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Selon nous, la vérité de la non-dualité n'est pas dans l'affirmation métaphysique que "tout est neutre". Ce serait prendre le risque d'enfermer ce qui outrepasse le mental dans une formulation mentale discutable. La vérité de la non-dualité a plus exactement à voir avec l'affirmation pratique et métaphysique que "tout est égal". Autrement dit la non-dualité vécue dans sa profondeur la plus radicale est l'effacement des préférences personnelles y compris dans leur dimension culturelle et non leur simple relativisation. Un enjeu pratique éminent d'un approfondissement de la non-dualité au cœur du vécu personnel est donc la perfection de l'équanimité.
Si on admet cet enjeu pratique de perfection de la non-dualité incarnée au niveau personnel sous la forme de la vertu d'équanimité, on ne doit pas retomber non plus dans une forme de volontarisme spirituel. L'idéalisme qu'implique la recherche d'une perfection entraîne bien souvent un volontarisme qui remet l'ego au centre alors que le geste premier est de le relativiser dans la lumière non-duelle avant même d’espérer de voir s'abolir ses préférences. Mais d'autre part il y a des renoncements un peu rapide à tout idéal de perfection au nom d'un tout est parfait qui fait trop rapidement la part belle aux préférences égocentriques, même si on affirme volontiers qu'elles sont relativisées sans effort par la vue de notre véritable nature non-duelle.
Accepter l'imperfection de notre réalisation non-duelle malgré un éveil flagrant à cette vérité et à sa lumière peut simplement signifier une humilité à l'encontre du volontarisme idéaliste et d'un laisser-aller des forces égocentriques. L'humilité véritable n'est ni humiliation de soi, ni posture subtile de l'ego : elle consiste simplement à percevoir ce qui fait tâche dans notre soi-disant équanimité rêvée. C'est un humour envers soi, un amour lucide de soi et non une forme perverse d'amour propre comme l'est l'auto-humiliation. L'humilité est une façon de se relier à la conscience non-duelle. L'humilité est d'abord ce qui fait de nous un cœur ouvert à une transformation dont nous sommes incapables volontairement. La conscience non-duelle, elle seule, a la vitesse requise pour attraper en flagrant délit les formes les mécanismes mentaux dans leur "plaisir de moudre et de moudre" et elle-seule a encore plus la vitesse de métamorphoser au vol les émotions et les pulsions. L'humilité est donc un renoncement à soi ego comme acteur de la vie spirituelle pour laisser vraiment la grâce de la conscience non-duelle opérer. Mais ce renoncement à soi n'est pas un mouvement sacrificiel doloriste. Il est don de soi à la lumière non-duelle : acte d'offrande de notre incarnation défaillante à l’œuvre divine.
Tant qu'une partie de nous refuse de se voir transformer, l'offrande de soi demeure défaillante, l'humilité affichée reste illusoire. L'offrande de soi est un geste qui se joue instant après instant. Elle est foi dans la dimension évolutive de la conscience non-duelle, elle est aspiration à la grâce transformante de cette conscience. L'humilité dont il question est la joie de se fondre dans l’œil témoin de la conscience non-duelle et de voir que "Rien n'est contre", qu'il y a un chemin de perfectionnement de la présence de cette lumière au cœur même de la Vie matérielle. L'équanimité qui s'approche de sa propre perfection d’œil pur témoin atemporel révèle forcément la volonté divine transformatrice de toute chose que la tradition hindoue appelle La Mère. L'Être divin immuable qui se dévoile comme égalité par la vertu d'équanimité est inséparable d'un Devenir qui se dévoile comme volonté divine par la vertu d'humilité. Une dimension de ce Devenir absolu de l'Être est un principe d'individualisation authentique de l'ego et par-delà l'ego.
La transformation spirituelle de l'ego à la lumière de la conscience non-duelle peut éventuellement conduire à une prise de conscience d'un principe d'individualisation conjoint au Devenir animant la vie cosmique. En terme plus clair et moins conceptuel, l'accomplissement de la vertu d'équanimité et d'humilité par un approfondissement de la conscience non-duelle peut nous conduire à une prise de conscience en nous d'un monde de l'âme étroitement uni à La Mère. Notre ego n'est d'abord qu'un relai potentiel de ce monde de l'âme avant de s'élargir et de s'accomplir dans la venue en avant de ce monde.
"Rien n'est contre" la transformation psychique (lié au monde de l'âme) de l'ego à la lumière de la conscience non-duelle. La tradition spirituelle du platonisme perse que Henry Corbin ou Ostad Elahi nous ont découverte offre clairement un chemin en ce sens. L'accomplissement de cette transformation serait ce qu'on appelle la transformation spirituelle. Mais faut-il voir dans la mise en avant de l'âme par l'accomplissement des vertus le tout de la vie ? Le Devenir et donc ce qu'on appelle plus simplement la volonté divine s'arrête-t-il là ?
Qui nous dit que quelque chose est contre une divinisation du monde matériel ? La venue en avant pendant cette vie terrestre de certaines âmes, c'est-à-dire la disparition de tout égocentrisme personnel ne nous mettrait-il pas face à l'imperfection de nos corps animaux ? Ici le chemin de Mère et Sri Aurobindo est le seul (selon nos informations) qui répond que "Rien n'est contre".
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