vendredi 7 décembre 2012

METTRE FIN AU POUVOIR DES MARCHANDS DE SOUPE.

Dans Parole d'Hommes, Stephen Jourdain donne sa version du rejet de la spiritualité par le monde moderne. Voici rassemblés des extraits où Stephen Jourdain évoque ce point entre autres thèmes.


Dans L'irrévérence de l'éveil, en dialogue avec Gilles Farcet, il dit p. 52 à ce sujet :
Je dois honnêtement reconnaître que je continue à tenir pour sordide cette mentalité de boutiquiers, fussent-ils de haut vol, qui domine pour l'instant notre monde. C'est pourquoi, pour que j'en aie quoi que ce soit à foutre, je ne me sens pas particulièrement à mon aise dans la société actuelle qui m'apparaît régie par des marchands de soupe et autres maquignons déguisés en fins économistes. On se trouve des alibis culturels, sociologiques et tout ce que l'on voudra, mais en réalité, il s'agit de vendre sa soupe - ce qui me paraît répugnant, et d'autant plus nauséabond lorsque la soupe en question s'appelle spiritualité. C'est là qu'on en arrive à l'ultime déchéance. Mais passons...
Moi qui suis professeur en lycée, j'en vois les conséquences sur une partie des élèves. Pour "réussir", beaucoup aspirent à devenir de ces marchands de soupe ou de ces maquignons. Dans les banlieues parisiennes, il y a souvent l'évidence qu'il y a les marchands de soupe légaux (les financiers, les banquiers, les agents des multinationales y compris les politiques) et les illégaux (les dealers, les voleurs et autres petits trafiquants) tout aussi légitimes aux yeux de certains. Les élèves "ambitieux" veulent entrer dans des écoles de commerce. Et lorsque ces élèves songent à être ingénieurs, ils songent peu à l'être au sens traditionnel. Peu d'élèves songent à la recherche scientifique ou à l'innovation technologique.

Heureusement d'autres songent à des carrières d'éducateur, de professeur ou encore à des métiers d'arts et de spectacles.  Il y a bien sûr aussi des vocations médicales : infirmières, sages femmes ou médecins.


A vrai dire aucun ou presque n'a conscience du tournant évolutif que nos sociétés dans les 30 ans à venir vont devoir prendre. Il y a qu'une minorité qui prend au sérieux les questions spirituelles et une encore plus petite minorité qui prend au sérieux les tournants économiques que vont engendrer les limites des ressources terrestres, les conséquences écologiques de notre industrialisation pétrochimique et agronomique mais aussi paradoxalement l'allongement sans doute important de notre espérance de vie à cause des progrès scientifique en cours. Mais ceci est bien représentatif de la société actuelle. J'espère planter quelques lumières pour plus tard pour quand quelque chose d'autre émergera de leur expérience.

Une vision intégrale au sens large (de Sri Aurobindo à Ken Wilber) devrait mettre vraiment au centre les valeurs de la création et de l'évolution en lieu et place d'une consommation aveugle. Mais elle reste encore bien souvent incapable de vraiment percevoir en quoi on ne peut pas faire de la spiritualité une soupe de plus à vendre et donc d'offrir un dépassement des limites de notre monde... Le geste spirituel de Paul de Tarse qui consiste à vivre de son métier et à donner un enseignement spirituel et religieux sans être à la charge des communautés qui le reçoivent reste ignoré dans sa profondeur.

A vrai dire au cœur d'une vision intégrale, la création met par définition en jeu la valeur fondamentale de la gratuité. En effet un créateur est un médiateur d'une réalité plus grande que lui, la réalité qui nous donne d'être spirituellement sans exiger de nous quoi que ce soit. Créer authentiquement revient à se brancher à cette dimension ontologique du don et devrait donc nourrir partage et solidarité. Une communauté créatrice devrait trouver indigne qu'on doive gagner sa vie en sacrifiant le développement de toute dimension créatrice. En faire du développement des facultés intuitives créatrices un moyen de faire des affaires trahit donc le geste créateur fondamentalement. 
On sent bien que grâce à cet exercice le guru ne va plus trouver culpabilisant de réclamer son argent, non ?
L'argent peut être un instrument servant la volonté divine mais peut-il être un ami ?
Les gens comme les heures sombres des années 30 évoquent des ennemis culturels sans voir que ce sont bien les marchands de soupe la première cause de tous les stress inutiles et d'une misère injustifiable. Bien entendu les marchands de soupe ne sont pas toujours nettement séparables des producteurs : le logo à ce niveau fait la loi, l'obsolescence qui ignore tout souci écologique et la fin des matières premières ou encore le mensonge publicitaire éhonté font la loi.

Mais on remarquera que les créateurs authentiques parmi les producteurs sont aussi très souvent exploités par les marchands de soupe. Qu'on songe à ces agriculteurs dont les produits qui ne leur rapport à peine de quoi vivre engraissent les épiciers en gros. Qu'on songe à ces petites entreprises rachetées par des fonds de pension qui les vident jusqu'à la moelle pour ensuite les démanteler et en vendre les restes.

Qu'on réfléchisse aussi aux petites mains du commerce : à ces métiers ingrats où on reçoit les plaintes et on subit les humiliations des clients pour des produits décevants, à ces caissiers et caissières qui n'ont pas le droit de ne pas sourire, à ces hommes et femmes des centres d'appel chargés de vendre des produits qu'ils savent sans intérêt, à ces jeunes gens ou ces précaires qui dans la rue doivent nous donner des tracts ou distribuer dans nos boîtes les publicités, etc. Toutes ces tâches précaires et sans intérêt créatif sont indignes.

