde et son Devenir est entrer davantage dans la lumière. 

Pour ce qui me concerne, la voie de Sri Aurobindo et Mère m'éclaire en prolongeant, entre autres, les voies élaborées par Nachiketas dans la Katha Upanishad ou par les disciples de Socrate.

 Servir le Divin, c'est agir de plus en plus pour et par la Mère divine, l'intelligence personnelle multiple du processus de manifestation de l'autocréation. Servir le Divin signifie que mon action sera de moins en moins asservie à une recherche de plaisirs individuels. 

C'est à la lumière du Soi participer à ouvrir son cœur, y trouver la joie sans objet et tout au fond y trouver son âme, ce divin enfant de Dieu. 

Sur ce chemin de Sri Aurobindo et Mère, un processus de l'abolition de l'esclavage de l'ego, de ses souffrances et plaisirs, vient avec la croissance de l'influence de l'âme de Joie Divine en laquelle, peu à peu, est réformé ce que nous sommes en un instrument pur et simple du Divin. 


Aphorisme 212 — Les poètes font grand cas de la mort et des afflictions extérieures, mais les seules tragédies sont les échecs de l’âme, et la seule épopée, l’ascension triomphante de l’homme vers la divinité. Sri Aurobindo

Suit ce commentaire de Mère, Mirra Alfassa, la compagne spirituelle de Sri Aurobindo :

 

En vérité, la seule chose vraiment tragique est de ne pas devenir conscient de son âme, l’être psychique, et de ne pas avoir sa vie entièrement guidée par elle.

Mourir avant d’avoir trouvé son âme et d’avoir vécu selon sa loi, voilà la vraie défaite.

Et la vraie épopée, la vraie gloire est de trouver le Divin en soi et de vivre selon Sa loi.

3 décembre 1969


Nous avons précédemment montré l'intérêt spirituel de certains concepts ici en jeu dans la voie de Sri Aurobindo et Mère. Dans une discussion philosophique serrée avec les idées du néo-advaita, il est intéressant d'en voir la portée. Voici ces articles de notre blog particulièrement dédiés à cette discussion :

https://foudreevolutive.blogspot.com/2024/02/en-vue-de-ne-pas-confondre-leveil-du_29.html?m=1

https://foudreevolutive.blogspot.com/2024/03/en-vue-de-ne-pas-confondre-leveil-du.html?m=1

Nous pouvons aussi renvoyer à cet article où est examinée en profondeur la relation entre l'enseignement de Ramana Maharshi qui inspire le néo-advaita et l'enseignement de Sri Aurobindo :

https://sriaurobindouneapproche.blogspot.com/2023/08/etre-attire-par-le-yoga-de-sri.html?m=1

vendredi 1 mars 2024

En vue de ne pas confondre l'Eveil du Soi et un accomplissement définitif - Épisode 3/4 - Absolu impersonnel ou personnel ?


Il est dommage au nom de la mode spirituelle de l'impersonnel d'ignorer l'autre, la dimension personnelle du Divin. 

La mode néo-advaita fait pencher l'approche spirituelle vers la recherche d'une présence impersonnelle. Ayant discerné la présence consciente au-delà de notre mental et de notre ego, l'impersonnalité de l'unité de la substance d'être ne semble faire aucun doute. 

Si la présence consciente est impersonnelle, l'absolu est, croit-on, impersonnel et dès lors on dira relatives les relations personnelles en périphérie. 

Voir un absolu impersonnel et prétendre que le personnel reste forcément relatif, c'est toujours privilégier discutablement la paix sur l'amour.

Le fameux Nisargadatta Maharaj, une référence majeure du néo-advaita, amène à penser qu'être rien est sagesse et être tout est l'amour. Mais il affirme nettement que la Conscience n'est pas l'absolu et qu'elle déjà le début de l'oubli de l'absolu. Dès lors être tout, l'amour, est du relatif, selon lui.

Lisons un propos de Nisargadatta Maharaj pour nous en convaincre :

Lorsque l'on est entier, même le « je suis » devient un poids, une flétrissure, c'est un élément qui doit aussi être rejeté. Le principe de conscience aussi doit être éliminé. Le « je suis » est le concept premier et il faut s'en débarrasser avant d'avoir accès à l'Absolu.

Il y a ici l'enjeu d'une bifurcation spirituelle :  devenir nihiliste ou non. On trouve déjà cette bifurcation nihiliste chez Schopenhauer qui rejette toute mystique du Divin absolutisant le personnel :



Dans la ligne de Schopenhauer, l'absolu est non être, non conscience, qu'être et conscience troublent. 

On retrouve de ce côté-là aussi l'idée néoplatonicienne que le Divin en émanant hors de soi forcément se diffuse dans une perte de son Être de plus en plus forte. En associant la vie matérielle à un moindre être, à du néant où se perd l'être, de façon insurmontable, la vie spirituelle sera toujours tentée de dévaloriser la vie matérielle. La non conscience absolue de l'Un conduit son émanation ou sa procession à l'instabilité de la matière, à la mécanique aveugle et dysharmonieuse des appétits, à la fragilité des corps vivant, à la mortalité. L'intelligence consciente de l'Un est une surabondance d'être inconsciente que cette conscience ne peut retenir de s'éparpiller et de se perdre jusqu'à dissolution dans le non-être.

