Si l'on vous interroge à un sondage sur votre croyance religieuse ou non, répondriez-vous que vous croyez en Dieu ou que vous n'y croyez pas ?
Mais si j'expérimente dans mon intériorité la source de tout de ce qui est, je ne suis ni athée ni croyant.
Si j'expérimente une présence absolue en moi, ai-je besoin de me soumettre à une quelconque dogmatique religieuse ? Les sociétés modernes me laisse assez de liberté pour que je vive cette expérience de la présence absolue en dehors de toute institution religieuse, en dehors de tout communautarisme. Je peux partager cela avec des amis dont je suis indépendant économiquement et socialement. Je découvre la possibilité d'une libre communion à travers cette présence qui porte l'individu à l'accomplissement le plus profond de son individualité.
De ce point de vue spiritualiste, il parait nécessaire de défendre une laïcité républicaine dont
l'idéal est une fraternité fondée sur la liberté individuelle et le sens de l'égale dignité.
La laïcité républicaine facilite des fraternités par delà les appartenances, par delà les frottements des identités culturelles. Dans la croyance il y a des maîtres et des traditions, dans l'expérience spirituelle nous découvrons notre propre autorité intérieure, notre âme, notre ancrage individuel dans la source.
Une laïcité multiculturelle qui valorise l'appartenance à des communautés de croyants ne fondera jamais spirituellement une fraternité républicaine spiritualiste. L'espace public sera tout au plus un lieu de coexistence pacifique et chacun sera renvoyé à son identité.
Cette conception spiritualiste de la laïcité a des antécédents chez Pierre Leroux, Ferdinand Buisson et Jaurès.
Documents :
« Ce que veut la religion, c’est que « l’esprit poursuive toujours l’infini, et ne se flatte jamais de le posséder ».
Pour le religieux laïque, « croire en Dieu, ce n’est pas croire que Dieu est, c’est vouloir qu’il soit ».
»
« Nos pères avaient mis sur leur drapeau : Liberté Égalité
Fraternité. Que leur devise soit encore la nôtre ! Ils n’avaient pas
conclu de je ne sais quel système social à l’individu ; ils n’avaient
pas dit " La société doit être organisée nécessairement de telle ou
telle façon, et nous allons enchaîner le citoyen à cette organisation".
Ils avaient dit "La société doit satisfaction à l’individualité de tous,
elle est le moyen de la liberté de tous". » (1834, De l’individualisme
et du socialisme).
Comme l’analyse parfaitement Pierre Leroux, cette liberté n’a rien à
voir « avec l’individualisme actuel, l’individualisme de l’économie
politique anglaise qui, au nom de la liberté, fait des hommes entre eux
des loups rapaces et réduit la société en atomes », avec le libéralisme
bourgeois qui fait de l’égalité "une chimère sans importance" et crée
dans les faits "la plus infâme inégalité". « Dès lors leur liberté est
un mensonge, car il n’y a que le très petit nombre qui en jouisse. »
L’égalité est la condition de la liberté et de la fraternité « En
effet, si les hommes ne sont pas égaux, comment voulez-vous les
proclamer tous libres ; et s’ils ne sont ni égaux, ni libres, comment
voulez-vous qu’ils s’aiment d’un fraternel amour ? » « L’origine et le
but de la société sont cachés dans ce mot (Egalité), comme l’énigme du
Sphinx : mais cela n’empêche pas que ce mot ne soit, dans la formule
politique, la raison des deux autres termes. »
En 1845, Leroux donne une définition sur laquelle nous conclurons :
« Nous sommes socialistes si l’on veut entendre par socialisme la
doctrine qui ne sacrifiera aucun des termes de la formule liberté,
fraternité, égalité, unité, mais qui les conciliera tous »
« C'étaient des humanistes, c'étaient des hellénistes, qui se passionnaient
pour la Réforme ; il leur semblait que pendant les siècles du Moyen Âge,
une même barbarie, faite d'ignorance et de superstition, avait obscurci la
beauté du génie antique et la vérité de la religion chrétienne. Ils
voulaient, en toutes choses divines et humaines, se débarrasser
d'intermédiaires ignorants ou sordides, nettoyer de la rouille scolastique
et ecclésiastique les effigies du génie humain et de la charité divine,
répudier pour tous les livres, pour les livres de l'homme et pour les
livres de Dieu, les commentaires frauduleux ou ignorés, retourner tout
droit au texte d'Homère, de Platon et de Virgile, comme au texte de la
Bible et de l'Évangile, et retrouver le chemin de toutes les sources, les
sources sacrées de la beauté ancienne, les sources divines de l'espérance
nouvelle, qui confondraient leur double vertu dans l'unité vivante de
l'esprit renouvelé. Qu'est-ce à dire ? C'est que jusqu'ici, ni dans
les premiers siècles, ni au seizième, ni dans la crise des origines, ni
dans la crise de la Réforme, le christianisme, quelque transcendante que
fût son affirmation, quelque puissance d'anathème que recelât sa doctrine
contre la nature et la raison, n'a pu couper ses communications avec la
vie, ni se refuser au mouvement des sèves, au libre et profond travail de
l'esprit.
Conquêtes décisives Mais maintenant, pour le grand effort qui va de la
Réforme à la Révolution, l'homme a fait deux conquêtes décisives : il
a reconnu et affirmé le droit de la personne humaine, indépendant de toute
croyance, supérieur à toute formule ; et il a organisé la science
méthodique, expérimentale et inductive, qui tous les jours étend ses
prises sur l'univers. Oui, le droit de la personne humaine à choisir et à
affirmer librement sa croyance, quelle qu'elle soit, l'autonomie
inviolable de la conscience et de l'esprit, et en même temps la puissance
de la science organisée qui, par l'hypothèse vérifiée et vérifiable, par
l'observation, l'expérimentation et le calcul, interroge la nature et nous
transmet ses réponses, sans les mutiler ou les déformer à la convenance
d'une autorité, d'un dogme ou d'un livre, voilà les deux nouveautés
décisives qui résument toute la Révolution ; voilà les deux principes
essentiels, voilà les deux forces du monde moderne. Ces principes sont si
bien, aujourd'hui, la condition même, le fond et le ressort de la vie,
qu'il n'y a pas une seule croyance qui puisse survivre si elle ne s'y
accommode, ou si même elle ne s'en inspire. (...) »