vendredi 3 août 2012

ERREUR HYPERMODERNE D'UNE EVOLUTION HUMAINE PAR LA TECHNOLOGIE.

Dans son livre La vie vivante, Jean-Claude Guillebaud résumant les idées du transhumanisme  écrit :
«Que faut-il entendre par singularité ? Pour Kurzweil, nous sommes à la veille d’un « saut » technologique tellement décisif – et définitif – que nul ne peut encore le décrire. Tel est le vrai sens du mot. Il nous invite à imaginer un horizon au-delà duquel le futur s’apparente à un trou noir inobservable. Son avènement résultera de la convergence et surtout l’accélération des nouvelles technologies, mais aussi et surtout des progrès de l’intelligence. Kurzweil ajoute que si les avancées obéissaient jusqu’alors à un rythme exponentiel, ce sera leur accélération elle-même qui deviendra exponentielle. On emploie à ce sujet une expression empruntée à Buckminster Fuller : l’accélération accélérante.
Cela signifie que le nombre des innovations ira se multipliant, tandis que ­l’intervalle entre chacune d’entre elles se raccourcira sans cesse. À ce jeu, les transformations de l’humanité au cours du seul XXIe siècle devraient être équivalentes à toutes celles qu’elle a connues au cours des 20 000 années précédentes, et peut-être plus considérables encore.

La rapidité de leur enchaînement les rend imprévisibles. On peut seulement dégager quelques-uns des bouleversements attendus : dématérialisation et amplification conséquente de la réalité, multiplication des machines intelligentes capables de se reproduire elles-mêmes, prédominance universelle du concept d’information, enchevêtrement généralisé de l’organique et du machinique, etc. La dernière étape du processus devrait être, selon Kurzweil, celle d’un « éveil » de l’univers entier à la conscience. Dans tous les cas, l’espèce humaine telle que nous la connaissons disparaîtra.

À ce stade, les règles ordinaires de la prospective ne s’appliquent évidemment plus. On est dans le registre du prophétisme, ce qui vaut à Kurzweil d’être présenté comme un techno­prophète. En définitive, il n’est pas loin de faire siennes les hypothèses du jésuite et paléontologue français Pierre Teilhard de Chardin (1881-1955), inventeur du concept de noo­sphère, du point oméga et du Christ cosmique – réflexions qui lui valurent les foudres du Vatican dans les années 1950 et 1960. On a d’ailleurs oublié que, dans son livre l’Énergie humaine, Teilhard s’était déclaré favorable à une amélioration de l’homme par lui-même, jusqu’à l’apparition possible d’un « type humain supérieur ». Il nous faut « aider Dieu », ajoutait-il, « comme si notre salut ne dépendait que de notre industrie ».

Dans ses écrits et ses déclarations, Kurzweil revendique pour l’homme la liberté de remodeler sa propre espèce. Six siècles après la Renaissance italienne, il prend au pied de la lettre le discours historique du philosophe et théologien italien Giovanni Pic de la Mirandole (1463-1494), lequel proclamait dans son Oraison sur la dignité humaine : « À l’homme il est permis d’être ce qu’il choisit d’être. » Kurzweil rejette ainsi toute espèce de freins, limites et interdictions qui, au nom de la prudence ou de l’éthique, empêcheraient l’homme d’aller « plus loin ». Son dernier livre contient une profession de foi enflammée, qui coïncide avec celle du mouvement transhumaniste. « Nous voulons, proclame-t-il, devenir l’origine du futur, changer la vie au sens propre et non plus au sens figuré, créer des espèces nouvelles, adopter des clones humains, sélectionner nos gamètes, sculpter notre corps et nos esprits, apprivoiser nos gènes, dévorer des festins trans­géniques, faire don de nos cellules souches, voir les infrarouges, écouter les ultrasons, sentir les phéromones, cultiver nos gènes, remplacer nos neurones, faire l’amour dans l’espace, débattre avec des robots, pratiquer des clonages divers à l’infini, ajouter de nouveaux sens, vivre 20 ans ou deux siècles, habiter la Lune, tutoyer les galaxies. »
Gérard de Dunkerque a publié sur son blog Yoga des cellules cet extrait de l'Agenda de Mère, tome 1, qui apparaît aussi dans ses Entretiens 1957-1958 :
Dans la vie ordinaire, tout est artificiel. Selon la chance de votre naissance ou des circonstances, vous avez une position plus ou moins élevée ou une vie plus ou moins confortables, non pas parce qu'il est le spontané, l'expression naturelle et sincère de votre façon d'être et de votre besoin intérieur, mais parce la fortuité des circonstances de la vie vous a mis en contact avec ces choses. Un homme absolument sans valeur peut être dans une position très élevée, et un homme qui pourrait avoir des capacités merveilleuses de la création et l'organisation peut se trouver dans une position laborieuses assez limité et inférieur, alors qu'il serait un individu totalement utile si le monde était sincère.
C'est cette artificialité, cette sincérité, cette absence complète de la vérité qui paraissait si choquant pour moi que ... on se demande comment, dans un monde aussi faux que celui-ci, nous pouvons arriver à une évaluation sincère des choses.

