lundi 5 août 2024

NOTRE ARROGANCE MENTALE OBSTACLE A LA TRANSFORMATION DE LA CONNAISSANCE PAR IDENTITE DE CONSCIENCE

Le Divin se manifeste - Tableau de Niranjan Guha Roy



Le mental peut exprimer, mais il ne peut pas réellement connaître l'Être et maîtriser le Devenir. 


Déjà laisser se réaliser le Soi ou la vacuité, sur le plan de l'Être, n'est pas une simple connaissance sur le plan mental, il faut une connaissance par identité dont aucun raisonnement mental analytique n'est capable. 

En ces domaines, au mieux, un concept pointe, il n'embrasse pas. Et encore faut-il le regard pour voir ce qu'il pointe. Car comme les concepts bougent en bande, on peut jouer mentalement avec la bande en question sans rien voir de ce qu'elle est sensée désignée ou si peu, ce qui serait déjà un début ! Par expérience, j'ai pu jouer philosophiquement avec les concepts de Platon sans les comprendre. Au mieux un concept conçoit, il ne comprend pas ! Un concept utile sert un regard, lui indique une direction. La carte n'est pas le territoire. Le panneau indicateur du village n'est pas le village. La carte a son utilité mais elle est complètement fictive, si nous sommes pas en vécu direct d'un quelconque point du territoire. La difficulté est d'avoir un vécu du territoire et de distinguer ce qui ressort encore d'une absence de vécu de la carte où l'on commence à se repérer. En spiritualité, un concept, un verbe, dans l'idéal, veut exprimer comme un miroir indicateur ce qui est déjà là et demande à grandir. Découvrir ces miroirs est déjà un vécu, mais le miroir n'éclaire qu'un angle, qu'un aspect. La connaissance de la carte est un vécu et la reconnaissance de certains aspects du territoire est un vécu déjà plus profond, mais ce n'est pas encore une connaissance intégrale du territoire. Cela donne des mots à des dimensions du lecteur qu'avant de les lire, celui-ci ignorait de son intériorité, mais ces dimensions sont en lui à vivre sans miroir, seule la lumière de la source de l'autocréation et les rayons qui la composent importent  au final.

Les concepts mis en œuvre pour produire une technologie laissent le réel matériel largement non maîtrisé, d'où les usures, les pannes, les effets secondaires imprévus, les accidents et les catastrophes technologiques et écologiques. Notre civilisation thermo-industrielle ne pourra pas disposer des ressources énergétiques dont elle a disposé jusqu'ici : la panne sèche de pétrole, les quantités limitées de gaz renouvelables, la fragilité des redistributions énergétiques, la finitude des matières premières (uranium, lithium, terres rares), etc. nous préparent une panne du système thermo-industriel ou du moins son ralentissement très net. Nos concepts scientifiques et techniques donnent l'impression d'être le secret de la maîtrise de la matière et de son cours : la fragilité de notre système civilisationnel devrait nous révéler le caractère illusoire de cette prétention.

Au plan spirituel, le mental permet d'exprimer une connaissance par identité de la Vie Universelle au-delà du mental analytique. Mais c'est bien de cette connaissance au-delà du mental analytique ou par idées de représentation, de ce non savoir pour le mental analytique et notre pouvoir de représentation, dont nous manquons.

Le développement de la Buddhi, qui lie discours mental et perception par identité est tout d'abord une nécessité au plan spirituel. Mais c'est un palier. 

De quoi suis-je sûr ici et maintenant immédiatement sans aucune médiation mentale ? voilà une pratique simple pour faire le point et cesser de fantasmer une réalisation spirituelle.

Tout ce qui apparaît ici n'est qu'apparences. D'un côté, le mental peut donc corriger des perceptions ou en tirer des conjectures efficaces (mon grand-père était un sourcier qu'on venait consulter). Mais ce ne sont que des conjectures, il ne donne pas accès à l'essence, c'est ce qu'une pratique spirituelle mentale du scepticisme issu de l'antiquité pointe. Le A et le non A pour presque tout énoncé A sont facilement opposables, comme notre discussion le montre. Le mental reste à mi-chemin entre fiction et réel. Avec le seul mental, il n'y a que des interprétations. Les cartographies nous font entendre que le territoire que nous connaissons recèle encore bien de l'inconnu pour nous. Le mental peut permettre d'interroger la perception, il est un soutien pour une avoir une direction où la concentrer pour l'élargir. Mais restant dans la bulle mentale, il peut parfaitement n'y avoir que pure illusion, sa propre réalité fictionnelle caractéristique partout. C'est là l'atout de la cartographie des sagesses sceptiques.