Bientôt notre pays ne sera plus que centres commerciaux déserts, parkings vides. 


Défendre les créateurs contre les marchands de soupe n'est politiquement ni de droite ni de gauche. Et pourtant il y a là la seule vraie urgence politique.

samedi 24 novembre 2012

AUCUNE VOIE SPIRITUELLE N'EST COMPLETE. COMMENT LE RELIGIEUX ET LE PHILOSOPHE S'EGARENT.

On lit ça et là : "telle voie est incomplète" et implicitement telle autre l'est. Mais qui parle ? Est-ce celui qui fait la promotion d'une voie spirituelle donnée ? Sa voie serait complète et celle des autres bien sûr un peu moins... Il n'y a que celui qui a son expérience ou sa réalisation spirituelle qui en a la certitude et éventuellement l'accès. Tout enseignant, tout enseignement n'est rien : seule compte alors cette expérience qui est sa propre mesure, sa propre autorité. Il n'est pas dit en effet qu'une expérience ou une réalisation garantissent la fiabilité d'un enseignement pouvant la partager. Il y a de petites flammes spirituelles qui, semble-t-il, ont trouvé davantage de moyens habiles que des grandes flammes spirituelles pour transmettre et partager leur expérience de l'essentiel. Avouons que ce décalage est troublant et doit conduire à relativiser la notion de complétude d'une voie spirituelle quelconque. Il vaut mieux recevoir le feu d'une petite flamme que vivre à l'ombre d'une grande flamme incapable de nous embraser fondamentalement.

J'avoue que personnellement cette brèche dans la bienpensance spiritualiste me rapproche d'un Sri Aurobindo qui avant Ken Wilber a bien souligné ces tensions entre l'évolution de la conscience dans la sphère mentale et les expériences ou réalisations spirituelles.
D'un côté, on peut dire les limites de ceux qui veulent confondre la dénonciation des stratégies ratiocinantes de préservation d'un statu quo égocentrique avec la dénonciation de l'intelligence intellectuelle. D'un autre côté, on peut dire les limites de toute forme d'intelligence intellectuelle aussi brillante qu'elle soit pour transmettre la lumière "intérieure" car elle doit pouvoir évoluer vers une intelligence corporelle, émotionnelle et intellectuelle toujours plus ouverte au monde intuitif et donc une saisie plus fine de la lumière par elle-même.
 

Une spiritualité intégrale et évolutionniste pointera qu'aucune voie spirituelle n'est complète : l'enseignement ne dit jamais qu'elle sera le chemin de transformation, il dit juste où on peut se connecter avec cette source. Il y a à l'évidence des enseignements qui permettent de réaliser l'Être (ou le RIEN) de l'absolu mais si un Devenir est à l’œuvre à la croisée de l'Être, il nous faut admettre qu'il y a des chemins qui seront à faire et dont nous ne pouvons avoir aucune idée surtout si ils mènent au-delà de l'idée et de notre perception actuelle.

Mais quittons maintenant le point de vue des enseignants spirituels pour prendre celui des disciples et plus largement des aventuriers spirituels. Toute voie reste incomplète du fait même de l'apprenti disciple qui la trahit. Le disciple authentique qui ne la trahit pas sait qu'un geste lui incombe, qu'il devra dans ce geste être sa propre autorité puisqu'il devra réaliser qu'il est sa propre lumière.

L'aventure spirituelle est ouverte. Aucune voie n'est complète. Les moyens habiles ne sont que les moyens habiles. Où est celui, cela qui pose le geste ?  Où est celui qui peut se réaliser comme sa propre lumière ?

Les voies spirituelles risquent à tout moment d'être adorées, les moyens habiles risquant de dégénérer en rituels : on ne devient pas mais on adore, on idolâtre. Une autre religion est née : l'aventurier spirituel s'oublie dans l'enclavement d'une dévotion dévoyée.
Il y a un autre danger : le geste du raisonneur. L'aventurier dans son effort de trouver un chemin croit en la cohérence d'une voie. Elle lui semble une voie planifiée infaillible. Il la défend contre les doutes que suscitent les autres voies possibles. Toute verticalité spirituelle signifiée est inconsciemment et systématiquement re-systématisée dans la platitude de la cohérence du signifiant dès lors désymbolisé. De manière plus générale, l'enseignement pointe la lune mais le raisonneur regarde le plus souvent l'enseignement. Un signe de cette distraction est que sincèrement vécu un enseignement authentique n'est en concurrence avec aucun autre, il tente de dénoncer des illusions : le raisonneur met en concurrence des raisonnements sans se défaire de l'illusion du raisonnement.


Souvent le défenseur rationalisant de sa voie spirituelle appelle pertinemment à prendre ses distances avec les croyances religieuses au nom même de la raison et de la spiritualité. Certes le religieux se tourne rarement vers la vie libérée, il adore et sacralise les traces que la vie libérée de ses initiateurs a laissé quitte à les faire périr sur le plan spirituel. Le religieux étouffe aujourd'hui plus que jamais la spiritualité vivante dans les platitudes rituelles de vies légiférées. Cependant le raisonneur se trompe quand il voit dans n'importe quelle pratique dévotionnelle un infantilisme voire la source du fanatisme alors que non dévoyée en idolâtrie la dévotion redresse vers la verticalité signifiée par ces enseignements qui ouvrent au continent de l'âme. Le raisonneur par cette erreur d'interprétation n'est-il pas encore victime et propagateur de l'inauthenticité intellectuelle lorsqu'elle ignore la verticalité du signifié de l'enseignement spirituel ? Le raisonneur défenseur de sa voie spirituelle nie à l'autre la possibilité de retrouver son propre chemin de verticalisation du signifié caractéristique de sa voie.