Pour moi, réaliser la présence consciente, la lumière spirituelle distincte de nos lumières mentales, vitales et physiques, c'est réaliser la présence de ténèbres lumineuses au-delà des sphères mentales, vitales et physiques perceptibles mais aussi au sein même de ces sphères.

Réaliser que l'éveil du Soi n'est que ténèbres lumineuses dont l'enténèbrement varie selon nos qualités de sagesse et d'amour devrait pourtant nous amener à rester prudent en proclamant l'absolu impersonnel, en affirmant une inconscience absolue.

Imaginons que la prise de Conscience absolue comprenne indissociablement l'inconscient et la conscience dans son acte autocréateur tempiternel ! Alors estimer l'absolu comme Inconscient plus profond que la Conscience serait une dévaluation de son acte autocréateur essentiel et originaire. 

Reconnaissant les limites de ce que donne à voir l'éveil du Soi comme ténèbres lumineuses, il y a aussi en aval que l'autocréation divine nous échappe. Ceux qui proclament un inconscient absolu proclament aussi le caractère aveugle et absurde du Devenir sur notre plan matériel. Et si l'autocréation divine impliquait en son aval une évolution de plus en plus consciente écho de sa prise de conscience autocréatrice absolue en amont ?

Mais ceci n'est peut-être qu'une spéculation en face de ce qui n'est qu'une spéculation, ou ne se basant au mieux, après tout, que sur des vécus clairs confus. Car les ténèbres lumineuses du Soi sont claires par leur luminosité et en même temps confuses par leurs ténèbres. Comment être sûr de démêler les ténèbres dues aux limites de notre véhicule individuel où le Soi s'éveille des ténèbres qui seraient intrinsèques au Soi ?

Malgré les limites de nos investigations, tournons-nous vers ce qui se manifeste, l'individualisation qui caractérise de toute part la vie de cet univers, est-ce l'illusion qui se décline à l'infini si la Conscience est le trouble de la paix de l'absolu ? Est-ce le signe que le Divin joue un jeu d'Amour avec lui-même en entrant en relation à travers toutes les formes d'individualisations possibles ?

Et si chaque individu n'était pas qu'un masque individualisé en surface cachant le Divin mais aussi un temple de l'individuation du Divin lui-même ? L'individualisation apparente et fragile que nous sommes abriterait une individuation du Divin lui-même caché dans l'aveuglante lumière d'un Soi au cœur de son cœur : 

- pour les platoniciens, l'âme est un rayon du soleil divin qu'il s'agit d'épurer des appétits charnels, pour y voir plus clair dans la lumière aveuglante du soleil de l'absolu - Ici, l'individuation de l'âme n'est pas à confondre avec l'agrégat de l'ego - les dieux sont aussi des émanations du soleil Divin ;

- Jésus se présente comme Le Fils de Dieu et lorsqu'il est accusé de se prendre personnellement pour Dieu, il répond "Vous êtes les fils de Dieu". Dieu est Amour. La réalisation de la substance impersonnelle de l'Amour est inséparable d'une réalisation de la qualité de relation interpersonnelle - la personne est une dimension du Divin outre son unité impersonnelle - l'Amour, considéré comme la nature absolue de la lumière spirituelle, ne va pas l'un sans l'autre ; 

- Dans les Upanishad le purusha au-delà de l'atman, Ishvara est traductible comme la Personne Suprême dont les gouttes se déclinent au sein de la manifestation ; le purusha tout au fond de la grotte du cœur dans la Katha upanishad en est un engendrement, non une manifestation relative puisque la manifestation relative est l'œuvre de la Mère Divine ; la voie de la bhakti suppose en son extrême accomplissement une relation du Divin avec le Divin et jusqu'à présent elle a toujours été centrale en Inde.


Ici dans ces lignées spirituelles, l'Un n'empêche pas l'Autre, la grande non dualité serait peut-être de réaliser l'individuation innombrable de l'Un ! 

On ne peut se contenter de dire que toutes les spiritualités visent le même sommet. Si l'Un va à l'encontre de l'Autre, comment le dialogue qui vise un sommet commun sera-t-il possible ?

Ici ce n'est plus de la simple spéculation, c'est d'une éthique du dialogue dont il est question, non pas seulement pour s'entendre intellectuellement et comprendre le vocabulaire de l'autre ou être capable d'échanges vitaux malgré nos différends métaphysiques. Dialoguer avec autrui, c'est entrer en dialogue avec un visage de l'Autre de l'Un. C'est accepter que nous n'avons pas dans notre expérience de l'Un surmonter la friction de notre individualisation avec les autres. 

Entrer dans le dialogue sincère avec les autres, avec la Vie ne revient non pas à s'exiler de l'Un aperçu en Soi, mais c'est aller par delà les frictions de nos individualisation vers l'harmonie de l'individuation innombrable de l'Un qui se tient dans les ténèbres lumineuses du Soi.


"L'impersonnel et le personnel sont le même Être ; tel le lait et sa blancheur ; tel le diamant et son éclat.", nous suggère Ramakrishna. 


