mercredi 17 juin 2020

LA DECOUVERTE DE L'AME SELON NIRANJAN GUHA ROY

Quand nous découvrons l'âme,
Transparence de Niranjan Guha Roy


Le texte lu :

Quand nous découvrons l’âme, il y a un renversement complet de notre conscience normale, qui voit seulement l’univers matériel et l’existence matérielle. Au lieu de cela, nous prenons conscience d’une Réalité spirituelle, qui est concrète, réelle et infiniment plus convaincante que la matière ne pourra jamais l’être. La Maya, le voile de l’ignorance est pour toujours enlevé de notre vision et de notre conscience limitée. Nous voyons partout, en tout une existence indivisible, une conscience indivisible, un Être divin, l’Éternel. Tout est Lui et il n’y a rien d’autre – Vasudeva Servam

Il est  la Substance, la Conscience, l’Être, nous aussi et chacun de nous. Il est devenu l’énergie principale qui apparaît dans de petites ampoules électriques. Il ne vit pas dans l’illusion d’une existence séparée. Cet œil est aussi l’œil de tous partout  identique. Toute l’éternité, le passé, le futur et présent, à chaque point, dans chaque atome de cet univers est pour toujours présente. La disparition de l’univers matériel ne fait pas la moindre différence dans l’existence de cette Réalité divine éternelle. Comment puis-je mourir désormais ?  Comment pourrait on mourir ? Comment la douleur dans la séparation pourrait elle exister?  Personne ne peut jamais mourir. À chaque point, il y a l’infini d’existence, cet Etre qui prend des millions de formes et, derrière tous les masques dans l’existence, on découvre la même Personne infinie mystique, le Seigneur, la Mère, l’Eternel et l’ Âme d’amour sans nom, sans forme. 

Les mots ne peuvent pas décrire l’intensité et la vérité de cette libération, pour la simple raison  que cette expérience n’est pas accessible à l’intellect humain.

Puisque le Divin est partout, presque chacun de nous a eu un jour, à un moment, un très petit aperçu ou une pâle reflet de cette réalité extraordinaire. Mais, en général,  l’homme moyen recule et refuse cette vision, incapable qu’il est de supporter son appel et sa pression, incapable de comprendre sa signification, incapable de lui donner sa vraie valeur. Pourtant, c’est le destin de chacun de découvrir un jour la réalité divine, l’esprit immortel qui est sa vraie existence. Le poète,  le penseur impersonnel  et vaste dans l’homme est souvent admis dans cette splendeur de l’Esprit. Cette foi profondément enfouie dans le cœur de l’homme en une existence immortelle est son appel de l’âme ; c'est en même temps le pouvoir, le guide et la révélation suprême. Cette conscience d’immortalité est si étrangère à notre conscience normale, à notre nature humaine que, même quand on est en contact avec cette vraie conscience, la vieille nature continue à avoir une action dominante sur notre être. Ceci jusqu’au moment où  la nature entière est pénétrée de la substance de cette nouvelle conscience, saturée à un tel point que toutes ses fonctions sont radicalement transformées. Alors il n’y a plus de compréhension possible entre la conscience humaine limitée basée sur l’ego, la séparation et la division et la conscience divine basée sur l’unité absolue, sur l’unité de l’être.

Pour donner une idée de la différence dans la conscience entre l’homme et l’être divin – Dans la conscience divine tout appartient au Divin. On est entièrement satisfait des conditions ou des biens matériels donnés par le Divin. Il n’y a aucun sens de possession, il n’y a aucune lutte pour la possession, il n’y a aucune lutte pour le pouvoir, tout est fait et mu  par la conscience divine, tout est à chaque instant en harmonie parfaite avec tout. Extérieurement qu’on soit haut ou bas, riche ou pauvre, au milieu d’un banquet ou d’une bataille n’a aucune importance. On est mu seulement par la volonté divine et dans la conscience, il n’y a aucune barrière, il n’y a personne qui soit près ou loin car tous et tout sont Lui, le Moi divin. Intérieurement il est inébranlable et calme, et suit le plan divin de la manifestation éternelle dans le temps. L’homme divin n’a aucune famille, aucun pays, aucune race, aucune nationalité – Il appartient au Divin comme tout le reste ou tous les autres appartiennent au Divin. Il n’a rien à réaliser personnellement – Son seul travail est de manifester l’amour divin, la beauté, l’harmonie, la paix et le pouvoir de la conscience divine. C’est un contraste extrême avec l’homme et son existence – il n’est pas utile de dépeindre la nature humaine, nous la connaissons trop bien.  Mais, dans les meilleurs des hommes, nous trouvons toujours une aspiration vers le Divin, l’amour, la vérité, la beauté – Satyam Sivam Sundaram : la Vérité, la Bonté suprême et la Beauté suprême.