Par exemple, pourquoi un musulman ne retrouverait pas dans l'Islam la vie libérée sortant ainsi des limitations de la religion ? Des intellectuels prétendent que seule la culture occidentale fournit les bases d'une sortie de la religion. Pourquoi nier une sortie de la religion malgré ses pires excès par des mystiques qu'on peut dès lors considérer comme les grands interprètes authentique de cette religion ? Pourquoi ne pas rendre à l'autre la verticalité de sa culture la plus haute à partir de laquelle sa culture peut évoluer sans se renier ? Peut-il être viscéralement libre de sa propre identité celui qui n'est pas capable de voir le chemin par lequel l'autre sans renier son identité la réinterprétera libérée ? Autre exemple qui vient enrichir le premier, pourquoi un chrétien  malgré tout le poids d'une déverticalisation du sens de son Verbe salvateur soudain ne réaliserait-il pas le sens de "Vous êtes la lumière du monde" malgré le poids des distorsions qui affectent pratiquement tous ceux qui revendiquent l'étiquette ?

Aucune voie spirituelle n'est complète en un sens parce que aucune voie spirituelle ne mène à une réalisation sans qu'un disciple ne soit par son authenticité vecteur de la grâce cristallisante. Ainsi celui qui aura retrouvé le sens spirituel plus ou moins enfoui dans sa religion verra, si vraiment il mène son aventure spirituelle, les limites de sa propre religiosité. C'est ce disciple authentique qui peut faire le geste intérieur qui rétablira au cœur d'un enseignement la verticalité signifiée. Il mettra un coup de pied dans la tradition religieuse ou dans l'enseignement spirituel qui lui a permis de retrouver la source car il voudra défendre seulement l'essentiel dans sa vivacité purement présente. Une tradition vivante peut parfois brûler ce sur quoi elle s'est édifiée pour établir un sol culturel plus fertile.

Le disciple lui seul laisse l'évidence signifiée s'avérer et lui seul peut éviter de faire obstacle à la transformation en jeu.

On peut regarder de plus près cette dimension qui préexiste au cœur de l'individualité à toute réalisation spirituelle. En un sens nouveau, tout moyen habile est insuffisant, toute voie spirituelle est incomplète car généralement incapables de constituer, comme la vie seule sait le faire, une singularité formant les éléments de base qui permettent le surgissement d'un disciple authentique voire d'un aventurier spirituel. 
Concluons. Ainsi un enseignement peut pointer de manière simple et efficace la source cachée en nous à laquelle il s'agit de se confier et de s'abandonner. Mais on ne peut s'en tenir religieusement ou ratiocinant à ce seul geste qui pointe la source. Car la confiance et l'abandon que requiert le geste et qui feront l'unité de notre volonté avec cette source relève d'une aventure personnelle, singulière et subtile qui échappe, elle, à toute description sobre et efficace.

mardi 30 octobre 2012

ULTIME VACUITE OU TENEBRES LUMINEUSES ?

"S'éveiller n'est pas un acte déductif.", rappelle Stephen Jourdain dans ses Cahiers d’Éveil, II, p.47.

Quand on parle d'une vision sans tête, il ne s'agit pas de déduire quoi que ce soit, il s'agit d'un acte de reconnaissance. Prenons un exemple simple, regardons notre image extérieure sur un miroir. Sur le miroir, il y a ma tête et moi qui regarde le miroir, je suis une ouverture où paraît ma tête sur le miroir. Mais ce constant n'a rien à voir avec le dessin suivant :

Si on veut reconnaître ce à partir de quoi nous percevons à partir d'une représentation, celle-ci est beaucoup plus fidèle :


Toutes nos perceptions, pas seulement visuelles comme ci-dessus mais aussi nos perceptions sensitives en général, nos perceptions d'émotion(s), de pensée(s), etc. paraissent dans un champ de conscience pure, une vacuité. Cette vacuité, cette conscience pure n'est ici pas à confondre avec les pensées même si la lumière des pensées est de cette substance. Il n'y a ici aucune déduction mais de l'observation phénoménologique. 

La Vision sans tête permet de réaliser sans aucun doute ce qu'on appelle l'ultime vacuité. C'est-à-dire qu'elle pointe le fond sur lequel tout ce qui existe, donc tout ce qui apparaît, paraît et disparaît. On pourrait affirmer que la vacuité est conscience pure qui suscite toute chose : certains identifient vacuité et conscience pure. Mais cette compréhension est-elle juste ? Car cette réalité phénoménologique que nous nommons ici conscience pure ou vacuité reçoit par ces noms une interprétation dont il faut certainement examiner la pertinence phénoménologique.

Cette vacuité ultime n'est-elle pas plutôt elle-même qu'une apparence même si elle a pour spécificité de colorer ? Affirmer une différence de valeur entre la vacuité et les autres apparences, ce serait séparer le monde jugé illusoire de cette vacuité entendue comme conscience pure sans même expliquer le caractère illusoire de ce monde et bien sûr ne plus rien envisager pour lui. Nous serions prétentieux d'y voir autre chose. Il y aurait là du dogmatisme sans aucun doute.  


En fait l'apparence de vacuité n'est jamais séparée de l'apparence phénoménale d'un temps ou d'un espace ou d'une énergie ou d'une force, etc. La vacuité est ce qui donne son impression qualitative à chacune des couleurs du tableau qui paraît dans l'esprit et même ce qui en est l'impression globale. Même dans le sommeil sans image, il y a des apparences de fourmillements de phosphènes à même cette apparence de vacuité. La distinction de la vacuité et de l'apparence ne rend pas compte du fait qu'il n'y a pas vacuité sans apparence. La vacuité est l'apparence qui permet d'apparaître mais elle demeure une apparence au cœur de tout ce qui apparaît.

Un sceptique authentique verrait la vacuité comme le fruit d'une distinction conceptuelle entre apparences phénoménales et une apparence d'esprit qui peut les mettre entre parenthèse, en épochè afin de suspendre tout jugement. Si la suspension du jugement est obtenue l'épochè fait place à l'aphasie. L'aphasie n'est le produit d'aucune activité. Il y a  silence intérieur. Nulle prise semble-t-il sur ce qui apparaît. L'aphasie est l'expérience directe d'un simple champ d'apparences sans extérieur ni intérieur. Mais l'aphasie sceptique ne cantonne-t-elle pas l'action sceptique à n'être que pur conformisme ? D'où vient la juste intuition de ce que propose la situation ? Le pragmatisme sceptique semble fort limité. Il y a un jeu à jouer même au milieu des apparences et il y a des façons plus inventives que d'autres de le jouer. L'aphasie n'est donc pas à proprement parler le sens d'un DEVENIR ouvert et créatif mais une manière d'ÊTRE.

Nous désignerons d'un seul tenant l'ensemble des apparences vécues avec égalité comme l'Esprit.
La Vision Sans Tête est un moyen de contourner l'ego pour découvrir l'ESPRIT qui nous relie au jeu de la manière d'ÊTRE et de DEVENIR.

Si on accepte l'égale importance de la manière d'ÊTRE et du DEVENIR, l'ESPRIT paraît davantage une présence ultime voilée, des ténèbres lumineuses où se déploie l'ultime réalité. Nous sommes en un sens devant ce qu'on appelle la vacuité mais dans une nouvelle compréhension qui désormais n'en fait donc pas forcément la seule dimension de l'ultime réalité. Si on la confond avec l'enténèbrement, qui s'y inscrit touchant aux limites de notre conscience mentale et les débordant, on pense qu'elle forme elle-seule l'ultime réalité et on relativise par exemple les dimensions de l'individualisation et de la manifestation cosmique d'un Esprit-monde qui sont en jeu si on prend au sérieux un DEVENIRAutant les sceptiques que ceux qui mettent en valeur la vacuité ou une conscience pure estiment que ces dimensions sont juste phénoménales : elles ne durent pas et si elles durent, c'est sans éternité...
Pourtant quelque chose se manifeste à travers cette présence voilée qui recouvre tout de l'ESPRIT, puis de nouveau, elle se recouvre. S'agit-il d'un phénomène illusoire, d'une expérience de pic qui n'a pas d'autre réalité que celle d'un phénomène ou d'un dévoilement momentané de CELA qui de nouveau se trouve recouvert ? 
Il y a une prétention à fermer la porte à tout mystère du rapport entre l'ÊTRE et le DEVENIR. La question est de savoir où s'arrête et commence l'aventure spirituelle ? la réalisation de la vacuité est-elle suffisante pour mener cette aventure dans toute sa profondeur ou est-elle une étape sur un chemin qui en comprend d'autres ? Ne concluant pas comme les sceptiques ou certains bouddhistes et laissant ouvert les possibles contrairement à nombre de ceux-ci, je pense qu'il peut être souhaitable parfois de parler de TÉNÈBRES LUMINEUSES que de vacuité en ce qui concerne l'ESPRIT pointé par la Vision sans tête par delà la lunule de l'ego. Les termes de TÉNÈBRES LUMINEUSES offrent une bonne description dans la mesure où ils ne limitent pas la spiritualité à la découverte de la vacuité entendue comme conscience pure puis au-delà entendue comme aphasie libre de toute pensée discriminante. Ces termes de TÉNÈBRES LUMINEUSES ont toutefois un défaut car dans la mesure où ils s'inscrivent pleinement dans la tradition judéo-chrétienne, ils sont souvent compris non pas comme une description phénoménologique de l'ESPRIT mais dans le contexte d'une théologie dogmatique. Si nous tenons à garder notre approche phénoménologique, il nous faudra maintenir le terme de vacuité utile pour aider à reconnaître ce qu'il y a à voir pour être libre du monde des apparences interprété par l'ego.
Selon la théologie, les TÉNÈBRES LUMINEUSES seraient le lieu où se retire Dieu du monde pour le laisser être dans un néant au sein de lui-même  :  nous nous en tiendrons à un point de vue phénoménologiqueLes TÉNÈBRES LUMINEUSES sont pour qui reste attentif à elles le lieu - non lieu d'où se déploie le DEVENIR comme le rythme de l'autre instant au sein du présent atemporel et plus encore ce lieu-non lieu d'où surgissent des structures inconnues et imprévisibles qui changent la marche habituelle du DEVENIR. Des TÉNÈBRES LUMINEUSES observées phénoménologiquement surgissent une création ou une manifestation nouvelle qui induit donc la légitimité d'y considérer une dimension de transcendance. Cette transcendance s'inscrirait dans le DEVENIR voilé en ces TÉNÈBRES LUMINEUSES. Ce serait le DEVENIR de ce qui EST immanent au sein de ces TÉNÈBRES LUMINEUSES. 
Notre personnalité elle-même est alors vécue dans sa singularité et non plus comme une fausse conscience de soi passant par des mots généraux, des identifications à des émotions et des sensations qui seraient nôtre pour les unes et non pour les autres. Si dans la racine de la conscience de soi, il y a la source de ma singularité autant que du monde en continuité, il y a dès lors aussi une forte dimension d'individualité qui caractérise l'ultime réalité : Je suis=moi et non un autre, le seul ESPRIT même si en cet ESPRIT je suis déjà singulièrement un possible autre (un moi plus moi que moi !) et qu'un TU se présente.
 

