lundi 26 août 2024

Nos défis d'amour à relever.

Tableau de Gustave Caillebote


Il y a des défis d'amour à relever. 

Parfois, être en paix et laisser de côté les faux semblants, c'est encore servir un désir et ne pas aller jusqu'au bout de l'amour. Chercher à goûter la paix en modifiant les circonstances, cela reste un désir de paix et non l'établissement dans la paix intérieure sous la forme d'une équanimité intérieure absolument indépendante des circonstances.

L'amour vrai croît dans la paix intérieure : sans mélange, il n'attendra plus rien en retour. 

La paix en vérité, c'est l'équanimité intérieure incarnée dans tous les aspects de notre individualité. Alors que des défaites intimes, des coups reçus, des attaques ciblées parviennent bien à faire tomber la demeure édifiée de mon empreinte personnelle, l'équanimité demeure. Et sur ces ruines, au milieu d'éboulements continus, dans la fumée des gravats, la foi tranquille en l'action divine demeure étonnament toujours là. 

L'équanimité ancrée dans une foi sans attente personnelle, une confiance sans assurance garantie, est une disponibilité radicale à une transformation en l'amour vrai. L'amour humain a des attentes ; sans aucun retour, il s'épuise, il perd facilement confiance. Ces faiblesses de l'amour humain peuvent commencer à être purifiées lorsque l'équanimité, la foi et la confiance en l'action divine croissent en nous.

Il est parfois utile d'admettre que notre cœur est encore trop petit pour telle situation, plutôt que d'édifier ou nourrir un ego spirituel sans aucune réelle ressource. Ce défaut de ressource en amour vrai prédispose à des montées d'impulsions dépressives. Quand,  peu à peu, nous pouvons apprendre à trouver une aide intérieure et à la recevoir, nous n'avons plus à fuir automatiquement ce qui dépasse les forces vitales de notre ego. Notre rapport aux circonstances et à notre situation change, nous devenons réceptif à la grâce intérieure, nous pouvons coopérer plus aisément à son œuvre. Et ce rapport sera encore davantage apaisé et conscient quand  la transformation du cœur impliquera de plus en plus de nos subpersonnalités et, au-delà, lorsque la soumission à la divinisation de notre individualité s'amplifiera. Les circonstances extérieures qui provoquent l'effondrement  de l'ego au niveau de ses traits de caractère ancrés dans le subconscient deviennent alors une accélération de notre individuation divine, c'est-à-dire de la croissance psychique de notre âme vraie.

L'âme vraie, c'est le fond du cœur et ça ne peut que servir ce fond du cœur de l'autre. Tel est, par essence, l'amour divin de l'âme. L'amour humain ne peut se purifier que par l'influence croissante de l'amour vrai inhérent à notre âme. 

Par essence aussi, l'âme se sait et se sent hors d'atteinte de tout inconfort et de tout danger. L'équanimité est un pouvoir de l'âme, une par nature avec la paix intérieure immuable. 

En l'essence de l'âme, amour Divin, foi et équanimité sont indiscernables. Le noyau d'être de l'âme est une goutte de vie divine. Celui en qui l'influence et la présence de l'âme émerge s'éveillera à une conscience directe de sa nature divine. Il se vivra enfant du Divin.

L'équanimité profonde de l'âme se vit donc comme le fait d'être l'enfant protégé du Divin. Un enfant du Divin n'aspire qu'à l'amour du Divin. Le reste, c'est de l'ego et des désirs. Certes, il faut bien s'occuper pendant longtemps de nos désirs comme un parent de ceux de ses enfants, tant qu'ils n'ont pas été soumis à une maturation humaine suffisante, et plus radicalement, à la transformation divine. 

Pour la grande majorité des gens, les désirs et les élans du cœur ne se distinguent pas bien. Pour certains, être libre du désir amène l'émergence de cette distinction : certaines aspirations du cœur et de l'âme vraie seront suivies, rendant certains objets de désirs beaucoup moins attrayants. Cette prédominance de l'influence de l'âme à travers le cœur sur certains plans personnels n'empêche pas d'autres dimensions personnelles d'être encore sous la prédominance du désir. Ces discontinuités d'intégration autour de l'ouverture du cœur et de l'être psychique de l'âme dessine une aventure spirituelle.