La descente dans le cœur de la lumière du Soi à travers une éthique du dialogue, une obligation de conscience dans la relation (la voie sur laquelle Yvan Amar s'est illustré) facilite la prise de conscience de l'individuation du Divin qui se cache au tréfond de la grotte du cœur. Mais si cet éveil d'un Soi avec une âme clarifie l'éveil du Soi, il ne résoud pas entièrement le problème de la bifurcation spirituelle vers le nihilisme ou non. Certains disciples de Socrate et de Platon ont à la fois une telle conception de l'âme comme individuation du Divin et en même temps dévalorise la vie matérielle.

Cependant si vraiment l'individuation du Divin émergeait en croissant par son influence sur notre existence mentale et vitale n'aurait-elle pas une idée du but du jeu que le Divin joue avec lui-même ? 

Si nous percevons que cette individuation du Divin grandit à l'aide de forces intérieures qui mettent en jeu aussi une influence grandissante sur notre existence physique, contre tout nihilisme spirituel, nous pourrions  affirmer :

"Le but n'est pas de s'anéantir dans la Conscience Divine. Le but est laisser cette Conscience pénétrer la matière et la transformer", Mère, Mirra Alfassa de l'ashram de Sri Aurobindo.





jeudi 29 février 2024

En vue de ne pas confondre l'Eveil du Soi et un accomplissement définitif - Épisode 2/4 - Les dimensions inconscientes et les illusions de la conscience éveillée.


Haruyo Morita née en 1945 à Saitama, Japon


Ce qu'autrui reconnaît comme ma personne est à la lumière du Soi, une manifestation instantanée dans ce qui est vécu ici comme une Présence consciente atemporelle et impersonnelle embrassant tout ce qui apparait. 


Ceci constaté tout est-il réglé ?


Un certain néo-advaita affirme que la présence consciente du Soi étant réalisé, tout est parfait, il n'y a rien à faire. 

Eveil du Soi et réalisation de Soi sont confondus par ce néo-advaita.

Premièrement, pour certains, il y a va-et-vient entre une conscience du Soi et une conscience égocentrique où la présence du Soi est éclipsée. Pour de telles personnes, le constat précédent que ma personne est une manifestation du Soi peut être fait, mais il est évident que quelque chose manque de clarté pour que soudain l'ego séparé seul subsiste éclipsant le Soi. De telles expériences invitent à modérer l'identification de l'éveil du Soi et de sa réalisation.

Ce type de néo-advaita soulignera que cet ego éclipse le Soi tant qu'il prolonge l'identification à un chercheur. C'est l'effort spirituel qui provoquerait ce va-et-vient.

Ce néo-advaita va dès lors dénoncer toute approche spirituelle qui consiste à dire que l'Eveil du Soi ne signifie nullement l'abolition de l'ego à sa périphérie et qu'un effort reste requis tant qu'il y a ego en périphérie du Soi. 

Ce néo-advaita va proclamer que si la conscience de notre vraie nature est réalisée dans son impersonnalité alors il n'y a plus d'ego. Soit il y a le Soi, soit il y a l'ego. 

Comment oser dire, comme Douglas Harding, qu'il y a le Grand au centre (le Soi) et le petit (notre ego) à la périphérie prêt à reprendre sa place au centre ? 

Comment oser distinguer comme Yvan Amar, à la suite de son maître Chandra Swami, l'éveil du Soi et sa réalisation voire divers niveaux de réalisations

J'aimerais ici insister sur des indices qui montrent que l'éveil du Soi n'est pas la fin de l'ego : troubles émotionnels, désirs et pulsions relatives à une personne demeurent. Tant qu'il y a du désir et des pulsions, il y a de l'ego au moins périphérique, il y a un vécu séparé où il y a sujet et objet. Il reste une dualité relative au sein d'un vécu non duel du Soi.

Là-dessus, le néo-advaita n'est pas clair. Il affirme qu'il n'y a plus d'ego quand il laisse libre le cours des désirs et des pulsions.

L'éveil au Soi, même momentané car aussitôt de nouveau éclipsé, montre l'usurpation de l'ego qui s'illusionne centre de la conscience. Si en l'ego, il y a une collaboration qui se développe, un disciple se forme, la lumière du Soi œuvrera en complicité avec ce disciple du Soi. Un processus amènera l'individu à faire face à tous ses autres aspects qui refusent la lumière où ils finiront dissouts, refondus, à ses aspects qui la craignent pour de mauvaises raisons, etc.

Bien entendu, quand la lumière spirituelle du Soi brille consciemment, la personne n'occupe plus illusoirement le centre de la conscience. L'essence de la présence consciente, notre vraie nature est cette lumière spirituelle que nous sommes. Et quand celle-ci brille intensément, notre vraie nature imprégnant tout à l'évidence, comment distinguer de notre Soi une quelconque trace d'ego encore séparé ? comment distinguer notre personne de l'impersonnalité du Soi ?