José Le Roy met à ce propos sur blog Eveil et philosophie un texte mystique chrétien qui montre une articulation entre Vacuité et TÉNÈBRES LUMINEUSES :

Ruusbroec l'Admirable et la vacuité de l'esprit

La vacuité de l'esprit chez Ruusbroeck dans son chef d’œuvre : L'Ornement des Noces spirituelles.
Ruusbroeck est né en1293 dans le village de Ruusbroec non loin de Bruxelles et mort en 1381.

« Dans l'abîme insondable de ces ténèbres où l'esprit qui aime est mort à lui-même, commence la révélation de Dieu et la vie éter­nelle. En effet, en ces ténèbres, brille et se trouve engendrée une lumière incompréhensible, c'est-à-dire le Fils de Dieu, en qui l'on contemple la vie éternelle. Et en cette lumière on se met à voir. Et cette lumière divine est donnée en l'existence simple de l'esprit, là où l'esprit reçoit la clarté qui est Dieu même, au-dessus de tout don et au-dessus de toute opération créée, en la vacuité absolue de l'es­prit, en laquelle il s'est lui-même perdu par amour de fruition, et où il reçoit la clarté de Dieu sans intermédiaire. Et il devient sans cesse cette clarté même qu'il reçoit. », L'Ornement des noces, I, 242, traduit par Max Huot de Longchamp.

http://laplumedelange.canalblog.com/

Pour conclure, comme cette image y invite, il faut vraiment dépasser la pensée, penseur compris pour parler de tout ceci en sachant qu'il ne s'agit que de description verbale prisonnière de la pensée. Le concept de vacuité veut dire ceci mais il faut lui aussi lui tordre le cou. Le concept de ténèbres lumineuses veut aussi dire ceci mais il faut lui aussi lui tordre le cou dans le silence de ce qu'ils entendent désigner.

jeudi 25 octobre 2012

PERSONNE NE S'EVEILLE ? MA PERSONNE ENTRE DANS SA SECONDE NAISSANCE.

En un sens personne ne s'éveille. Quand je pointe mon index vers cela qui regarde, en amont de mon regard rien de ma personne. 
Ma personne est comme laissée dans le monde avec tout ce qui est vu.
Mais en un autre sens, Cela éveille ma personne. 
J'étais né de mémoire de deux parents humains. En cela je m'éveille, je prends naissance consciemment.
C'est ma seconde naissance à cet instant. Et à celui-ci aussi. C'est ma naissance de chaque instant. je ne me vois pas naître en Cela. C'est un acte sans début ni fin, c'est un acte sans devenir, un acte pur disent nos théologiens scolastiques. En Cela, je prends naissance en même temps que les autres et le monde.
Creusant ainsi le fait subjectif (c'est-à-dire ni objectif, ni non plus lié à une personnalité dans ses préférences) de la vision sans tête de Douglas Harding, je croise ici Stephen Jourdain qui écrit dans ses Cahiers d'éveil II, p.91-92 :
JE SUIS. JE VIENS DE NAÎTRE. La trame de mon identité a fondu comme cire ; j'ai disparu, entièrement ; quiconque plongerait son regard jusqu'à ce que je suis devenu s'écrierait : "Mais il n'y a là absolument rien ! Pas même la trace de quoi que ce soit !" ; et ce serait encore sous-estimer ce désert, ce rien : car, en vérité, ce là, cette étendue vide de toute apparence, mais au sein de quoi une apparence pourrait se former, n'existe pas... ; comment évoquer pareille... nullité, pareil zéro ?
Évoquer cela, non. Nommer cela, oui : ce zéro s'appelle l'Esprit ; ce zéro est esprit pur. Et en violation du bon, sens, en violation de toute logique, de toute raison, au sein du mystère de ce zéro où se sont abîmées toutes les assises de mon existence, est une présence plus aiguë que la morsure d'un acide, plus dense et plus résistante que le mythique airain, un eurêka vivant en une forme de commotion : MOI.
Mais ne retrouve-t-on pas aussi la tradition mystique rhénane ? Jean Tauler, par exemple, ne vise-t-il pas le même fait subjectif quand il écrit dans son sermon 29 Aux "amis de Dieu" :
D'autres maîtres disent [...] que l'image de la Trinité résiderait dans le plus intime, au plus secret, dans le tréfonds de l'âme, là où, dans le fond elle a Dieu essentiellement et substantiellement. C'est sûrement dans ce fond que le Père engendre son Fils unique, cent mille fois plus vite qu'il ne le faut pour cligner de l'oeil, d'après notre manière de comprendre, dans le regard d'une éternité toujours nouvelle, dans l'inexprimable resplendissement de lui-même. Si quelqu'un veut sentir cela qu'il se tourne vers l'intérieur, bien au-dessus de toute l'activité de ses facultés extérieures et intérieures, au-dessus des images et tout ce qui lui a été jamais apporté du dehors, et qu'il se plonge et s'écoule dans le fond. La puissance du Père vient alors, et le Père appelle l'homme en lui-même par son Fils unique, et tout comme le Fils naît du Père et reflue dans le Père, avec le Fils, devenant un avec lui. Le Saint-Esprit se répand  alors dans une charité  et une joie inexprimables et débordantes. Il inonde et il pénètre le fond de l'homme avec ses aimables dons.
La question qui reste ouverte est celle de l'âme. Est-ce simplement la personne de ma personnalité qui naît en cela ou bien puis-je trouver le lieu de naissance de mon âme dont ma personnalité et sa personne ne sont que le lieu d'expérience indirecte ? Si vraiment la naissance ainsi obtenue en son fond était celle de l'âme entendue au sens traditionnel, n'aurions-nous pas la certitude de notre immortalité ?