Les réalisations technoscientifiques peuvent-elle ébranler ce regard sceptique déréalisant nos sensations ? Ce regard sceptique est inévitable quand le mental spiritualisé révèle un englobant de notre subjectivité et de ce qui lui semblait jusque-là externe. En cet englobant surmental sans forme, tout ce qui apparaît pourrait être aussi bien une apparence illusoire, un pur mirage de notre esprit qu'un reflet sur le mental d'une réalité proprement extérieure à notre bulle mentale. Le regard sceptique est l'acceptation de la suspension de toute conclusion à ce propos. Cependant le regard mental technoscientifique et ses succès avivent l'hypothèse d'une réalité matérielle subconsciente, y compris pour notre mental éveillé spirituellement. Ses réalisations ébranlent le regard sceptique du mental spiritualisé. Cet accès technoscientifique au subconscient est aussi un regard avec ses limites : toute technologie subit les lois de l'impermanence et aucun artefact technique n'est sempiternel. Si un scientifique authentique a un pressentiment que ce qui est inconnu est bien plus vaste que ce qu'on croit connaître, l'arrogance technicienne est sans doute symptomatique de l'arrogance inhérente à un mental. Cette arrogance n'envisage pas une conscience nouvelle autre que lui-même qui pourrait se substituer à son règne. Elle tend aussi à ne pas prendre de précautions en tenant compte des dimensions matérielles qui ne peuvent pas par définition être maîtrisées par le process technique. 


D'un côté, le regard sceptique stipule que rien ne pourrait être connu en dehors de la bulle de conscience mentale sinon notre inconnaissance, les apparences en tant qu'apparences de l'esprit interdiraient d'affirmer une autre réalité que celle des limites de nos représentations mentales. D'un autre côté, le regard technoscientifique stipule un subconscient matériel dont la connaissance par des médiations matérielles permet de manipuler les apparences à un degré tel que certains envisagent un dépassement de la nature humaine. Ce sont deux formes de  pratiques mentales qui pourraient se neutraliser pour envisager une supraconscience possible. Mais elles se renforcent culturellement le plus souvent par un jeu de basculement de l'une à l'autre et nourrissent discrètement une même arrogance, un même enfermement dans la bulle mentale. Le regard spirituel sceptique, le regard méditatif qui le soutient, affirme un non mental, mais il demeure un vécu à partir d'un mental, même si son air y est extrêmement raréfié.  Le regard technoscientique affirme une réalité matérielle non mentale, mais ses limites dans son efficacité et sa pérennité, si elles confirment son présupposé de la matière, sont aussi typiques des limites du mental lui-même.

La conscience mentale est incapable d'un regard innombrable : tout artefact et toute action soumise à sa seule lumière, ou tamisée et filtrée par sa lumière devrait s'accompagner d'une conscience humble de ses limites. L'instrument matériel forgé par le mental n'échappe pas dès lors à des forces subconscientes qui en perturberont l'usage. Le mental spiritualisé fixe l'intuition de la connaissance par identité dans ses filtres. La lumière divine s'enténèbre dans les stratosphères mentales même si sa splendeur s'y perçoit. Dans les couches surmentales de la bulle mentale, la lumière divine une et innombrable y est divisée inéluctablement, ce qui rattache tel aspect de son unité à tel autre est rendu imperceptible. Une nouvelle conscience capable, elle, d'un regard innombrable et s'incarnant pourrait possiblement surmonter ces handicaps intrinsèques au mental. Le supraconscient serait alors de moins en moins inconscient ainsi que le subconscient. S'il n'y pas d'inconscience absolue de l'autocréation divine alors notre participation croissante à sa supraconscience de l'univers étendrait significativement notre conscience à ce qui lui était jusque-là subconscient. 

Une conscience mentale spiritualisée par sa dimension Purusha, pur témoin détaché des apparences, sans forme non absorbé en aucune forme peut abolir un mouvement mental de sa Prakriti, le jeu de forces de la nature ici mentale. Une conscience vitale des émotions dans sa dimension Purusha peut rester détacher d'un mouvement émotionnel dans sa dimension Prakriti. 
Sri Aurobindo et d'autres, pour parler de ce regard un innombrable étranger au regard mental voire surmental, parlent d'une lumière supramentale. Cette forme de conscience est restée jusque-là étrangère aux organismes terrestres. S'il s'incarnait, cet unique regard innombrable supramental, il participerait intégralement à l'élan créateur Divin,  bien au-delà de ce qu'une action mentale spiritualisée rend possible. Par exemple, cette lumière supramentale,  seule, pourrait modifier consciemment les automatismes subconscients pour notre mental humain. Une aide psychothérapeutique permet parfois d'éclairer certains pans de notre subconscient personnel. Avec la lumière supramentale, seraient éclairées des déterminations subconscientes pour notre conscience (sur)mentale qui font de nous humain, un humain en le perpétuant. Autrement dit, avec cette nouvelle conscience, serait actif en nous un Purusha pouvant réformer les habitudes de la Prakriti organique et matérielle.

