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Œuvre de Priti Ghosh |
PARLER DE REALISATION DE LA CONSCIENCE TEMOIN EST PLUS SÛR QUE DE PARLER DE CELLE DU SOI, SI POUR LA NON DUALITE LA PLUS AUTHENTIQUE, TOUT EST DIVIN.
Dans la spiritualité de la non dualité mainstream, la conscience Témoin est vue comme un succédané, un errement du chercheur avant que le Soi ne se réalise pleinement.
Premièrement, cependant, la conscience Témoin ne doit pas être confondue avec une dissociation entre un ego agissant et un ego qui s'observe. Le Témoin, dont nous allons parler ici est un déjà-là, une dimension préexistante qu'il s'agit à un moment de voir se réaliser au sein d'une évolution spirituelle.
Deuxièmement, en amenant en avant la notion de conscience Témoin, nous souhaitons nous tenir à distance d'interprétations courantes du Soi.
La notion du Soi suppose bien souvent une unicité et une absolutisation de la conscience immuable, d'une part, et, d'autre part, une dévalorisation discutable des phénomènes relatifs muables. Plus généralement, elle conduit à séparer un absolu et un relatif. Dans certaines interprétations le Soi est lui-même le premier phénomène relatif, déjà du côté des phénomènes temporels. Car l'absolu est un Non soi.
Notre vision spirituelle du Témoin veut éviter d'affirmer trop vite une conception qui nierait que tout jusqu'au moindre détail est réellement divin.
Les conceptions courantes du Soi impliquent trop souvent une survalorisation discutable de l'immuabilité atemporelle sur la muabilité temporelle. Elles impliquent alors la dépréciation de l'Etre par rapport au Devenir.
Il nous semble que, bien que revendiquant une non dualité, beaucoup des interprétations courantes du Soi ne sont pas radicalement et intégralement non duelles.
Leurs visions non duelles sont loin d'être intégrales : elles aboutissent à des dualités entre être et devenir, éternel et temporel, vacuité et formes, espace de conscience et phénomènes, entre non manifesté et manifestations, entre personnel et impersonnel, etc.
LA PLACE DU TEMOIN SUR LE CHEMIN DE LA NON DUALITÉ INTÉGRALE DU TOUT EST DIVIN.
Nous allons ici évoquer une approche du Témoin dont le vécu interdit d'absolutiser une quelconque dualité qui nous ferait conclure hâtivement que tout n'est pas divin.
La dimension de conscience Témoin peut être réalisée au niveau du plan de conscience où nous en sommes de l'évolution consciente de la conscience. Certains animaux qui n'ont pas un mental développé manifeste à l'évidence cette réalisation.
La conscience Témoin, y compris au plan de conscience ordinaire humain, est alors comme un "œil" sans bord, in-fini. Cet œil se tient là en arrière-plan de toute chose et simultanément en toute chose, qui paraît dans notre présence consciente. C'est un vide inhérent aux choses, une non-chose en laquelle se tient toute chose. Et sans chose, ce Témoin n'est rien, il est conscience de rien, devenant pratiquement inconscient. Sans mémoire ou autre façon de retenir quelque chose du passé, il y a traces de discontinuité de la conscience y compris dans sa dimension Témoin. Un inconscient l'affecte, il est Témoin de son rien de conscience ou du moins de son manque de conscience.
Cependant cette inconscient est-il absolu ? On observe que la conscience et son Témoin peut s'étendre sur un plan subtil. Dès lors la conscience Témoin réalisée sur un niveau de conscience ordinaire ne peut-elle pas s'étendre vers la supraconscience et le subconscient ?
Par exemple, on peut sentir une force active intérieurement au niveau des sourcils, il y a présence d'une lumière, d'une forme, d'une énergie, qui n'est ni une pensée, ni une émotion, ni une sensation physique. Ce centre subtil par lequel une force de conscience jusque-là inaperçue génère des réactions et des actions sur le plan de conscience qui nous était jusqu'à présent familier s'avère une extension de conscience. Elle peut s'inviter d'ailleurs sans que le Témoin dont nous parlions soit réalisé.
Prenons le cas où le Témoin se tient réalisé en arrière-plan et au sein du mode de conscience humain usuel. Celui-ci s'observera immédiatement Témoin de cette dimension subtile, qui se révèle soudain à l'œuvre alors qu'elle était ignorée précédemment.
Si je suis dans ma chambre, le Témoin englobe cette chambre selon ma perspective.
Si je suis dehors à l'extérieur de mon logement, il englobe ma vision du ciel.
Il s'étend et se contracte selon les dimensions spatiales que les sens humains captent. Un bouchon d'oreille réduit la sphère auditive, la conscience Témoin est le Témoin d'un espace auditif réduit. J'enlève mes bouchons d'oreille, le Témoin demeure, il est le Témoin étendu à un espace auditif plus étendu dans la réception des sons.
De la même façon, si la dimension d'un monde subtil paraît, il est Témoin du monde subtil. Si notre capacité subtil se voile, c'est le Témoin de ce voilement.
S'il y a un monde au-dessus du mental ordinaire, s'il y a un monde des idées, de vagues intuitives, etc., le Témoin réalisé sur le plan ordinaire du mental analytique sera ouvert automatiquement à ces expériences nouvelles. Si elles sont momentanées, l'extension automatique du Témoin n'aura été que momentanée.
Le Témoin est alors témoin d'un jeu propre à une automanifestation supra-individuelle de la perspective de conscience propre à notre individualité. Le Témoin, que le sanskrit nomme le purusha, est donc révélé dans ses divers plans par des flux d'automanifestation du Devenir. Ce type de flux est désigné en sanskrit comme prakriti.
Mais le Témoin Purusha, s'il accueille toute chose sans refus, sans jugement sur les prakritis, peut commencer à voir s'exprimer son aspiration silencieuse à des qualités de flux plus évoluées. Le Témoin Purusha ne consent plus à s'étendre et se réduire selon les caprices des flux de conscience, des prakritis. Les désirs sont l'œuvre d'une prakriti inférieure, mais l'aspiration émane d'un purusha aussi bien que d'un flux de prakriti supérieur. Le purusha Témoin ne consent plus passivement à voir ses dimensions de perception de plans de conscience paraître et disparaître.
Il aspire à percevoir la source de tous ces flux, la Mahashakti, le flux de tous les flux de conscience, l'intelligence du Devenir, le flux supérieur du devenir de conscience par excellence.
Cette aspiration révèle une personnalisation de ce Témoin anonyme, il se découvre une dimension Témoin individuel s'individuant, enfant aimant de la Mahashakti, enfant formé par la Mahashakti. Sri Aurobindo le nomme Chaïtya purusha.
Ce Témoin est un reflet d'un Témoin amoureusement soumis à la dynamique créatrice première, à la Mahashakti. Il est témoin d'une aspiration à contempler son Aimée dans sa nudité glorieuse, sans ses voiles d'ignorance, sans incapacité.
Entrevoyant sa Mère, la shakti-prakriti qui soutient son aspiration et y répond, ce Témoin se pressent à fois témoin et miroitement du purusha témoin suprême uni à la Mahashakti.
Le Témoin du plan humain ordinaire est purusha du mental-vital, miroitement-rayonnement du Suprême purusha, Ishwara, uni à la Mahashakti, Mère du Devenir.
Mais initialement ce Témoin est aussi bien ignorant de son essence ultime, union d'Iswahra et de Mahashakti que de sa dimension proprement individuelle. C'est par affinement de ce qui s'observe en lui qu'il commence à se réaliser dans un voilement moins prononcé de sa propre source. C'est par purification de ce qui vient troubler son observation qu'il commence aussi à voir l'insensibilité attachée à son propre cœur, à s'approcher ainsi de sa dimension individuelle, notre vraie personne.
Ainsi le plus souvent, lorsqu'il se réalise, au début, sa vision reste très enténébrée. Entre autres, ses ténèbres masquent alors le secret de cette aspiration qui se reflète en lui de se relier à sa source et à sa véritable individuation en croissance. Son observation imprécise confond alors encore aspiration et désir.
Cette aspiration en lui, c'est Chaïtya Purusha qui la produit. Cette aspiration est un fil qui, suivi, dévoile Chaïtya Purusha. Celui-ci est l'enfant de l'amour de l'Amant, l'Ishwara Purusha, le Purusha de tous les purushas, et de l'Aimée, Mahashakti, la Mère divine. Cet enfant est amour de la beauté-perfection, comme Eros, l'enfant d'Aphrodite, la Beauté Mère de toutes les beautés. Cet enfant est un feu 🔥 individué, fils du feu Suprême qui éclaire et engendre en son sein primordialement toute chose.
Son Père divin ouvre par sa lumière, l'espace rendant possible l'œuvre de notre Mère, Mahashakti, Mère de toutes choses. Son Père, Ishwara Prusha, se manifeste par des vagues de Paix, des ondes de Silence qui débordent et amplifient la Paix et le silence inhérents au Témoin, d'abord découvert sur le seul plan ordinaire. Son Père prépare ou accompagne ainsi sa prise de conscience. Son individuation croissante deviendra par la grâce de Mahashakti, suffisante pour ne plus rester indiscernable dans les ténèbres lumineuses du Témoin jusque-là seulement réalisé sur les plans mentaux, vitaux et physiques, les plans ordinairement propres à la conscience humaine.
Par les soins de Mahashakti, sa Mère, et par les attentions d'Iswahra Purusha, son Père, cet enfant divin se révèlera dans une vie individuelle humaine. Il se révèlera, à son heure, au cœur du cœur de la perspective individuelle du Purusha Témoin.
Autrement dit, la pleine réalisation du Témoin au niveau de conscience la plus ordinaire, une perspective humaine sur le monde, est concomitante à l'effort de la Mahashakti pour faire émerger son enfant divin enfoui en arrière-plan de chaque perspective individuelle.
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Œuvre de Priti Ghosh |
Il est évident que l'influence psychique de l'enfant Divin a eu lieu en nous sans que nous soyons alors conscient du Témoin. Cette aspiration peut certainement établir un lien de pressentiment avec Mère, notre Mahashakti. On pressent ainsi une providence qui prend soin d'une partie de nous-même, on s'étonne de synchronicités, on a le sentiment d'une protection absolue. Un jour au lieu d'interpréter cela faussement comme concernant notre ego, nous réaliserons que cela concerne d'abord et prioritairement l'individuation vraie en nous. Cela semblera concerner notre ego dans la mesure où notre individuation divine vraie en tire profit. Si des forces coupaient notre vie égoïque de tout lien avec notre filiation divine, les synchronicités seraient celles de forces "antidivines" (une prakriti éloignée du flux principal du Devenir, peut plus ou moins longtemps s'opposer en apparence à l'impulsion de la Mahashakti) qui, au final, nous couperaient de la protection de notre Mère. La destruction de l'ego et de son véhicule font dès lors partie des moyens de libération dont dispose Mère pour servir son Enfant immortel en nous.
Tout ces pressentiments de notre filiation divine peuvent donc prendre place sans la réalisation du Témoin. La réalisation du Témoin sur le seul plan ordinaire peut ne pas permettre d'éviter une victoire momentanée des forces que la Mahashakti n'a pas encore ramenées et soumises à sa nouvelle onde créatrice propagée parmi celles plus anciennes.
Ceci explique des comportements aberrants de gens ayant pourtant une expérience non duelle indéniable. Leur prétendue réalisation absolue du Soi s'accompagne sans qu'ils le perçoivent d'une soumission à des prakritis inférieures œuvrant en sens dysharmonieux par rapport à la Mahashakti. Ils se coupent de leurs âmes vraies, de l'enfant de Mahashakti en eux.
Ceci dit, une émergence solide en avant de l'enfant Divin s'accompagne de la réalisation du Témoin Purusha ordinaire de l'humain, cet œil toujours là, inhérent à notre présence consciente. Donc la recherche du Soi et d'expérience non duelle peut être au service de notre aspiration d'enfant divin que nous sommes.
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