Mais une proclamation d'une réalisation du Soi à partir d'une expérience et non d'un état n'est pas sincère et dit bien un manque de soumission d'un restant d'ego au Soi. Le disciple du Soi en la personne est irrémédiablement devenu un ego spirituel discret mais luciférien, son accès à la lumière du Soi est indéniable mais sa capacité à agir dans l'ombre de cette lumière l'est aussi !

L'éveil du Soi est un pas, mais plus de cœur et d'intelligence pour le monde et son Devenir est entrer davantage dans la lumière. 

L'amour pur et vrai ne comporte et ne s'accompagne d'aucune forme de désir centré sur nos intérêts personnels. La dévotion ou Bhakti en sanscrit est rendue possible par la coexistence du Soi éveillé avec un ego bhakta qui demeure en sa périphérie, mais cherche à s'y fondre par amour et désir mêlés. Le paradoxe est que l'accomplissement de son désir personnel d'amour le mènera vers la réalisation d'un amour pur et vrai, une saturation de Joie dans le cœur qu'il n'est pas possible de confondre avec des désirs appétits et des pulsions. L'accomplissement de la dévotion est précisément une purification de l'amour dévotionnel de tout désir appétit ou pulsion. Ici si l'union d'amour est réalisée, il n'y a plus d'ego spirituel possible sur cet aspect de notre personne où s'est réalisé cette union. Il y a réalisation que l'amour pur et vrai est une unité de substance entre individu et Divin au sein du Soi. L'amour pur et vrai ainsi réalisé au sein d'une relation d'un aspect de ce petit avec le Grand abolit par son vécu toute idée de différenciation de valeur entre individu et Soi, toute idée de différenciation de valeur entre personnalité et impersonnalité.

La dévotion même réalisée n'empêche pas que des désirs et pulsions d'agrégats d'ego demeurent non encore transmutés dans l'amour vrai et pur présent dans le centre du cœur. Si cette irruption de l'Amour divin dans la lumière du Soi se poursuit dans son activité transformatrice alors même les petits désirs que sont les pulsions peuvent commencer à se soumettre à la lumière du Soi. Il y a à côté d'un Soi vécu comme indifférence au devenir du monde, un chemin d'incarnation de la lumière du Soi comme lumière de l'Amour divin.

Le chemin de la prise de conscience du Soi surmontant l'illusion égocentrique est assez balisé et simple. Il est nécessaire. Mais l'aventure en aval de l'éveil du Soi ne semble pas avoir de fin car l'ego périphérique et l'inconscient de l'individu où il demeure est le terrain où se joue le Devenir du Soi.


Il y a là plusieurs chemins, les aventures sont singulières, les chemins ne sont même pas établis, plusieurs vocabulaires sont possibles. Ces cartes qui dessinent un territoire encore inexploré s'avèrent forcément subtiles et délicates pour quelqu'un qui n'a que quelques pressentiments de ce dont il pourrait s'agir. Toutefois si l'heure est venue, l'éveil du Soi servira en cet individu l'aspiration de l'amour pour qu'émerge l'individuation du Divin. Alors, face à ces cartes offertes par des pionniers de cette aventure spirituelle, il saura surmonter le défi de leurs subtilités, de la délicatesse d'interprétation due aux zones imprécisément cartographiées et elles commenceront à lui être utiles.

Par exemple, la Katha Upanishad donne un enseignement à Nachiketas qui selon Yama, la mort, manifeste consciemment le Soi (Katha 1.II.9) et aspire à la vérité aux mépris de tous les désirs mondains (Katha 1.II. 12-13). Le lecteur pressé citera les passages qui le confirment dans son néo-advaita. Mais devant l'idée qu'au fond de la grotte du cœur soit présent un feu sans fumée, un purusha individuel, pouvant grandir par la présence de la Mère Divine, etc. il passera son chemin. Les notions d'Isvahra au-delà de l'atman et de purusha qui comportent l'idée d'un absolu individuel et personnel seront même traduites à contresens.

Qui aujourd'hui parmi nos éveillés néo-advaïtas ouvre un passage dans ces subtilités du Soi en prenant vraiment au sérieux une telle carte laissée par les rishis des Upanishads ?

Et évidemment d'autres aventuriers qui partent de là et vont encore plus loin seront ainsi aussi banalisés ou méprisés par ces tenants du néo-advaita qui ont pu les rencontrer. Bien sûr, leur vécu du Soi leur inspire l'idée qu'ils sont ouverts et tolérants puisque tout est accueilli sans jugement ici et maintenant. Par ailleurs, eux, ont le sentiment de l'humilité de leur non-savoir et sont, il est vrai, reliés à des traditions multiséculaires éprouvées, contrairement à ces aventuriers parlant d'une nouvelle conscience et prétendant redessiner les cartes du territoire spirituel.






Ce n'est pas un problème : comprenne qui pourra. Seuls ceux qui y sont destinés, parce que c'est leur heure de Dieu, prendrons le chemin de l'aventure qui commence dans les territoires inconnus qui s'ouvrent à un individu où brille l'éveil du Soi.


Pour repérer ces territoires inconnus, revenons à notre observation initiale :

Ce qu'autrui reconnaît comme ma personne est à la lumière du Soi, une manifestation instantanée dans ce qui est vécu ici comme une Présence consciente atemporelle et impersonnelle embrassant tout ce qui apparait. 