Thalès qui a poussé le mental dans ses possibilités les plus nobles est tombé dans un puits en regardant les étoiles. "Une servante de Thrace, fine et spirituelle, le railla, dit-on, en disant qu'il s'évertuait à savoir ce qui se passait dans le ciel, et qu'il ne prenait pas garde à ce qui était devant lui et à ses pieds". Voulant mettre un terme aux moqueries, sa connaissance des astres lui a permis de prédire une récolte d'olives abondante. Il a loué tous les pressoirs pour faire de l'huile. Il a ainsi créé un monopole économique pour la première fois dans l'histoire. On l'a supplié de retourner à ses savoirs mentaux contemplatifs. Il y avait là un sommet des possibilités mentales mais aussi sa limite intrinsèque.
La venue d'une intuition créatrice ou une découverte sur le plan mental, n'est qu'un rayon détaché du mouvement global du Devenir. Comme auto-création divine, par essence, le Devenir se déploierait comme harmonie de son unité et de sa multiplicité. Sur notre plan terrestre et mental, cette harmonie reste imperceptible. A vrai dire, une nouvelle idée sur le plan mental engendre bien souvent des conséquences imprévues, ce qui ressemblait à un progrès apporte avec lui très souvent des effets perturbateurs qui ont tôt fait d'effacer l'impression première de progrès de la connaissance. Cette imbécilité de l'action mentale la plus créative explique que l'Harmonie intrinsèque au Devenir autocréateur multiple de l'Un relève pour nous humain de la foi et de l'espérance.

Aujourd'hui, ce n'est plus l'heure des sommets mentaux comme celui incarné par Thalès, Il y a une nouvelle conscience, dont des aventuriers de la conscience essaient de témoigner. J'observe que mon mental développé par des études scientifiques, en particulier de mathématiques, par des études de philosophie et par la maîtrise interne de dimensions subtiles a souvent cru que des solutions sur son propre plan suffiraient. J'étais totalement prisonnier de la bulle mentale.

Niranjan Guha Roy, un des aventuriers sur la voie ouverte par Sri Aurobindo et Mère au-delà de la conscience mentale, m'a permis de mettre le doigt sur mon arrogance mentale et l'obstacle qu'elle forme contre la nouvelle conscience supramentale [cliquez ici pour lire Niranjan Guha Roy à ce propos]

Et je tiens à dire, que s'il n'y a, pour moi, que des aperçus discontinus de cette nouvelle conscience, c'est bien parce que cette arrogance mentale occultant ce besoin d'autre chose subsiste encore en moi. Je pourrais me contenter de vivre ce dont j'ai vérifié la cartographie personnellement, je pourrais me contenter de ce petit territoire intérieur que j'ai découvert et regarder ces cartes qui me parlent encore d'autres territoires spirituels comme inutiles voire comme un danger de me perdre loin de cet essentiel qui s'est révélé. Le scepticisme mental, s'il reste bien utile pour une pratique méditative mettant à distance le cours ordinaire de nos pensées, peut nous enclore inconsciemment dans la bulle mentale. Se contenter de cette seule libération spirituelle s'avère malheureusement une forme de processus d'enfermement de la lumière venant d'au-delà du mental dans un édifice mental subtil. La réalisation d'un surmental, d'un mental radicalement spiritualisé, peut risquer de devenir une dernière forme subtil d'arrogance mentale. L'éveil de la lumière intérieure spirituelle différenciée de la lumière intellectuelle ne signifie pas qu'on a quitté la bulle mentale. Le filtre surmental de la bulle, si subtil et qui laisse passer la lumière divine, peut nous le faire croire. Mais ce filtre ôte à la lumière divine sa propriété supramentale de regard Un innombrable, il y substitue ses ténèbres lumineuses. L'individu confond son inconscience du supraconscient avec un inconscient absolu. Il attribue son non savoir intrinsèque à la bulle mentale à l'absolu lui-même alors que c'est la sphère surmentale qui déforme et obscurcit la lumière supraconsciente de l'absolu.





Commencé en février 2024

Le but à atteindre - Tableau de Niranjan Guha Roy




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