Les deux mondes doivent donc se séparer. Mais le monde divin ne peut pas exclure le reste de la création, c’est lui qui délivrera graduellement ce monde d’obscurité de la souffrance et la limitation. L’homme aime son individualité, sa petite vie et l’existence  basée sur l’ego. Il en résulte ainsi ce qui apparaît comme une bataille entre le monde humain et le monde divin. L’histoire est pleine de milliers d’exemples où les messagers qui sont venus pour délivrer  leurs frères et sœurs de l’ignorance et la souffrance ont été moqués, persécutés, torturés, très souvent tués  et sacrifiés par les hommes. L’histoire n’a pas beaucoup changé, mais la Mère et  Sri Aurobindo ont amené sur cette terre le pouvoir suprême de vérité. Cette fois ci l’évolution sera victorieuse. Ce pouvoir est le pouvoir de l’esprit invincible, la puissance de Kali, de Maha Shakti. Ceux qui deviennent des canaux pour la manifestation de cette nouvelle conscience jouiront de la protection divine et graduellement une nouvelle race divine apparaîtra et le monde souffrant de l’homme sera aussi délivré.

Niranjan Guha Roy

On trouvera cet article et d'autres ici :

vendredi 5 juin 2020

LE TRAVAIL ARTISTIQUE ÉCLAIRE L'INDIVIDUATION SPIRITUELLE, C'EST-A-DIRE LA CROISSANCE DE L'ÂME.


L'art est une bonne métaphore de ce qui nous rapproche de notre véritable individualité ou la fait émerger. S'unifier vraiment, c'est trouver et faire émerger l'harmonie qui unit nos personnalités mentales, nos traits émotionnels, nos élans vitaux, etc. Cette harmonie pour être vraie, authentique doit s'unifier autour de notre élan créateur individuel. 

Comme le dit Nietzsche, faire de soi une œuvre d'art, c'est devenir soi. Le spectateur-artiste qui se nourrit de beautés et d'expériences pour nourrir sa création inspire la démarche qui consiste à devenir soi. Pris en ce sens, le spectateur-artiste en nous devient soi en se découvrant dans l’œuvre qu'il produit. Il saisit dans son travail créateur ce qui l'éclaire dans le devenir de sa propre singularité. 

Mais, là encore, il faut apprendre à distinguer l'individualisation sociale (par laquelle on s'insère et on s'adapte socialement) et notre individuation authentique par laquelle on fait émerger ce que certains appellent leur âme. L'artiste peut être pris plus qu'il ne le croit dans les attentes d'un public et donc dans l'individualisation, quitte à renoncer à davantage développer son style singulier.

Pour échapper aux pièges de l'individualisation qui gênent une plus grande individuation de notre production créatrice, il faut modérer ou vaincre certains désirs de notre ego. Un artiste en priorité doit vaincre son désir de reconnaissance. Parfois ce renoncement est difficile quand on n'a pas le ressenti de sa qualité d'inspiration. Mais plus on développera ce ressenti intérieur, plus il sera facile de dépasser ce qui nous conduit vers des facilités pour attirer l'attention et satisfaire quelque part le goût d'un public.

Dans une optique artistique, l'élan d'individuation est l'élaboration de notre style propre pour parvenir à la plus grande perfection possible en terme de production et de travail.

Dans une démarche intérieure où le Devenir est une dimension de l'absolu, de la vie universelle, du divin,  cet élan d'individuation est, en nous, au cœur du cœur une individuation spirituelle, notre âme en croissance. Dans cette approche, l'ego et les désirs s'effacent ainsi au profit d'une action désintéressée de la vie s'individuant en nous. 

En Inde, cette pratique spirituelle est un karma yoga, un yoga de l'action. Dans la Bhagavad Gita, le problème est bien de savoir comment agir quand les règles usuelles de l'action ne disent plus ce qui doit être fait. L'art moderne et l'homme moderne sont dans une telle situation dans laquelle l'ordre du monde, ou la raison morale, ne nous disent plus ce qui doit être fait et surtout ce que nous devons être individuellement. 