Essayons d'observer, avec la qualité de lumière du Soi qui brille en nous, cet acte de Conscience à l'instant qui produit notre forme individuelle et ses désirs relatifs. 

L'autocréation de notre forme individuelle humaine n'est certes pas un hasard, elle n'est pas réductible à un pur produit d'indéterminations matérielles ! Mais soyons sincère, la présence consciente de la Conscience infinie dont il y a ici vécu semble être aussi en partie bien inconsciente ! L'autocréation est pressentie, mais elle est à l'œuvre dans les ténèbres lumineuses du Soi. Au niveau de notre subconscient humain physique, vital et mental, peut-on nier l'évidence de l'inéclairé. Si par le fait du Soi, ce que nous sommes est imbriqué et interdépendant avec le tout de l'univers, à l'évidence, il y a de l'inconscient concernant ces imbrications et interdépendances pourtant partiellement aperçues. 

A côté de notre subconscient et de notre inconscient cosmique, y a-t-il de l'Inconscient au sein de la Conscience infinie ? La présence consciente malgré son infinité serait intrinsèquement lié à une base d'Êtreté inconsciente ou, là encore, est-ce une supraconscience, l'Ishvara, le Suprême, qui ne peut se dévoiler en nous ? 

Face à la conscience infinie qui forme pourtant notre vraie nature, nous serions comme quelqu'un quittant une pièce très sombre dans une journée d'été, qui voit certes l'évidence ensoleillée, mais n'en reste pas moins aveuglé et enténébré parce qu'il n'est pas coutumier de cet excès de lumière. 

Alors cet inconscient de la Conscience infinie est-il ténèbres intrinsèques à celle-ci ou est-il le fruit de notre enténèbrement individuel et cosmique ? 

Cette question qui semble résulter d'un jeu intellectuel, qui semble oiseuse, superflue, met en jeu une carte lié à un territoire : elle pointe l'espace immense d'une aventure, d'un jeu de cache cache du Divin avec lui-même.


Quant à ce qui se passe ici, entourant l'individu que je suis, je dirais que la Conscience source est pressentie à la racine de cette individuation de manière bien plus claire que ne l'est le Devenir des autres et de ce monde. Cette inconscience affecte le mental, le vital et le physique de cette individualisation et limite le chemin d'individuation qui s'y produit. Certes il y a éveil du Soi avec une âme. Mais la parfaite soumission du mental, du vital et du physique n'étant pas réalisée, l'autocréation Divine de tout ce qui est reste dès lors pour la plus grande part inconsciente.

Ainsi quant à ce qui passe ici, le pressentiment d'être l'autocréation de la Conscience est loin d'en être la réalisation. Ici la Conscience d'être l'Un innombrable en Devenir n'est pas réalisé. 


L'auto-expérience de la Conscience au-delà de l'illusion d'une conscience égocentrique peut certainement s'approfondir dans une transformation de ses véhicules individuels car cette auto-expérience quand elle celle d'un Soi avec une âme est tempiternelle autant qu'atemporelle. 


"Petit doute, petit éveil ; grand doute, grand éveil. Pas de doute, pas d'éveil", sentence du bouddhisme T'chan. 


Haruyo Morita


mercredi 28 février 2024

En vue de ne pas confondre l'Eveil du Soi et un accomplissement définitif - Textes de Yvan Amar - Épisode 1/4

Yvan et Nadège Amar avec leur maître spirituel Chandra Swami

 ''Je m’apercevais que depuis des années je visais quelque chose qui se situait hors du monde, qui était transcendant du monde : ce qu’on appelle l’être ou le Soi, la réalité, quelque chose d’immuable que la peur ne peut atteindre. Je commençais à pressentir qu’en réalité je cherchais une « planque » ultime, et que tous les enseignements que j’avais reçus ne l’avaient été que dans la mesure où ils cautionnaient la peur que j’avais du monde et justifiaient cet élan vers une réalisation, une expérience ultime. Je cherchais constamment " au-delà " : au-delà du corps, au-delà des émotions, au-delà de la pensée, au-delà du changement, au-delà de la dualité. De fait, cet au-delà était toujours une façon de ne pas m’engager dans ce qui était la.