Cette façon d'envisager l'évolution est à mille lieu des thèses du transhumanisme (dont on trouvera en cliquant ici une présentation synthétique) souvent évoquées et reprises par certains membres du mouvement intégral.
Ce qui est mis en avant est ici la question que Bergson avait mise en avant sans vraiment la résoudre : comment éviter que la puissance technique serve la volonté de brutes ? La science mise en œuvre pour développer une technique est souvent sans rapport avec la qualité de conscience de ceux qui en usent. Mère lorsqu'elle évoque son expérience du supramental nous parle d'une conscience plus consciente au cœur même de ses actions dans la matière et non d'une conscience dotée de plus de puissance. Dotée de plus de puissance, une conscience humaine ordinaire a des possibilités étendues mais qui n'en reste pas moins ordinaire.
Pour ceux qui envisagent une spiritualité transformant le monde et non seulement une spiritualité libératrice de la finitude égocentrique, il est souvent difficile d'envisager une transformation du monde en dehors d'une extension de nos possibilités d'être par la technique. Si la technique peut allonger la vie en reculant les processus de la mort agissant dans nos cellules, si elle peut faciliter nos possibilités de communiquer ou si elle peut renforcer notre mémoire, elle ne peut pas nous donner accès à une connaissance directe de la conscience force qui anime tous les phénomènes y compris ceux de la matière. Accepter philosophiquement que l'évolution pourrait aller dans cette direction d'une conscience de cette sorte différente de notre conscience mentale revient à commencer à accepter la possibilité d'une conscience supramentale. Ceci reviendrait à accepter qu'une telle conscience nous soit aussi étrangère que notre conscience mentale semble étrangère à une mouche se heurtant à une vitre quand pourtant elle est ouverte.

Accepter cette possibilité revient aussi à être plus sincère en ce qui concerne l'évaluation de notre monde actuel. Qu'est-ce qui donne accès au confort technique aujourd'hui si ce n'est le pouvoir de l'argent ? Que valent spirituellement la plupart de ceux qui disposent de l'argent qui leur donnera les privilèges des nouvelles technologies de la vie prolongée par exemple ?



Malheureusement nous revenons à cette erreur fréquente dans la mouvance intégraliste côté Wilber : le rendez-vous avec des leaders visibles de l'évolution de la conscience en octobre est bien caractéristique de ce défaut. Celui qui paiera 200 euros pourra être aux premières places et partager un repas avec les conférenciers. Soit il s'agit pour ce mouvement de trouver de riches mécènes, soit on continue à penser que la richesse reflète une valeur et que ce mouvement prendra de l'ampleur en s'appuyant sur les plus riches et puissants. Pourquoi par exemple à côté des plus riches motivés, les plus jeunes qui s'intéressent à ce genre d'événement n'auraient-ils pas une place privilégiée et la chance de parler plus intimement à ces leaders ?

Pour faire évoluer la culture, il y a le désir d'avoir de l'influence mais cette recherche d'influence n'est-elle pas sans valeur devant l'aspiration à rechercher une réelle profondeur d'être ?

Mais il est facile de critiquer sans rien faire pour faire évoluer la conscience collective... Cependant, il y a une critique constructive possible.



A ce sujet nous citerons ce texte :

Méditation sur la Sagesse suprême

Niranjan Guha Roy 1982

Méditation

Il y a une Sagesse englobant tout qui préside sur les destinées de chacun.
En dernière analyse, tout ce qui arrive est pour notre progrès.
Il y a toujours une plus grande possibilité à notre portée
Cela dépend de notre aspiration, intensité et de notre désir d ’avancer.
Si le Divin veut surgir dans une âme, rien ne peut l ’en empêcher. C’est Sa décision.
Plus je suis en contact avec le Divin, plus je perds le zèle missionnaire.
Je n ’ai aucun désir de former une communauté,
D ’imposer la spiritualité ou une discipline aux autres.
Je vois le Pouvoir à l’œuvre et je lui offre notre travail.
Il y a de moins en moins d ’initiative personnelle dans le travail.
« Que Ta Volonté soit faite » est devenue une formule vivante,
Une sincère attitude dynamique maintenant pour la vie spirituelle et matérielle.
Le vrai travail spirituel est plus intérieur qu’extérieur
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