Sur ce point, il semble que les propos de Jourdain sont variables ou que ceux des rhénans recourent encore souvent à la foi plus qu'à une nette expérience.

mercredi 24 octobre 2012

QUELS CRITERES DE DISCERNEMENT SPIRITUEL CONCERNANT NDE, CHANNELING, PROPHETIES, ETC. ?


En réponse à ceux qui estiment que nous rejetons toute forme d’intérêt spirituel pour le channeling et des expériences avec des esprits ou des forces de conscience immatériels.
Madame, Monsieur,

Je comprends que vous soyez quelque peu déçus par nos jugements.  Mais je tiens à vous assurer qu’il ne s’agit pas de dogmatisme, d’exclusion, de chasse aux sorcières, etc. Nous ne préconisons pas l’interdiction d’activité de ceux que nous critiquons y compris à l’égard de ceux à qui nous avons été sans souligner aucun aspect positif et auxquels nous avons attribué notre symbole négatif. Nous estimons qu’au final c’est à chacun d’être capable de retirer le meilleur de ceux que nous évoquons en mal et/ou en bien.
En science, il est commun de critiquer un collègue qui en retire profit pour rendre ses travaux plus rigoureux sans qu’il soit question de jugement, d’intolérance, etc. Pourquoi ne pourrions-nous pas chaleureusement échanger nos vues contradictoires en ce qui concerne le domaine d’expérimentation spirituel ?

Vous évoquez notre fermeture d’esprit, notre rationalisme français, etc. Il est dommage que vous ne nous ayez pas bien lu les pages 303 et suivantes. Tout ce que vous nous reprochez d’ignorer est présenté comme des voies spirituelles possibles : NDE (EMI), Channeling(s), prophétie(s), etc. Notre guide n’est pas de l’ordre du témoignage personnel mais en ce qui concerne ces domaines nous avons comme dans les autres tenté et vécu un certains nombres d’expériences et nous ne nous sommes pas contentés de lire une grosse quantité de données pour et contre.

Par ailleurs, quand vous citez les passages qui vous indisposent p.340, vous omettez de signaler qu’au même endroit nous soulignons la valeur de certains médiums et channelings comme L’Ange de Gitta Mallasz, les témoignages de Marianne Dubois. Et si vous vouliez ne pas ignorer le pourquoi de cette préférence, vous comprendriez peut-être l’exigence spirituelle qui nous anime dans ces domaines.
Une manière plus simple et plus claire de dire nos réticences à l’égard de la plupart des médiums, chamans, channelings, etc. tient à la question d’une offrande sincère et entière de soi au divin et à ce qu’elle exige. Ne vaut-il pas toujours mieux parfois se connecter au divin plutôt qu’à ses anges, ceci n’excluant pas qu’un ange puisse être un bon marchepied vers le divin ? Et quand nous disons « divin » ici nous trahissons déjà en quelque sorte ce qui ne peut s’enfermer dans aucune définition, désignation, conceptualisation, etc. Dans notre expérience, cette perfection absolue est forme et sans forme, elle est personnelle et impersonnelle. Nous mettre à l’écoute de la dimension personnelle de cette perfection absolue est essentiel : cette écoute inclut inspiration, intuition, channeling, prophétie, etc. jusqu’à n’être plus un médium mais un instrument d’action. Mais pour être sûr d’être fidèle à cette réalité absolue, nous ne devons pas ignorer sa dimension sans forme et impersonnelle (ou transpersonnelle). Cette dimension rend vraiment capable d’accueillir ce qui se manifeste sans barrière et de relativiser tout jugement, toute interprétation (sans les abolir tant que c’est utile), elle garantit une pauvreté intérieure, une clarté et une liberté vis-à-vis de nous-mêmes.
Gitta Mallasz ou Marianne Dubois (et d’autres bien sûr) témoignent à l'évidence d’un tel parcours.
Au final la double dimension personnelle et impersonnelle qui fait « l’unité du réel et son intelligence » nous semble malheureusement ignorée par beaucoup d’acteurs prétendument spirituels dans ces domaines qui dès lors risquent même parfois de servir outre leur imagination des entités et des forces de conscience immatérielles dotées de personnalité et qui portent une certaine lumière pour mieux égarer en exploitant la moindre trace d’insincérité en eux et pire encore autour d’eux. Beaucoup de grandes figures de la spiritualité nous ont mis en garde contre les merveilles intérieures (sans en nier l'existence) et ont insisté sur la nécessité de la pauvreté intérieure, la vacuité, etc. Pour eux s’appuyer sur cette réalité aussi impersonnelle (c'est-à-dire qui ne met pas en jeu une relation avec notre personnalité) permet d’échapper à ces entités que les traditions bibliques appellent Lucifériennes, les traditions hindoues asuriques, que le bouddhisme associe à Mara, que certains chamanes invitent à éviter en s’unissant aux bons alliés… 

Nous ne sommes pas meilleurs que d’autres spirituellement : nous ne sommes guère mieux capables de servir à la perfection cette unité et cette intelligence du réel. Mais nous pouvons au nom d’un certain idéal évoquer cette réalisation spirituelle souhaitable à ceux qui peuvent l’entendre.

Bien à vous,
Serge Durand, co-auteur du Guide Almora de la spiritualité.

L'ILLUSION DES PRETENTIONS TECHNOLOGIQUES HYPERMODERNES ET L'IMMORTALITE.

Les travaux de Clare Graves, de ses disciples et de Ken Wilber sur l'évolution des mentalités et des spiritualités nous ont inspiré ce schéma qui est aussi une relecture à partir de l'approche de Douglas Harding :

Chacune de ces mentalités culturelles y compris dans ses dimensions spirituelles quand elle s'est déployée dans l'histoire a déployé un système de production économique fondé sur un système technologique. Chaque système technologique est dépendant de ceux qui le précèdent comme chaque vision du monde propre à une mentalité présuppose l'intégration des précédentes. Marx a affirmé que cette intégration dialectique des visions du monde s'expliquait du point de vue de l'infrastructure d'une société comprenant le système technique et économique. Hegel lui partait de l'intégration dialectique des visions du monde pour expliquer l'histoire comme sa matérialisation. Il y a à l'évidence un va-et-vient entre l'infrastructure technologique et la superstructure culturelle. Une nouvelle approche technologique et scientifique a pu générer une nouvelle approche de l'expérience spirituelle et réciproquement une vision spirituelle a pu inspirer de nouvelles conceptions scientifiques et technologiques.

La question technologique se pose donc à notre stade postmoderne systémique ou hypermoderne soit à partir de notre compréhension spirituelle soit à partir de nos connaissances scientifiques.

Nous pouvons nous représenter à partir de connaissances scientifiques au moins de manière grossière une hiérarchie où chaque niveau matériel est le résultat d'un zoom à partir d'un niveau matériel plus grand ou plus petit. Notre zoom se perd ainsi dans l'infiniment grand et dans l'infiniment petit. Cependant à un niveau subtil et donc d'un point de vue plus spirituel, il y aurait une convergence entre la vacuité spirituelle où tout ce qui apparaît paraît et la découverte d'un niveau matériel d'où sourdiraient toutes les formes matérielles (un vide quantique ?). Faut-il faire une identification entre ces 2 approches ?

Ceci reste discutable à un niveau causal car le vide quantique est encore quelque chose alors que l'esprit en lequel apparaît toute chose est à la fois rien et capable de tout ce qui y apparaît. Le vide quantique est une manifestation, la vacuité au fond est une non manifestation, une non existence, une absence où se présente toute apparence : un Rien et un Tout simultanément.


Dans les milieux spirituels, on aime à ramener l'expérience directe de la vacuité à une réalité quantique : cette identification me semble donc contestable. C'est Ken Wilber qui le premier a incontestablement éveillé des doutes en moi au sujet des discours spiritualo-new age ramenant tout à de la mécanique quantique.

Quand l'hypermoderne se positionne en transhumaniste spiritualiste qui envisage d'abord l'évolution comme évolution biotechnologique, il manque alors un point capital que celui qui entre plus profondément et directement dans l'expérience spirituelle trouvera évident : toute connaissance mentale est toujours en marge de la connaissance de l'essentiel qui est non-mentale et donc ainsi hors de portée de tout arraisonnement technoscientifique. J'ai déjà évoqué ce point en partant d'une compréhension de la panne et de l'usure : on trouvera ici le lien avec cette réflexion. Mais on peut aussi développer une approche mettant en valeur l'essence du réel qui montre en quoi elle ne peut pas s'inféoder à une matérialité structurée technologiquement.

La technique n'a une action que sur des concrétisations du vide énergie. L'évolution comme on peut le voir au niveau causal se produit au croisement de l'infiniment grand et de l'infiniment petit, du microcosme et du macroscosme en lequel s'exprime ce vide énergie - force de conscience. Au-delà le non manifesté lui-même manifeste ce vide énergie - force de conscience : aucun technicien ne pourra donc jamais manipuler directement cette dimension première de la manifestation comme en amont d'elle la vacuité où se tient la source d'où pourtant s'est manifesté le génie technique jusqu'à présent et plus généralement l'évolution consciente de la conscience.

L'homme technicien et scientifique se tient toujours en aval de ce qui sourd à travers ce vide énergie. Il ne peut pas prendre dans son filet la Vie divine elle-même et sa force de conscience. Par exemple, le technoscientifique peut envisager d'allonger la vie humaine mais il ne peut pas matériellement lui conférer l'éternité qui caractérise la vacuité. Plus globalement comme cette Vie divine sourd en tout en tant que force de conscience, elle peut contourner n'importe quel détournement pensé technoscientifiquement et mener ailleurs son propre déploiement tout en le coordonnant à ce qui d'elle traverse le détournement technoscientifique en en montrant ainsi les limites.

S'il prend au sérieux le niveau causal et proprement non-duel, le technicien deviendra plus modeste, il aura la claire conscience d'une limite ontologique de toute visée scientifique et technique qui présuppose une prise d'objet(s) sur d'autre(s) objet(s) alors que le fond ultime sur lequel tout se manifeste est un non-objet. La visée transhumaniste de créer une humanité 2.0 paraît dès lors peu convaincante. Où est dans cette idéologie transhumaniste l'alignement de l'acte créateur avec sa source profonde ?