Ainsi, a un moment donné, j’ai vu le mensonge, et j’ai vu que, viscéralement, cela ne me correspondait pas, que je ne pouvais pas continuer à vivre dans une telle histoire. J’avais en outre l’intuition, et ce depuis des années, qu’il existait pour chacun une façon d’agir dans le monde qui lui correspondait en propre ; si je cherchais à savoir ce que j’avais à faire et si je faisais ce qui m’était juste, je devais logiquement me trouver dans l’axe de l’être, tout simplement. C’est alors que j’ai réalisé qu’il pouvait y avoir deux voies, que la réalisation, l’éveil, l’illumination n’étaient pas seulement de l’ordre de la transcendance, hors du monde.
J’avais vécu sous l’emprise d’un malentendu, ce qu’on pourrait appeler " le privilège exclusif de la transcendance". Comme si la transcendance avait le privilège exclusif du réel et qu’en fait, au sein du monde, il n’y avait d’autre possibilité que de vivre d’abord le réel transcendant, pour revenir ensuite dans le monde. Au fond de moi, j’avais le sentiment qu‘il devait exister une voie au sein du monde : une voie de l’immanence où il était possible de vivre le réel. A cet instant, j’ai senti que je prenais un risque : le risque de quitter le chemin de la transcendance.(...)
Et j’ai pris le risque de la vie, le risque de ne plus chercher au-delà. Cela c’est passé en trois jours...j’ai senti la vie. Je suis allé vers ce qui était là et j’ai senti la vie qui entrait en moi. J’ai senti que cette vie m’aimait, comme j’étais, tel que j’étais. C’était comme si elle m’attendait. J’ai alors compris pourquoi les grands mystiques parlent de la Mère Divine: parce que ce sentiment d’amour de la vie envers nous, on l’éprouve dans l’amour absolu d’une mère ; on est dans les bras de la Mère Divine. Aucune vision, aucune hallucination, c’était quelque chose de très simple, de concret et d’immédiat, qui me prenait à l’intérieur et que je reconnaissais.
Je sentais que cette vie m’aimait. Au fur et à mesure que c’était ressenti, éprouvé, montait en moi une confiance impérieuse. Autant je me sentais auparavant en conflit, séparé, avec une peur constante, autant j‘éprouvais alors une confiance absolue dans ce qui était, dans la vie. Ce qui est apparu immédiatement, c’est que cette confiance était ma nature : à la fois cette confiance et son objet. Cela n’a fait que grandir pendant ces trois jours, jusqu’au moment où s’imposa une confiance absolue dans tout ce qui était sans que ce soit un objet. Alors tout disparut : La Mère Divine, Yvan Amar... Il n’y avait que Cela : une réalité absolue où n’existaient plus ni division ni conflits, où seule existait l’évidence l‘être. Tout ce dont j’avais entendu parler, c’était l’évidence, c’était ce que j‘étais.
Indubitablement, ce dont avait parlé Ramakrishna, mon maitre, les grands textes que j’avais lus, c’était cela. J’avais toujours été Cela et tout était Cela. « Tout en vérité est Brahman. « « Tout en vérité est le Réel. « C’était l’évidence, chaque être était Cela. Dire « je suis Cela « ou « tu es Cela » ne faisait aucune différence.
La grande surprise de cet éveil, c’est que Cela était précisément ce que j’avais essayé de dépasser pour le réaliser ailleurs, dans l‘immuable, dans le transcendant. J‘avais soudain la révélation que cette vie qui s’écoulait d’instant en instant, ce changement permanent, ce grand processus, c’était cela le Réel, et que la peur que j’en avais m’avait fait rechercher une réalité immuable au-delà du changement. Ce changement était la réalité, et être la réalité c’était être ce changement, sans décalage. C’était être un avec le mouvement de la vie. Pendant des années, j’avais cherché une connaissance immuable qui abolirait toute ignorance, sans pour autant entrer dans aucune connaissance.
La mouvance est par nature mystère et être la mouvance de vie, c’était être le mystère. La question n’était donc pas d’être le mystère où d’un seul coup quelque chose était connu, mais de connaitre le mystère parce qu’on est le mystère. Quand on m’a demandé, à l’époque, si je pouvais dire à quoi correspondait cet éveil, cette illumination, j’ai dit : " C’est tout simple, je suis passé d’une incompréhension triste à une incompréhension joyeuse" . De fait s’était complètement effacé de moi l’idée d’une connaissance acquise, et cette ignorance, cette incompréhension joyeuse, apparaissait bien plus intelligente que tous les savoirs que j’avais pu accumuler.''
YVAN AMAR

