dimanche 6 décembre 2015

PEUR DE L'APOCALYPSE, ECOLOGIE ET SPIRITUALITE.



La question de la peur de la fin de l'humanité dans une perspective spirituelle ne se posera pas en tant que pure peur. L'aspect positif de la peur se sublime spirituellement en prudence.



En faisant l'expérience d'une façon d'être au-delà du mental, nous découvrons que nous ne sommes pas seulement ce corps fini, vulnérable et mortel auquel nous nous sommes identifiés jusque là. 
Associer spiritualité et écologie ne peut donc pas consister à promouvoir la peur. La recherche spirituelle consiste en effet à expérimenter l'au-delà de la peur. Cependant si nous découvrons une dimension de nous même non enfermée dans un corps limité et mortel, il n'empêche que par la spiritualité nous pouvons découvrir que nous participons intérieurement à la manifestation d'une toile du vivant. La spiritualité n'est pas seulement détachement de la vie (sceptique par exemple) mais aussi communion plus ou moins profonde avec elle.

Susciter la peur pour imposer l'écologie n'est pas du tout un chemin spirituel mais la prudence n'en reste pas moins une vertu. Certains appels à la prudence sont dénoncés injustement comme des incitations à la peur. Appeler à la prudence n'a rien à voir avec utiliser la peur. Utiliser la peur serait de la politique au sens d'un art de la manipulation et c'est bien ce sens de la politique qui doit être dépassé ou abandonné à un moment ou un autre si une évolution de la conscience passe par une spiritualité intégrale. Bien sûr certains dénoncent des appels à la prudence comme une manipulation par la peur mais là la manipulation consiste à dénoncer une soi-disant manipulation.

Dernier point la peur ou l'impression de la peur est bien souvent ce qui justifie le cynisme et amplifie la dégradation de l'environnement. Pascal a bien vu que le divertissement face à la mort induit le fait de risquer sa vie : au cœur de l'action la plus risquée je n'ai plus à penser à la mort. Aujourd'hui le cynisme est bien souvent un divertissement devant la peur de la fin de toute humanité : c'est donc le fruit d'une double négation d'un amour pur au cœur de l'être... 
Ceci dit revenons à la question écologique :

"Celui qui croit que la croissance peut être infinie dans un monde fini est soit un fou soit un économiste", dit Pierre Rabhi.

Ce point révèle une urgence à un changement urgent de culture dominante. La croissance matérialiste et capitaliste est une culture à dépasser or toutes les actions politiques l'ignorent encore. 

Apocalypse signifie en grec révélation. Ne confondons donc pas fin du monde humain et apocalypse où le monde humain ferait de la place à un monde autre que dominé par l'humain. 

Les connaissances sur le vivant nous disent clairement que nous avons en tant qu'espèce provoqué une crise évolutive : le changement climatique s'accompagne de la sixième grande extinction, et aussi d'un bouleversement des écosystèmes significatifs de toutes les grandes crises évolutives précédentes.

Si apocalypse, il y a, ce serait certainement l'émergence d'une nouvelle manière d'être cellulaire plus que culturelle ou mentale. Et là la connaissance mentale n'est guère capable d'envisager un au-delà d'elle-même se manifestant dans la matière. Comment penser une certaine manière d'être cellulaire autre que liée à une évolution cérébrale dont la conscience mentale est l'aboutissement ? Si on suit la connaissance mentale en biologie, il n'y a rien de nouveau sous le soleil depuis les cellules sinon l'organisation de celles-ci. Cependant la connaissance mentale ne peut cependant pas être à la hauteur de l'expérience spirituelle de base qu'est la réalisation de la lumière intérieure même si elle commence aujourd'hui à repérer des conséquences cérébrales et organiques de vivre consciemment dans la lumière intérieure. Un ordinateur pourra toujours faire mieux que notre connaissance mentale mais la connaissance intuitive inhérente aux réalisations spirituelles en tant qu'elle révèle un au-delà au-delà de tout ne sera jamais réductible à un simple mécanisme matériel plus ou moins plastique. Une connaissance nouvelle est même possible qui mettrait en jeu la matérialisation au sein de l'au-delà au-delà de tout. Sri Aurobindo parle d'une telle expérience spirituelle supramentale qui produirait un nouveau type d'être beaucoup plus plastique et conscient de manière de plus en plus immédiate et totale de sa manifestation matérielle. 
Ces points de vue intérieurs sur une dimension de la conscience qui ne peut être ramenée à une connaissance mentale et donc qui n'est pas modélisable selon des schémas et des modèles mentaux ouvre donc à la possibilité d'un niveau de conscience  possiblement autre au niveau matériel lui-même.


On peut tenter des analogies : la conscience du chien ou du chat n'arrive pas à envisager la conscience humaine dans sa profondeur même si elles peuvent échanger avec elle. Certains éthologues estiment que le chat dans une famille humaine se prend pour un humain mais quelque chose a priori lui échappe encore de la culture humaine. Si une nouvelle forme de conscience s'incarne comme capacité d'être plus directement consciente de sa propre manifestation matérielle, nous ne pourrons qu'en avoir une idée et non l'expliquer ou la comprendre.

Sans aller jusqu'à considérer que la conscience supramentale est le nouveau palier évolutif en cours, nous pouvons déjà creuser spirituellement ce monde subtil intuitif, ce quelque part qui relie cette conscience non mentale auto-créatrice et donc au-delà au-delà de tout et notre conscience mentale personnelle. Déjà du point de vue d'une expérience d'une conscience spirituelle ouvrant à une aventure intuitive au-delà de la conscience mentale, il est évident que la croissance des puissances matérielles de la culture humaine par l'intelligence mentale ne peut être infinie. L'homme mental "augmenté" ou "titanisé" par le biais de nouvelles technologies ne sera qu'une impasse. Cet homme augmenté ne sera qu'un homme qui tombera d'autant plus sur les limites. Un enfant qui balbutiera le nouveau niveau de conscience qui émergera de cette crise évolutive brisera d'un geste ses jouets titanesques et l'homme mental sera plus nu qu'à l'aube de sa venue évolutive. Indice majeur : toutes les technologies ont leur faille et leur panne... Toutes ont un défaut de conscience, une inconscience non pas morale mais ontologiquement indépassable... 

Bilan

La peur est inutile même si la prudence mentale est elle nécessaire. Cette prudence mentale est une vertu qui consiste à comprendre mentalement les limites des prétentions mentales à dominer la matière et la vie.
Une évolution authentique ne peut être qu'une évolution de la conscience au-delà de la conscience ordinaire réduite à un moi mental, émotionnel logeant dans un corps et étendu matériellement avec des artefacts pensés mentalement... La véritable connaissance est de savoir participer de plus en plus consciemment à l'évolution de la conscience. Celui qui a réalisé la lumière intérieure ne peut réduire cette participation à de la pensée, il sait que la racine de cette participation se joue dans une connexion intuitive à la lumière intérieure. Si vraiment en lui le mental accepte de se reconnaître dans ses limites, il peut même aspirer à une manifestation terrestre d'une conscience surpamentale. 
Si on parle d'une participation de plus en plus consciente à l'auto-création de la Conscience divine, le chemin de la connaissance est peut-être en ce sens infini. Mais si on parle de la connaissance exclusivement mentale, on s'enlisera dans des systèmes dont la boîte noire échappera de plus en plus à notre conscience ordinaire mentale et donc de moins en moins à la faille de la crise évolutive du mental en cours...

Retour sur notre actualité écologique

Pierre Rabhi est un fidèle interprète de Krishnamurti. Au centre de l'expérience de ce dernier, il y a ce qu'il appelle "Otherness" surgissant quand tous les chemins de la conscience mentale ont révélé leur vanité.

Dans le monde certainement finissant de la conscience mentale, ce sont nos folies et nos désirs consuméristes égocentriques qui pensent encore en nous que la pensée est le chemin le plus juste vers le réel.

Bien sûr, ce discours est encore de la pensée et relève donc d'une conscience mentale au mieux éclairée par une certaine lumière intérieure. Mais la pensée usuelle et ordinaire a toujours pour signifié le signifiant : le mental nourrit le mental, l'ego parle de lui-même et voit un monde où le réel et la pensée pourrait coïncider. Hegel posait clairement ce problème le réel est-il ou non rationnel, pensable intégralement ? Et il a saisi là l'ultime ressort de la modernité et de la postmodernité hypermoderne si l'on veut. Ici dans cette philosophie de l'évolution au-delà du mental humain ordinaire, le signifié est en dehors de tout signifiant mental même si ce signifié est simultanément à la source de l'être et du monde mental. Il ne s'agit pas seulement de fournir une pensée intégrale (peut-être encore trop fermée comme celle de Hegel ou plus efficace et ouverte encore comme celle de Ken Wilber) mais de viser à une aventure intérieure de la conscience usant d'une spiritualité intégrale. 

L'enjeu culturel est donc d'en finir avec toutes les tentations modernes et prémodernes de pensée totalisante risquant de nous plonger encore et encore dans des folies totalitaires. Le seuil postmoderne est utile en ce qu'il nous a appris à déconstruire toutes les volontés mentales de s'instituer en une vérité alors qu'il ne peut s'agir que d'une interprétation parmi d'autres y compris quand nous cherchons à rendre compte de la lumière intérieure non mentale. Le surmoderne sait qu'il faut cependant hiérarchiser ces mentalités à partir d'une pensée complexe ouverte. Mais devenu solidement surmoderne, s'ouvrant vraiment à la spiritualité, il lui faut se libérer de toutes les forteresses mentales. 

Et même ces petits éclairages intuitifs obtenus dans la lumière intérieure qui précisent nos pensées satisfont de moins en moins le feu croissant de notre aspiration évolutive. 

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