S'il y a maturation et transformation, arrive un temps où l'appel du cœur et de l'âme peuvent prévaloir de plus en plus continûment. Et il y faut notre obéissance à la commande. Les désirs de paix et de tranquillité de notre ego spirituel sont souvent en porte-à-faux avec la commande divine. Celle-ci, suivie quoi qu'il en coûte à notre ego, produira une émergence psychique du pouvoir réel d'équanimité intrinsèque au Divin. Si peu à peu l'amour du divin nous a suffisamment rendu réceptif à son appel au bien, au beau et au vrai, il nous appartient d'y répondre ou non. Si nous avons cette sincérité, à ce moment-là, disparaît de plus en plus toute forme d'écart intérieur ou de distance entre le fond authentique de notre individualité et la vision en première personne (vision partagée par Douglas Harding). 

L'âme, c'est ce point où une véritable individuation en parfaite harmonie avec le Devenir Divin est une évidence indubitable. L'échelle alors n'est plus celle d'une courte vie humaine. Notre âme de nature divine partage l'éternité atemporelle de l'Être Divin et la sempiternité du Devenir Divin. Si ceci relève encore de la croyance ou de la spéculation, notre âme vraie d'essence divine nous est encore inconnue.

L'âme pressent que tout est Un et elle grandit dans l'intelligence du Devenir. Avant d'incarner cette intelligence au-delà de l'intelligence mentale, elle la vit comme présence et action de la Mère divine. 

Quand la voix du Divin s'entendra à travers notre âme, il serait dommage que notre ego, qui demeure encore en surface de nous-même n'obéisse pas à la commande divine. L'ego, même spirituel, même imbibé d'un mental spiritualisé peut ne pas être un bon serviteur de l'amour du Divin. Il peut vouloir continuer à améliorer la façon de vivre sa situation et ses relations alors que le progrès de l'âme exige une aventure périlleuse pour l'ego voire une rupture avec ce qui nous disperse de notre profondeur. 

En intégrant tout ce que nous sommes autour du centre véritable de nous-mêmes qu'est notre âme, la division entre l'impersonnel et le personnel, l'individuel et l'universel n'a plus de sens... 

La vacuité universelle et impersonnelle découvre désormais une dimension divine personnelle et individuelle qui en est inséparable. La seule présence de la vacuité est désormais ressentie incomplète quand la présence divine de l'âme se retire, à cause de notre insubordination au Divin. Réciproquement, il ne peut y avoir la présence de l'âme sans être consciemment vacuité, paix intérieure. L'ego qui a suivi une impulsion qui étouffe et ferme à la présence de l'âme ne manque pas ensuite d'être sollicité par des impulsions qui cherchent à lui faire perdre de vue la présence pacifiante de la vacuité.

Le Devenir est une joie en mouvement dont l'âme est une onde. Le désir, le plaisir, la peine, la douleur demeurent peut-être encore, mais ils sont bien vus comme un restant de l'ego séparateur. Ils sont le symptôme de l'inachèvement de notre transformation divine.

La vision en première personne arrache la tête de l'ego, son égocentrisme, mais pas ses racines que sont le désir, la recherche du plaisir et leur revers qu'est la souffrance. La vision en première personne fait de nous des personnes libres de leurs désirs, mais pas des êtres libérés du désir.

Pour cela, il faut trouver son cœur et, dans son cœur, il faut trouver son âme et la conscience vraie du Devenir, la Mère divine, dont la substance est aussi celle de notre âme.

 L'horizon d'être un pur instrument entre les mains du Divin peut alors commencer à se concrétiser. Ce n'est plus ce qu'on aime, ceux qu'on aime, dans un endroit qu'on aime. Ce que nous sommes vraiment, c'est le Divin et son Devenir. Et pour Être et Devenir ce que nous sommes vraiment, pour que la filiation divine de notre âme l'emporte sur notre subconscient animal, notre ego doit être transformé à l'image d'un soldat qui s'exécute sans délai et sans ménagement pour sa petite personne. Un bon soldat n'est-il pas prêt à donner sa vie, juste le temps du salut militaire marquant déférence et obéissance à son supérieur venant de lui ordonner une mission périlleuse ?


Tableau de Gustave Caillebote 


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