mercredi 29 octobre 2014

DEPASSER LE POINT DE VUE SELON LEQUEL L'HOMME EST UN LOUP POUR L'HOMME. UN ENJEU EDUCATIF MAJEUR.

"L'homme est un loup pour l'homme"... disait Plaute

Est-ce notre nature profonde de servir la pulsion de mort ou est-ce seulement une des apparences qu'il nous faut dépasser en dépassant la conscience ordinaire que nous avons de nous-mêmes ?

Ce couplet vient facilement à la bouche quand on voit ces terroristes musulmans qui tuent à l'encontre de tout bon sens parce que c'est ce qui leur semblent le mieux à faire. Et en face il y a ces occidentaux d'extrême droite tout aussi prêts à s'adonner au meurtre dès que la légitimité sera de leur côté. 
Et il y a ces gangsters qui abattent froidement une personne pour emmener la caisse, il y a ces psychopathes qui régulièrement tuent une vingtaine de personnes avant de se suicider , etc.
Et puis sur la route il y a ceux qui passeront au rouge pour arriver à l'heure, qui pour le fun vous doubleront sur la droite au moment où vous commencerez à vous rabattre, etc.

A vrai dire celui qui affirme la bonté de la nature humaine passe souvent pour un gentil illuminé dont la naïveté fait un peu sourire...
Les questions de Hobbes sur ce sujet sont bien vivantes. En effet, qui ne ferme pas sa porte à clé quand il part en voyage ? Qui ne prend pas un peu de précaution quand il fait un achat ou signe un contrat ?
Cependant avec Rousseau entre autres, on doit concéder au naïf que l'empathie existe en l'homme quand il a une psychologie normale. N'importe qui peut être pris de compassion et de pitié pour un autre. [On trouvera ici les pièces de ce débat entre Hobbes et Rousseau que Kant essaie de solutionner en déplaçant]



Toutefois considérons lucidement les conséquences de cette affirmation selon laquelle "l'homme est un loup pour l'homme" :

1 - Sommes-nous capables de voir ce mal essentiel en nous ou nous exemptons-nous de cette généralité ?  

Lorsque nous affirmons cela nous pensons rarement à regarder de notre côté. Nous ne sommes ni un psychopathe, ni un fanatique... Mais pourquoi eux et pas nous ? Notre société mondialisée produit dans ses marges tant de fous dangereux, saurons-nous nous interroger vraiment sur les causes éventuelles pour y remédier ? Il y a une banalité du mal dont nous nous déresponsabilisons bien vite et auquel pourtant nous participons incidemment en favorisant sa perpétuation.
Et nous-mêmes regardons nous d'un peu plus près. Si nous n'avons jamais violenté et tué gratuitement même sous couvert d'idéologie, n'avons-nous jamais volé, trompé, trahi, accusé injustement ?
Ceci dit battre notre coulpe apportera-t-il une solution ? Haïr le moi n'est pas le libérer de son mal. La solution religieuse qui consiste à avoir foi dans la grâce d'un sauveur paraît fragile. Notre soif du bien ne saurait être comblée par un acte de foi. 

2 - Est-ce que cette affirmation nous sert d'excuse pour laisser courir ce qui court à la catastrophe en regardant ailleurs ?

La solution qui consiste à dire que, puisque tout le monde est pourri, nous pouvons prendre nos aises ressemble plutôt à une amplification du problème.

3 -  Cette généralité nous amène-t-elle à des solutions ou à faire partie du problème ?


Celui qui voit la lumière intérieure sait que la conscience ordinaire est une conscience égocentrique illusoire. 
Si on regarde comme indiqué ci-dessus on voit nettement que l'ego est périphérique et non au centre, seule la lumière intérieure est simultanément au centre de nous-mêmes, transcendant tout et partout englobant tout.

La conscience ordinaire semble toute entière se structurer autour d'un ego avec ses peurs et ses désirs d'abord au service de sa propre survie au centre. Axée autour de peurs et de désirs égocentriques, une conscience adhère toujours inconsciemment au fait que l'homme est un loup pour l'homme. L'empathie qu'elle peut ressentir parfois risque toujours être contrebalancée par ses intérêts et la peur de cette dimension égocentrique en l'autre qui peut aussi se rendre insensible à toute empathie...  

Seul celui qui voit la seule et unique lumière intérieure en soi et en tout autre sait qu'elle est la source ultime de ce qui  l'a individualisé jusque là et qui désormais pourrait l'amener à une individualisation en harmonie avec l'évolution cosmique, autrement dit il voit la source intérieure le singulariser comme un rayonnement d'elle-même en demeurant accueil inconditionnel de l'individualisation de tout autre voire en y contribuant. 
 
Seul celui qui voit la seule et unique lumière intérieure de tout être sait que notre nature profonde n'est pas liée à la pulsion de mort. Il commence à entrevoir un acte pur et infini, partout et nulle part, autrement dit une vie sans mort qui peut se manifester dans la communion et l'amour. 

Il sait que ce dépassement de l'égocentrisme de la conscience ordinaire n'est pas gagné en constatant que seule la lumière intérieure est au centre de la conscience. Mais en se laissant de plus en plus saisir et guidé par cette lumière son cœur s'ouvre. Le lieu intime où la lumière divine l'engendre et le fait grandir dans son cœur se découvre de plus en plus à lui comme ce qui mettra un terme à la bestialité encore persistante de l'humanité.

La sécurité civile est nécessaire pour limiter la pulsion de mort inhérente à l'ego. Au lieu de consacrer autant d'énergie à la seule sécurité civile au mépris parfois des intimités et donc des libertés publiques nous devrions développer une éducation visant à amener les personnes au dépassement de la conscience égocentrique. Nous savons aujourd'hui que le système éducatif est en échec quand quelqu'un en sort sans formation ou plus ou moins illettré. Un jour, nous reconnaîtrons l'échec de notre éducation quand l'individualisation d'un individu n'aura pas dépassé la conscience ordinaire égocentrique. Un jour le système éducatif mettra au centre l'émergence de l'âme.

 


samedi 11 octobre 2014

ASPIRATION A LA PERFECTION DE L'ILLUMINATION.

Parfois, on peut regarder le soleil en face parce qu'il apparaît dans un voile de brumes.
Tel qui voit la lumière divine croit en être totalement illuminé puisqu'il semble qu'il la regarde en face et voit tout ce qu'il voit à partir d'elle. Mais qui lui assure qu'il n'y a pas un voile de brumes qui recouvre cette lumière intérieure ? On ne peut certes pas dire qu'il n'est pas illuminé puisqu'il voit tout à partir de cette lumière mais il n'en reste pas moins le plus souvent in-éclairé.
Des obscurités le traversent du cœur au corps ignorant encore tout des grandes vagues cosmiques où tout se trouve balloté et façonné.

L'homme illuminé n'est que fort rarement l'homme transfiguré dont l'illumination a fait de son cœur un brasier d'amour désintéressé. Rare l'illuminé qui ne craint pas d'être foudroyé de silence dans la seule lumière nue. Rare celui qui renonce à s'agiter, à se gargariser de ses belles pensées spirituelles et qui laisse toutes ses pensées s'évaporer dans le rayonnement purificateur de l'astre premier. Rare celui qui se laisse dorer et rôtir tout entier dans ce feu de vérité.

Tu auras beau réalisé être tissé de l'unique lumière suressentielle, tu resteras encore cet être à la vue embrumée tant que tu n'aimeras pas chacun et chacune comme le temple des rayons individualisés de l'unique soleil immuable.

Ainsi sincère tu sais que voir en la lumière spirituelle n'est qu'être libéré mais non transformé, qu'être illuminé est bien loin d'être transfiguré. Mais même si tu sais humblement ta misère tu peux avancer paisiblement dans la lumière. Sans effort tu te tiens dans la lumière, mais ton désir commence à peine à entièrement s'y redessiner. Si ta vraie nature est entièrement tissée de la lumière divine, ta personne y demeure capable de s'y relier plus ou moins. Ton aspiration à la perfection de l'amour suprême commence à peine à creuser dans ton cœur son temple tout entièrement consacré.

Et pour aller plus loin dans cette aspiration à une transformation par-delà la simple illumination :

La paix est une base nécessaire, mais elle ne suffit pas. La paix, si elle est forte et permanente, peut libérer l'être intérieur qui devient alors le témoin calme et impassible des mouvements extérieurs. C'est la libération du sannyâsî. Dans certains cas elle peut libérer aussi l'être extérieur puisque l'ancienne nature se trouve rejetée au-dehors, dans la conscience environnante. Mais là encore il s'agit d'une libération, non d'une transformation.

Sri Aurobindo, Lettres sur le Yoga 

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La réponse à l’Appel

L’Aspiration et la réponse à l’Appel

Notre aspiration pour le Divin au début et encore pour longtemps est recouverte avec des éléments inférieurs. Avoir une aspiration pure et simple pour le Divin, Le connaître être possédé par Lui, n’appartenir à rien d‘autre est un phénomène spirituel extrêmement rare. Notre sadhana est de purifier notre aspiration. La plupart des difficultés sont produites par des désirs impurs aussi sublimes et grands puissent-ils paraître du point de vue humain. Nous devons naître à une aspiration exclusive pour la Vérité divine. Pour donner une image nous sommes comme des poissons qui aspirent à marcher sur la terre. Si nous restons attachés à notre race nous demeurerons dans les mêmes eaux polluées et le nouveau monde sera une chimère.
La présence d’aspiration est le signe qu’une nouvelle conscience est en train d’émerger même si sa vision et ses capacités sont encore faibles. C’est un mouvement évolutif vers une nouvelle race. Il n’est pas question ici d’égoïsme. Car c’est l’Appel irrésistible de l’inconnu qui peu à peu nous éloigne de la vie humaine vers une terre lumineuse et pleine d’espoir, de joie et de délivrance. Notre aspiration est souvent trop faible, brouillée et intermittente mais graduellement elle devient plus ferme, puissante et efficace. Un temps vient quand nous ne sommes plus effrayés par notre aspiration, et avons confiance dans le but ultime de notre être le plus profond. Nous apprenons à avoir plus de foi dans l’oracle qui commence à agir dans notre vie. Nous pouvons mesurer notre foi par la qualité de notre volonté à suivre l’Appel divin. Quand nous sommes prêts à tout faire pour le Divin, quand nous pouvons accepter les conditions qui nous sont données par Lui, quand nous sentons que c’est Lui qui en tant que personne, maître, ami, guide fait pour nous tout ce qui est le mieux pour notre progrès et pour son travail alors le vrai voyage commence.
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Niranjan Guha Roy