Par exemple, je remarque qu'en médecine ou en agronomie, ces dix dernières années, les progrès vraiment solides impliquent souvent une participation active du patient ou une participation plus consciente au fonctionnement de l'écosystème. En psychiatrie, les Thérapies Comportementales Cognitives ont produit des résultats plus solides que les progrès concernant des molécules chimiques comme il y en avait eu dans les années 70, 80, 90. En ce qui concerne l'agronomie les OGM ont été largement moins convaincants que les résultats obtenus par l'agroécologie.

Concernant l'immortalité et l'éternité, nous ne saurons pas vaincre technologiquement la panne ou l'accident. Nous pouvons régénérer semble-t-il les cellules âgées, l’espérance de vie humaine augmentera considérablement dans un futur relativement proche même si on ne pourra pas vraisemblablement éviter des morts par accident. D'autre part il n'est pas certain que les cellules du cerveau puissent être régénérées : ne perdraient-elles pas à l'occasion la mémoire et la structure qui la nécessite ? Dès lors là encore c'est bien l'esprit qui donne forme au cerveau qui seul pourra éviter les limites que les cellules cérébrales rencontrent durant le vieillissement. La plasticité cérébrale qui a été découverte ces dernières années ou les Expériences de Mort Imminente qui interrogent nos approches encore trop matérialistes suggèrent là encore la nécessité d'une participation active et directe du sujet à son probable allongement considérable de l'espérance de vie dans le sens d'une participation de plus en plus consciente de notre matérialité charnelle à l'éternité de l'esprit.

Angelus Silesius dans Le Voyageur chérubinique donne à ce sujet une piste spirituelle capitale qui n'est pas sans rappeler les positions de Spinoza sur la vision éternelle de chacun de nos instants corporels qui nous confère ainsi une forme d'immortalité :
La créature est plus en Dieu qu'en elle-même ; Qu'elle périsse, elle ne cessera jamais d'être en Lui. [I, 193]
Nous pouvons comprendre que toutes nos sensations, pensées, émotions, toutes nos formes énergies sont en l'esprit, en ces ténèbres lumineuses ou vacuité. Si nous allons au-delà de notre conscience personnelle égocentrique c'est-à-dire au-delà de notre réalité de créature ou de manifestation psychologique (psyché), nous trouverons l'essence personnelle de notre dimension éternelle en laquelle toute notre histoire se déroule. Il nous faut déjà périr à notre conscience usuelle centrée sur l'ego pour vraiment comme un goutte d'eau disparaître dans le vin divin et y renaître dans l'évidence qu'il y a une dimension profonde de nous-même qui est immortelle. [pour creuser ce point on peut aller ici sur mon carnet philosophique]

Cette dimension immortelle n'est ni du monde des sensations, ni du monde des émotions ni non plus des pensées. Mais autour d'elle s'intègre plus certaines pensées que d'autres, plus certaines émotions et sentiments que d'autres, etc.

Au-delà de ces couches de conscience-énergie pouvons-nous transformer celle qui constituent notre dimension matérielle à partir de notre transformation en la vacuité ou ces ténèbres lumineuses ? Nous sommes le rejetons de l'esprit où tout paraît mais nous n'avons pas encore accès à cet acte par lequel il pose par le vide quantique ou une autre dimension qui nous est encore inconnue l'évolution de la matière.

La science nous a révélé par son approche indirecte et extérieure ces réalités. Peu de spiritualités du passé ont creusé dans cette direction.  Mais des voies traditionnelles comme celle des taoïstes montrent un passage entre action extérieure (gestes du qi gong, acupuncture, etc.) et une action intérieure (manipulation des énergies par l'imaginal) qui ont des effets jusqu'au plan physique.

L'homme relié à son essence peut-il y découvrir un chemin qui l'attend pour aller au-delà dans la spiritualisation consciente de la matière ?

Le pouvoir créateur du Suprême

La Mère Divine, le pouvoir créateur du Suprême
A entrepris la création d’une vie divine sur terre.
Elle est également présente dans le cœur secret de l’homme.
La plupart des êtres humains ne sont pas conscients de sa présence.
La conscience physique de l’homme agit comme un mur très opaque
Entre son âme, l’être psychique et la personnalité extérieure.
Aucun effort humain le plus intense soit il, même héroïque ne peut casser
Cette barrière, cette séparation entre nous et l’Esprit.
L’homme est une création, une manifestation partielle du Divin.
Si la force divine surgit de l’intérieur et se déverse d’au dessus,
l’être psychique est libéré dans le mental, le vital et le corps.
L’être psychique est l’être immortel dans l’homme.
Le mental, la vital et le corps, chaque atome dans l’univers renferment
L’élément psychique en eux, la présence divine.
La matière dans sa vraie nature est une substance spirituelle.
Il n’y a rien ici ou ailleurs qui ne soit pas l’Esprit,
Qui ne soit véritablement le Brahman, la substance de Dieu, la Mère Divine.
L’homme est une image défigurée, déformée, incomplète du Divin.
Mais l’homme un jour révèlera le Dieu magnifique qui est en lui.
Nous vivons seulement un court instant dans l’éternité du temps,
Nous n’avons aucune vision, nous sommes impatients, c’est pourquoi
Nous ne voyons pas,n’apprécions pas le lent et long travail
Pour la perfection de la Mère Divine.
Cette évolution même à pas de géants prendra des siècles.
Si nous aimons la Mère Divine, et aspirons à La servir alors par sa Grâce ,
Nous aurons une vraie vision spirituelle détaillée du travail
Et du procédé de transformation qu’Elle a entrepris.
Alors au lieu de nous plaindre nous pouvons collaborer avec la Mère
Et ainsi accélérer la manifestation divine.
Que notre aspiration soit sincère
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Poème Niranjan Guha Roy
Illustration Christine Alkov