Présenter la laïcité de 1905 comme neutre et bienveillante vis-à-vis des options métaphysiques et religieuses est l'interprétation type Pena-Ruiz.
Avec Jaurès, je pense que la laïcité 1905 met en avant la spiritualité en tant qu'expérimentation intérieure
tout comme la science au-delà des religions et des métaphysiques matérialistes athées anti-spiritualistes.
L'enseignement de philosophie à la
plupart des élèves français, enseignement qui n'exclut pas Plotin,
Platon, stoïciens, augustiniens, cartésiens et autres spiritualistes suggèrent cette non neutralité d'ordre argumentative, rationnelle, phénoménologique et expérimentale. D'autre part, L'enseignement laïque prend lui en compte la nécessité du point de vue athée, d'ailleurs souvent lui-même porteur d'une spiritualité anti-religieuse comme chez Spinoza,
Schopenhauer, etc. Ainsi une laïcité promouvant la philosophie n'a rien de neutre spirituellement. On demande d'être capable de ne
pas être enfermé dans la vérité d'une croyance indubitable et dogmatique
: ceci est un acte spirituel capital pour que l'amour tolérant soit
toujours au-delà de tout attachement dogmatique. La religion est
particulière, la spiritualité a une dimension universelle testable et
expérimentale. Bon nombre de rituels culturels dont ceux proposés par les religions n'auraient plus lieu d'être dès lors que l'horizon spirituel d'un au-delà des religions aujourd'hui nécessaire pour la paix civile se manifesterait politiquement.
Sur ce point avec d'autres, je me reconnais d'autant plus
dans la laïcité 1905 que je pense que les spiritualités doivent se
libérer des religions pour mieux s'intégrer et s'universaliser dans une
science de l'intériorité. Celle-ci commence à s'imposer en sciences avec la
neurophénoménologie, une science du cerveau et de la conscience qui a émergé dans les années 1990 avec Francisco Varela. Plus récemment celle-ci devient inévitable avec les
thérapies cognitivistes et comportementalistes de 3ème génération comprenant la médiation laïque de pleine conscience ou
encore avec les travaux comportementaux sur le bonheur. Les religions
proposent d'adorer et de perpétuer des traditions, les spiritualités ont
toujours été des innovations. La plupart ont essayé longtemps de se
fondre dans le moule religieux. Parfois cela a coûté persécutions (Saint Jean de La Croix, Mme de Guyon, etc.). Mais depuis le fin du XVIIIème, les
nouveautés spirituelles les plus importantes se sont développées en
dehors des cadres religieux sans ré-instituer une nouvelle religion : les
mouvements francs-maçons, Ramakrishna et Vivekananda qui ont
témoigné de l'unité fondamentales de l'expérience du divin au-delà des
religions, tout le courant néo-advaïta (Papaji, Atmananda Krishnamenon, Prajnanpad, etc.), le courant de non dualité (Douglas Harding, Eckhart Tolle, J. Krishnamurti, etc.), le mouvement
laïque de la méditation de pleine conscience qui s'impose aujourd'hui de plus en plus dans
les milieux des thérapies psychologiques en France et aussi déjà dans les milieux scolaires de divers pays occidentaux, et enfin le mouvement intégraliste (Bergson, Sri
Aurobindo, Mira Alfassa, Satprem, Ken Wilber, etc.) qui conçoit un art d'évoluer consciemment et nous permet de mieux prendre d'un développement de conscience inégal que le postmodernisme ignore en ayant une vision discutable de l'égale dignité des personnes et des cultures.
Une enquête sociologique
récente montre la montée significative (Barbier-Bouvet, Les nouveaux aventuriers de la spiritualité, Médiaspaul) d'un courant spirituel qui
partage des références (Frédéric Lenoir, Arnaud Desjardins, Eckhart
Tolle, etc.) et qui héritant de la tradition judéo-chrétienne ne se
reconnaît plus avant tout membre d'une Église mais aventurier spirituel
parmi d'autres capable de puiser aussi dans le bouddhisme ou
l'hindouisme. Ce n'est pas ce que certains sociologues chrétiens appelle
le new-age ou une nébuleuse ésotérico-mystique. La laïcité de 1905 non
neutre est le contexte politique qui seul peut permettre d'accomplir selon moi un saut spirituel de notre
nation mais en dehors de toute appartenance religieuse. Seule elle peut offrir un contexte idéal pour former une fraternité
humaine nationale l'emportant sur toute appartenance religieuse et
culturelle. Ceci est une position jauressienne, héritière de Buisson ou
plus avant de Pierre Leroux (inspirateur de la devise républicaine Liberté, égalité, Fraternité).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire