lundi 28 janvier 2013

CERTAINES RELIGIONS VALENT-ELLES MIEUX QUE D'AUTRES ?

Certaines religions seraient pires ou meilleures que d'autres, argumentent certains. 
Du point de vue d'une vision où on prendrait au sérieux une évolution de la conscience, cette affirmation semble fort ambiguë : émane-t-elle d'un ethnocentrisme subtil, d'un modernisme affirmé ? En tout cas une affirmation de cette ordre n'est certainement pas postmoderne. Et son imprécision ne permet pas de la dire intégraliste.

Les religions ont toutes eu un moment évolutif où elles ont tiré les hommes en avant y compris dans les luttes qu'elles ont générées entre elles et au sein de leur propre développement. On peut considérer que les religions sont des manières de vivre et de ce point de vue rares sont celles qui amènent une société à l'effondrement y compris les plus intolérantes, fanatiques ou les plus pessimistes sur la vie et son devenir.

Dans cette discussion il faut reconnaître que de nombreuses religions et sectes religieuses sont apparues et ont disparues au cours du temps. Par essence, le discours religieux qui parle des choses éternelles semble ignorer que sa propre permanence est  fort peu probable. Le christianisme dans l'apocalypse de Jean a pressenti la possibilité d'être délaissé socialement mais en affirmant sa vérité à la fin des temps. Seul le bouddhisme a peut-être pressenti ce destin inéluctable le concernant comme destin de tout ce qui apparaît et inévitablement ensuite disparaît.

Aucune structure mentale n'est à jamais apte à s'adapter pour rester dominante. Toutes les structures ne se valent pas mais cette non équivalence vaut essentiellement face au devenir. Tel groupe d'espèces dominant l'écosystème s'est fort bien renouvelé jusqu'à être appelé à ne devenir plus que secondaire : les oiseaux sont semble-t-il le reliquat le plus visible du règne des dinosaures.
La modernité rend infailliblement les religions secondaires. Tous les États modernes ont produit une forme de sécularisation sur le plan du droit et des lois. D'ailleurs la modernisation à côté de la défense de la liberté de pensée est passée parfois (et passe encore) par une forte suspicion voire persécution à l'égard des mouvements religieux. Au final une carte montrera un recoupement étroit entre incroyance et modernité :

Répartition des incroyants dans le monde soit plus de 15% de la population mondiale.
Pour s'adapter à ce nouvel état de chose, les religions doivent renoncer à être dominantes. La modernité promet une place au soleil et non plus un salut hypothétique en dehors du monde. Certains estiment que telle religion est meilleure que telle autre en considérant leur adaptation à la modernité. Mais ils oublient que toutes les religions même celles en apparence les plus pacifistes ont été socialement dominantes et ont par divers moyens essayé de garder cette position. Face à la modernité, elles ont dû cédé la place. Survivre a impliqué pour de nombreuses religions d'accepter leur position relative. Certaines populations commençant juste à entrer de plein pied dans la modernité, leurs religions se trouvent précisément à ce carrefour. Ce processus peut prendre un certain temps d'autant plus qu'une religion garde une aire géographique en dehors d'un fort mouvement de modernisation. Le moderne n'envisage guère d'accompagner une religion dans son aggiornamento moderne et une religion qui dans une grande part est en marge de la modernité lui semblera la pire de toute.
Le point de vue intégraliste le plus conséquent estime que le temps des religions est révolu c'est-à-dire de toute religion. D'un point de vue intégraliste, seule la spiritualité importe. Comme les philosophies, les religions (toutes les religions dignes de ce nom) véhiculent ou ont véhiculé de la spiritualité. Mais passées à la moulinette postmoderne, rien n'empêche des pratiques spirituelles empruntées à plusieurs traditions religieuses. La modernité vit de ses ennemis. Quand ses ennemis ne sont plus en mesure de lui barrer la route, son rationalisme et son matérialisme spirituel entre dans la crise postmoderne. Le moderne n'envisage pas l'approche postmoderne d'un dialogue qui forcément donne à l'autre une place en tant que personne et non en tant que membre d'une société croyante. Le moderne généralise car il rationalise : il affirme considérer la personne mais en dehors de son identité culturelle, il n'envisage pas une transformation d'une identité mais un rapport abstrait à des idées. Il ne comprend jamais vraiment le sens intégraliste d'une évolution des mentalités : une dialectique monologique d'idées n'est pas une dialectique dialogique ou une hyperdialectique s'ouvrant à l'intuition.
Pour l'intégraliste authentique, les querelles dogmatiques importent de moins en moins, seule compte l'exploration directe d'une dimension de la réalité dont les religions n'avaient été que des dépositaires d'une lumière partielle rarement redéployée et libérée sans des querelles dogmatiques, des schismes, des hérésies (des différences d'interprétations), des anathèmes, etc. L'intégraliste authentique ne transforme pas son expérience spirituelle limitée en vision du monde car il est ouvert à la possibilité d'expériences spirituelles qu'il n'a pas. Son sens critique ne se transforme pas en justification exclusiviste de sa vision du monde. Pour l'intégraliste le scepticisme et le relativisme postmodernes ne sont plus centraux mais ils demeurent  comme moteurs d'un sens de l'ouverture au possible.