Louis Lavelle dans Le mal et la souffrance, deuxième essai, décrit la communion proprement spirituelle et je montre entre crochet comment une spiritualité authentique implique dès lors le dépassement de la relation d'enseignant spirituel (maître) à enseigné (disciple) :
Ici on trouvera un recueil de textes de Louis Lavelle.Cette troisième espèce d’influence qui ne va point de l’individu à l’individu, soit dans le même sens [première forme d'influence], soit dans un sens réciproque, [deuxième forme d'influence] mais qui découvre aux individus une source universelle dans laquelle chacun d’eux puise à la fois la lumière qui l’éclaire et la promesse d’un infini développement, cette influence dont l’individu est l’instrument et non pas l’agent peut être nommée elle‑même trans‑individuelle. Elle réalise d’une certaine manière la synthèse des deux précédentes et donne à chacune d’elles sa valeur et sa signification. Car le prestige d’un individu [première forme d'influence] asservit toujours celui qui le subit, au lieu que l’ascendant d’un idéal dont l’individu est l’interprète libère celui qui le contemple par son moyen, et qui s’oblige à le faire vivre en lui, d’une vie qui est aussi la sienne. Et l’influence mutuelle des individus n’enrichit et ne dilate chacun d’eux, au lieu de les resserrer plus étroitement dans leurs propres frontières [effet souvent du deuxième type d'influence], que si elle emprunte les ressources dont elle dispose à un principe dont ils dépendent l’un et l’autre et auquel ils doivent s’unir d’abord pour devenir capables de s’unir entre eux.En disant que les biens spirituels ne peuvent pas être dissociés de la personne même qui les possède et les met en œuvre, nous voulions dire qu’on ne peut jamais les considérer comme des choses toutes faites qui pourraient nous être données et que nous n’aurions qu’à recevoir : il faut sans cesse les acquérir. Celui dont nous pensons qu’il est capable de nous les communiquer s’est fait lui-même en les faisant siens ; il nous invite à nous faire nous-même en les partageant [Ceci peut concerner une relation maître-disciple]. Dès lors, nulle influence n’est bonne que si elle permet à la personne de se constituer, au lieu de l’obliger à s’effacer et à abdiquer [Le maître authentique ne confond pas l'humiliation de l'ego avec un dépassement de l'ego qui permet davantage à l'individu de s'individualiser en harmonie avec l'évolution de l'univers.]. Affirmer la valeur d’un autre être, ce n’est pas reconnaître en lui une individualité que la nature a comblée de ses dons : c’est admirer l’usage qu’il en fait et qui nous invite à faire de ceux que nous avons reçus un usage aussi beau. La valeur n’est pas enfermée dans les limites de l’individualité : elle réside dans son emploi, qui la surpasse toujours, et qui crée l’originalité même de la vie spirituelle. Il n’y a personne qui soit né ce qu’il doit être, et il n’y a personne non plus qui le soit jamais devenu, c’est‑à‑dire qui soit arrivé [contre l'idée d'un maître parfait qui ne serait plus lui-même sur le chemin]. Mais personne ne progresse autrement qu’en sortant de soi, c’est‑à‑dire en triomphant de cet attachement à lui-même qui le sépare des autres êtres. Et tous, en s’évadant d’eux‑mêmes, brisent également les murs de leur prison ; ils retrouvent alors l’immensité du ciel libre sous lequel ils communient [Dans la tradition spirituelle chrétienne, Jésus insiste sur le fait que devenus conscient de cette communion, il convient de parler d'une relation d'amitié : "Je ne vous appelle plus esclaves, car l'esclave ne sait pas ce que son maître fait ; mais je vous ai appelés amis, parce que je vous ai fait connaître tout ce que j'ai ouï de mon Père.", Jn 15,15. Toute relation maître-disciple qui confine à l'adoration relève du deuxième type d'influence. La relation maître-disciple, enseignant-enseigné accomplie doit être dépassée aussitôt que possible par celle de communion].
Une communion à la source aussi précieuse que rare, unfortunately !
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