Yvan Amar




"On ne reproduit jamais un éveil ; on ne fait que collaborer étroitement au processus éveillant qui s’est mis en route. Dans la mesure où l’on y collabore de façon profonde, sincère, intelligente, on devient de plus en plus conducteur de ce processus, et on l’incarne de plus en plus. (...)
Il faut reconnaitre que la lumière, l’intelligence de l’éveil n’éclairent en fait que les lieux dont on a ouvert les portes en nous. Ensuite tout le travail consiste à coopérer avec cette dynamique de l’éveil, à ouvrir une à une les portes de toutes les zones obscures pour y faire s’engouffrer la lumière de l’éveil, la lumière de cette intelligence que l’on conserve en soi. Elle est vivante en moi. Au cœur de mon être, je me sais éveillé, je me sais libre, indéniablement. Pourtant, je sais que ce n’est pas suffisant, que je ne suis pas ce qu’en Inde on appelle un « réalisé », c’est a dire un homme définitivement établi dans l’éveil, et qu’il reste encore bien des domaines de ma conscience qui doivent être investis de cette qualité, visités par cette intelligence.
Il m‘est alors apparu évident que ce qui était au cœur de la voie du monde, dans la vie quotidienne, c‘était la relation, et que la pratique consistait à faire de cette relation un travail constant. C’est ce que j’ai appelé la pratique de la « relation consciente ». (...)
Je me suis rendu compte à quel point l’enseignement qui mettait en avant l’éveil comme le but ultime avait tendance a individualiser la démarche et à renforcer l’égoïsme de chacun. Dans mon enseignement, j’ai voulu au contraire que les personnes entrent en relation les unes avec les autres, qu’elles oublient un objectif personnel d’éveil, de libération, et reconnaissent qu’on ne peut grandir qu’ensemble, en prenant le risque de l’autre, en entrant en relation profonde avec l‘autre dans la mesure où celui-ci est l‘occasion d’aller voir ce qu’on n’est pas capable de voir tout seul. (...)
ll se passe quelque chose a partir du moment où l’on n’est plus obsédé par l’éveil et où l’on entre vraiment en relation avec ce qui est. C’est d’ailleurs là que j’ai compris la vraie signification du mot satsang, qui tient une grande place en Inde cela ne se limite pas à la fréquentation du guru, mais c’est élargir le guru à tout ce qui est et fréquenter le réel en tout et partout. Le grand enseignement, le vrai satsang, consiste à vivre en relation consciente avec tout ce qui est ; c’est l’occasion d’un grandir qui, par nature, est de la nature de l’éveil.
En sanskrit, Brahman signifie « grandir », « croître «. Cette dynamique, du fait qu’elle devient prioritaire, nous libère de l’objectif de l’éveil ; on prend peu a peu conscience de la nature réelle du grandir et on se rend compte que cette nature est la réalité. Quand le Christ dit : "Je suis le chemin, la vie, la vérité ", il ne dit pas " Je suis le bout du chemin ", mais " je suis le chemin ". C’est quand on entre dans un grandir constant, qu’on ne cherche plus à atteindre une destination finale, un but, qu’on l’appelle « éveil » ou autrement, que le grandir devient lui-même la conscience vivante dans laquelle tout est inclus. Saint Jean de la Croix disait : « Celui qui s’arrête en quelque chose cesse de se jeter dans le tout. » "
Yvan Amar





Dans la relation d'accompagnement : Il n'est pas question d'aider l'autre ! C'est peut-être la notion d'aide qui est à revoir. Aider ... La première fois que j'ai utilisé ce mot avec Chandra Swami - j'avais dix neuf ans , il m'a dit : «Pas aider, servir». C'est très différent. Servir, c'est reconnaître que l'autre est en train de grandir là où il est, et c'est le servir là où il se trouve. Et c'est nous obliger, nous, à une écoute de ce dont il a besoin, là où il est maintenant, sans jamais lui imposer ce que nous avons reconnu pour nous-mêmes. Ce qui est une preuve de générosité, de tolérance, sinon d'amour, c'est de ne pas imposer à l'autre ce qui n'est pas encore sa reconnaissance à lui.
Yvan Amar, La pensée comme voie d'éveil


Texte de Yvan Amar



L'intégration de l'éveil
Comment reconnaître un authentique instructeur d'un faux ?
Comment, dans la quête spirituelle, ne pas se faire posséder par les charlatans, à quelque confession qu'ils appartiennent?
Chez celui qui enseigne ou possède un charisme, il existe un double processus. L'un de séduction, l'autre de conduction.
L'homme ou la femme inspiré par le divin et doté de charisme est porté à témoigner et à partager son vécu profond. L'expression verbale et corporelle permet de mesurer le niveau d'intégration de ce vécu et de se poser la question: "Subsiste-t-il encore un processus de séduction ? "
Même si son authenticité originelle ne peut être mise en doute, et quelle que soit la conscience qu'il met dans la relation, l'instructeur sent à un moment donné qu'il est en train de mettre la jolie fille sur le capot de la Rolls- qu'il use de séduction - alors que la relation se suffit à elle-
même.
Celui qui est libre n'est plus habité par l'image de lui-même.
Il n'a plus besoin de reconnaissance et encore moins d'entrer en relation avec l'autre pour abolir un sentiment de solitude.
Il est conducteur de la Réalité et témoigne, en se mettant à la hauteur de la personne qu'il a en face de lui.
Cet échange est facilité si celui qui trans-
met fonde sa pédagogie sur la compassion et la purification profonde de sa structure émotionnelle.
On est d'autant plus pédagogue que l'on est compatissant, car on se situe alors au niveau de la souffrance de l'autre.
Là réside la grande différence entre celui qui cherche à séduire et celui qui enchante par la magie opératoire du Verbe vivant, en conduisant la personne à ressentir cette transparence au fond d'elle-même.
Témoin et conducteur du Réel, l'instructeur donne plus qu'une simple présence; il transmet, par la structure même de sa présence, les outils de transformation qui vont accomplir l'enchantement chez celui à qui il s'adresse.
L'instruit, ayant reconnu ces outils, les adopte et se consacre au travail de transformation, que le maître ne peut évidemment faire à sa place.
En agissant de la sorte, l'instructeur spirituel révèle le degré d'intégration de l'éveil auquel il est parvenu.
Si la part de séduction a disparu, c'est propre, net, seule demeure la conduction.
Yvan Amar, L'effort et la grâce


Gilles Farcet, photo prise à Mangalam, Québec, mai 2023



Gilles Farcet cite Yvan Amar :