Alors nous sommes le plus nous-même, quand notre individualité se vit sans aucune séparation avec le tout de l'univers, les autres et le mouvement évolutif global de la vie.  





mercredi 3 juin 2020

VIVRE CELA - SPIRITUALITÉS A TENDANCES PLATONICIENNES VS SPIRITUALITÉS PARMÉNIDIENNES



Ce texte doit beaucoup au travail de Santiago Espinosa sur Parménide.

Si Cela est ce qu'il y a, tout ce que je peux dire s'éloigne du vécu perceptif de l'Il y a.

Quand Parménide dit en grec translittéré :

To gar auto noein estin te kai einai

Les traductions de Parménide associe l'Être et la pensée :

Être et penser ne sont qu'une même chose.

Mais le terme "pensée" n'est peut-être pas à comprendre comme représentation, pensée analytique. Alina Reyes le précise dans sa tentative de traduction du Poème de Parménide : 

"Noein signifie penser, mais plus précisément se mettre dans l’esprit, percevoir (avec une continuité sémantique temporelle : percevoir, comprendre, projeter, faisant signe d’un processus – Parménide n’est pas le penseur de la fixité que l’on dit, même s’il voulait l’être la langue grecque le lui éviterait)"

Dès lors on pourrait traduire :

L'il y a et le processus perceptif 

ne sont qu'une même chose. 

Platon construit une ascension vers la source de ce qui est au-delà des idées et du sensible. Si on prend au sérieux que l'absolu est le réel, tout ce qu'il y a ici et maintenant l'est. Il y a un débat possible entre une spiritualité platonicienne où l'absolu se perd dans le relatif et une spiritualité parménidienne où il n'y a que Cela.

Dans les spiritualités platoniciennes l'absolu se perd. En un sens, on est proche de l'advaita qui affirme l'illusion des apparences pour seulement s'absorber dans la lumière du Soi en deçà des apparences qui se manifestent. 

On peut dire de ces spiritualités qu'elles sont non dualistes, puisque tout ce qui est est, selon elles, une émanation de l'absolu. Mais dans l'émanation, il y a une perte de vue de l'absolu, une auto-illusion qui s'immisce. Dans ces spiritualités, l'absolu se perd. Il y a un moindre être. La lumière de l'être s'évanouit dans une obscurité. Il y a un moindre être que certains à partir de Plotin vont associer à une absence d'être, un néant. On affirmera que le divin crée ex nihilo. Toute créature est néant devant l'Être divin, diront les monothéistes qui prolongent ces spiritualités où quelque part l'absolu se perd...

Dans les spiritualités à résonance platonicienne, nous mortels, nous nous tournons vers ce qui se perd dans l'émanation. Nous sommes doublement matérialistes : matérialiste au sens où nous nous focalisons sur ce qui apparaît à nos sens au dépend des réalités de l'esprit et aussi matérialistes au sens où nous voulons accumuler de l'avoir. Dans ces spiritualités, il y a une conversion pour nous tourner vers le spirituel et nous détourner de la seule attention à l’émanation relative matérielle.

Ce que nous inspire Parménide ici, c'est que tout est Cela, au même titre. Tout ce qui apparaît est manifestation de l'Il y a ; non pas même manifestation, mais surgissement de l'Il y a. La matière est Cela comme l'est l'esprit et, d'ailleurs, ce sont des variations du même Être. Dans cette relecture parménidienne de la spiritualité, nous devons autant être attentif à la dimension matérielle de Cela qu'à sa dimension immatérielle.

Dans une optique parménidienne, l'erreur n'est pas de se perdre dans le matérialisme, de vivre dans les seuls aléas du relatif tournant le dos à la lumière de l'absolu. L'erreur est une illusion narrative, culturelle. C'est un dire qui se prend au sérieux illusoirement : il fait de lui un sujet et fait de ce qu'il désigne un objet. La perte de vue de Cela est due au monde des opinions, des représentations partielles d'un ensemble de phénomènes. Le dire, les mots sont mis avant la conscience de Cela qui est pourtant première. C'est notre conscience mentale qui découpe Cela en plus ou moins. Et toutes les spiritualités qui affirment échapper au mental ne peuvent s'empêcher de perpétuer un subtil découpage : on découpe, selon un plus et un moins, liberté et déterminisme, personnel et impersonnel, esprit et matière, individuel et universel, immanent et transcendant, etc.


