D'un côté le ciel de l'esprit et la lourdeur du corps qui ne cesse d'empêcher d'y convoler. D'où l'ascétisme.
En face les bons-vivants de la terre qui ne voient que de la matière à manipuler, des substances à fabriquer, des principes actifs pour régler mécaniquement l'insoluble et trouver la paix les désirs satisfaits.
J'ai goûté et goûte encore les joies de la matière. Mais un je ne sais quoi de ma conscience a encore soif et appelle de ses voeux encore de plus grands mystères de joie. La chair n'a pas encore connu la joie qui se pressent dans cet appel.
Je suis d'accord avec le fait de la matière. Certes je ne suis pas que ce corps et c'est là la porte des joies mystérieuses : je suis le corps même de l'univers qui cherche à prendre conscience de lui en cet individu.
Vu de loin l'univers que je suis est magnifique mais vu de plus loin encore, il devient comme vide et noir. A l'inverse vu de très près je ne comprends que sa puissance nuclèaire, sa fission thermonucléaire. Je suis ce grand corps mais il y a du subconscient en ce vaste corps. La nature que je suis n'a guère de respect pour nous autres individus en qui elle se réverbère pourtant. Elle a laissé ses griffes bestiales plantées dans nos circonvolutions cérébrales. Nous ne manquons de nous les renvoyer les uns à la face des autres. Qu'est-ce que cette horreur ? La nature que je suis se fait-elle encore payer le prix de son arrachement à son moment de matière uniforme et sans qualité qu'était la soupe d'énergie-espace-temps primitive ?
Seulement voilà ! Le matérialiste rationaliste persiste et ne veut voir dans cette grimace poussée par la matière qu'un problème mental. Ce serait juste une idée à réformer, une molécule à déplacer. Mais que valent ces solutions ? Nous voyons bien le monde aller de mal en pis depuis que le moindre mouvement est technocratisé, administré, etc.
Mon amitié pour la non-dualité réformée qui refuse l'ascétisme passé et l'orgueil rationnel pour vivre l'esprit apaisé m'insuffle qu'au final tout est conscience.
Pourtant je vois bien une grimace dans la matière. Je vois bien mon propre reflet d'individualité grimaçant dans les eaux subconscientes en y pensant. J'entrevois bien plus de mouvements de forces noirâtres m'entourant dans la lumière de mon essence transparente. Je colle de plus belle au vide de la conscience pour dénier au subconscient de la matière toute réalité.
Car il ne me viendrait pas à l'idée que la conscience est effectivement là dans la matière une lumière surabondante de joie pour l'instant subconsciente. Mais je me souviens : il ne me restera plus bientôt qu'à convoler au ciel en laissant l'horreur calmement se dérouler dans l'illusion matérielle toute faite selon ma non dualité de conscience. Heureusement il y a en moi le refus d'une inconnaissance divine seule libérée béate des limites intellectuelles. Dans mes nuits, il y a bien des royaumes entrevus qui se sont refermés posant une chappe de plomb sur le petit qui n'est pas prêt à les réaliser. Il y a des rayons d'or qui sont venus de puis l'autre côté qui m'ont rendu insatisfait de cette paix.
Parfaitement sur l'arrête de la matière et de la conscience, il y a un soleil plus profond que la paix de la conscience, un soleil suprapaisible. Il se lève d'un côté et de l'autre. Il s'ancre dans le corps d'énergie vitale et au-dessus du Ciel. Il va de l'un à l'autre, tire sur l'un, attire l'autre. Il y a un chemin dans le corps qui éclate les bulles de Ciel les plus basses. Une source sans précédent de précisions détaillées dans le vécu de la conscience surgit du nuage d'inconnaissance de la conscience où vacuité et apparence de matière venaient s'abîmer.
Supraconscience et infraconscience se découvrent de chaque côté du tout est conscience jusqu'à la limite de l'ignorance de cet instant. L'infraconscience d'en bas est aussi celle d'en haut et la Supraconscience d'en haut se révèle à la fin toujours bien en bas. Connaitrais-je à la fin ce feu sous le roc noir de la matière dont nous parle Sri Aurobindo, Mère et Satprem ?
Tout est prise de conscience dans la rondeur de la joie de celui qui se découvre peu à peu matérialiste divin.
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