A toutes et tous qui avez eu la délicate attention de me souhaiter cet anniversaire , à mi chemin dans les « sixties », en route vers les « seventies » ….
Cette citation de mon très cher ami Yvan Amar qui résume parfaitement mon état d’esprit aujourd’hui :
« C’est quand on entre dans un grandir constant, qu’on ne cherche plus à atteindre une destination finale, un but, qu’on l’appelle « éveil » ou autrement, que le grandir devient lui-même la conscience vivante dans laquelle tout est inclus. Saint Jean de la Croix disait : « Celui qui s’arrête en quelque chose cesse de se jeter dans le tout. »
Ce que je me souhaite donc, c’est simplement de ne m’arrêter en rien et de continuer à me jeter bras ouverts dans le tout.
En gratitude indicible pour tout ce qui m’a été donné (y compris sous la forme de ce qui m’a été « pris »). Et dans la curiosité attentive de ce qui va suivre.



lundi 12 février 2024

Deux méthodes pour arriver à la Réalisation par Niranjan Guha Roy

 

RETOUR AUX SOURCES -Tableau de Niranjan Guha Roy


Deux méthodes pour arriver à la Réalisation


Toute la signification de l’effort spirituel est de devenir conscient de la Présence, de l’Existence Suprême. Au cours des âges il y a eu différentes méthodes pour arriver à cette réalisation. En Inde il y a deux systèmes très puissants.


L’un est le chemin élimination “Neti-Neti” “ pas cela, pas cela” On regarde la matière avec un mental tranquille, puis on perçoit que cette matière n’est pas la substance finale qu’elle dépend pour son existence d’une substance plus subtile. On perçoit alors le vital, l’énergie de vie comme le principe dominant , universel dans son aspect, plus libre, plus subtil et plastique, plus une énergie en action. Comme notre perception de cette énergie en action s’approfondit, on devient conscient qu’elle n’est pas la substance ultime, qu’il y a une énergie plus grande, plus raffinée, moins limitée dans son action, avec une plus grande liberté de mouvement, cette énergie est l’énergie mentale. Comme nous examinons cette substance mentale, on va se rendre compte clairement de sa nature créative. On sentira le mental comme la source d’où provient la création. Au fur et à mesure que notre   perception  de la substance mentale va s’approfondir, devenir plus claire, notre mental lui même va devenir plus paisible, tranquille, serein et quand les activités d’un mental ordinaire cesseront et que notre mental deviendra pratiquement silencieux, on va commencer à sentir la présence de la conscience spirituelle, une force, une félicité, une existence infinie, éternelle, à jamais libre, indépendante de toute manifestation, ne dépendant de rien d’autre pour son existence mais qui est la substance, l’énergie, la vie de toute manifestation, ne nécessitant rien d’autre pour sa félicité d’existence ; peu à peu, le mental, la vie, la matière vont sembler être les propres formulations temporaires, progressives de l’Esprit dans l’existence. En rejetant et éliminant tous les noms et formes de la matière, de la vie et du mental, nous émergeons dans la vérité de la réalité spirituelle, dans l’Être suprême. On est sorti de l’ignorance dans la réalité spirituelle de notre être, du plus bas hémisphère dans le plus haut lumineux hémisphère. Par une méditation constante, rejet et élimination, on peut devenir conscient de l’Esprit.


L’autre procédé est connu comme” Iti-Iti ” ” C’est cela, c’est cela”. Ce procédé est accessible à une très vaste catégorie de mental. On regarde les noms, les formes et on dit  “Cela est la Réalité”. Ça n’a jamais existé avant, ça existe comme voulu par la Réalité Suprême, ça restera en existence autant que le voudra  la félicité  du Suprême. Toutes formes de la matière sont cette Réalité. Tous les mouvements sont l’expression d’un seul Esprit. Toutes les pensées sont les pensées de l’Éternel. Dans ce procédé, nous reconnaissons  la Présence de l’Être Éternel. Avec foi, reconnaissons Sa Présence. Il n’y a pas d’obscurité, tout est une manifestation de l’Esprit . Le Suprême a pris ces milliards de formes pour la félicité d’expérimenter l’existence dans ces formes. Toutes les expériences sont ses propres expériences. Il n’y a rien d’autre que l’Esprit. Cette approche est la discipline la plus libératrice du yoga. Nous sommes alors dans la vision et la présence de l’Être Suprême dans chaque nom, forme, mouvement. Nous sommes entourés par l’Éternel, Nous voyons le Divin, entendons le Divin, touchons le Divin, sentons le Divin, mangeons, buvons le Divin, rencontrons le Divin dans la lutte, la colère, la violence, l’amour, l’adoration dans chaque contact. C’est le procédé le plus radical du yoga. Nous sommes réalisés quand nous disons simplement, sincèrement "Tout ceci est en vérité la suprême Réalité". Notre mental a alors subi la plus merveilleuse transformation et est devenu un mental lumineux. Le Divin pourra alors agir à travers nous. Nous vivrons en Lui, par Lui, pour Lui. Ceci sera la début de la plus merveilleuse ascension vers une transformation de plus en plus grande.


Niranjan Guha Roy


Œuvre d'Amita et Niranjan Guha Roy