Vivre la conscience de Cela serait simplement avoir conscience de notre réalité. Où est le problème alors ? 
En fait, nos représentations, nos techniques, nos opinions nous ont habitué à vivre dans des sélections de phénomènes. Certains phénomènes sont imperceptibles alors qu'ils sont bien là. Ils peuvent avoir été vus, perçus et ils ne le sont plus la plupart du temps. Certains aspects des phénomènes sont négligés, alors qu'ils forment la substance de leur émergence. 

A la différence de Parménide, je dirai qu'il y a de l'inconscient même si nous percevons Cela. La perception claire de Cela est trop peu distincte. Toutefois découvrant un inconscient, il y a de nouveau le risque de remettre de la dualité en Cela. Platon découvre une surconscience de Cela, mais il induit que la matière est un évanouissement de conscience de Cela. Nous contestons cette réinstallation de la dualité en Cela au nom d'un néant ou d'un autre que l'être. Pour nous, avec ces ré-instaurations, il n'y a pas la conscience (perceptive) pleine et entière de Cela.

La vie pleinement vécue inclut tout le réel, tandis que nos représentations, nos opinions, nos croyances nous amputent du réel. Là où ces mouvements cessent, ce sont les ténèbres lumineuses de Cela et non un autre que l'être, un néant.

Quand nous avons une nostalgie spirituelle, elle nous amène souvent à des représentations proches de celles des platoniciens. Il y a de l'absolu et du relatif ; du divin immuable et du relatif impermanent, etc. Le devenir est jugé inférieur à l'Etre. 

Dans des spiritualités prenant au sérieux l'inflexion parménidienne, Cela est Etre et Devenir, indissociablement. 

Les phénomènes ont tous leur racine dans un acte pur, un mouvement d'émergence dont la présence ne prend pas de temps. Tout mouvement qui prend du temps prend sa source dans le mouvement sans temps. Chaque moment du temps est en suspension comme la flèche de Zénon dans l'Etre immuable. 



Et ces moments en suspension s'interpénètrent dans une durée unique. En la percevant, il y a la perception d'un mouvement parfaitement inscrit dans la perception de l'immuabilité de l'Être. 

Lavelle et, peut-être à un moindre degré, Bergson sont des héritiers de Parménide. Bergson estime que le néant n'a pas de sens. Lui comme Lavelle ne cessent de pointer l'unité de l'Être et du Devenir... Lavelle, en plus, affirme l'unité en nous de la temporalisation de l'éternité et de notre essence éternelle.


Il n'y a pas des phénomènes "objet" et des phénomènes "sujet" hormis en s'illusionnant, en faisant des fictions des certitudes qui nous détournent de l'Il y a. Tous les phénomènes ont la même dignité d'être.

La liberté et le déterminisme ne font qu'un quand l'il y a d'une autodétermination éternelle et sa temporalisation sont vus comme un. Le transcendant et l'immanent ne font qu'un quand le multiple et l'un coïncident. Ceci n'est pas qu'une pensée si, en nous, la vie se découvre de plus en plus comme l'un innombrable. Le personnel et l'impersonnel sont le visage et la vibration d'un même acte. Là encore, ce n'est pas une simple métaphysique si nous sommes une individuation de la vie et que celle-ci grandit à travers une âme cachée en nous. L'individuel et l'universel sont peut-être réciproquement un microcosme et un macrocosme d'une même sphère harmonieuse si vraiment nous pouvons devenir conscient du processus évolutif de la vie.

Le phénoménisme dans son sens fort n'est ni un matérialisme ni l'affirmation d'un immatérialisme d'un esprit dans lequel les phénomènes apparaissent et dont ils seraient la manifestation. L'absolu est l'apparition du tissu phénoménale sans hiérarchisation aucune.

Voici une vision en première personne : 


n'est-ce pas la sphère parménidienne de l'être qui se révèle ici  ?

AVEC CETTE VISION SANS TÈTE
PROPOSÉE PAR DOUGLAS HARDING
VOICI CELA IMMÉDIATEMENT 
SANS DISCONTINUITÉ
UNIQUE PRÉSENCE
IL N'Y A PAS 
UN OBSERVATEUR DE CELA
IL N'Y A QUE CELA

CELA SE TIENT AU DESSUS DE CES ÉPAULES

Regardez attentivement ici, il y a tout ce qui est, mais il est difficile de ne pas succomber à l'opinion qui "dit" qu'il y a du là-bas.